Publié le 21 Nov 2012 - 08:58
SALIF KEITA

 Electro cool

 

C'est avec Philippe Cohen-Solal du Gotan Project que Salif Keïta a enregistré l'année dernière à Bamako, son nouvel album Talé. Sa voix nous emmène dans diverses contrées électro, au-delà d’un son purement "club". Rencontre avec RFI Musique.

 

C’est certainement la nouvelle la plus enthousiasmante qu’on ait entendue depuis des mois à propos du Mali : Salif Keïta sort un nouvel album. Et depuis la fin des années 70, en pareille circonstance, les Maliens sont au rendez-vous. Ils achètent, écoutent, dansent et bien souvent, adhèrent à la créativité de Salif Keïta, l’un des plus brillants ambassadeurs culturel du Mali à travers le monde. Pourtant, à Bamako, tout a changé. Le pays connaît la plus grave crise de son histoire contemporaine et la culture en fait les frais : le Nord est soumis au silence islamiste, tandis qu’à Bamako, la plupart des gens ne sortent plus, faute d’enthousiasme et de moyens.

 

La crise est totale. Pour ce projet, Talé, initié un an avant le début des hostilités, en 2011, Salif Keïta s’est entouré d’un orfèvre électro : Philippe Cohen-Solal, producteur et artisan du Gotan Project. Les deux hommes ne se connaissaient pas, ils se sont rencontrés autour d’un mot et d’une envie : danser.

 

Danser ?

 

A Bamako, si le cœur n’y est pas vraiment, les Maliens tentent de vivre normalement et ont besoin de se changer les idées. Salif Keïta à la voix enthousiaste au téléphone, s’assombrit lorsqu’on lui demande quel impact a la crise sur son quotidien de musicien, et plus largement, sur la vie culturelle en général : "Quand la population n’est pas à l’aise, les artistes ne le sont pas non plus. Nous sommes les reflets de notre société ! Je continue à faire des soirées dansantes dans mon club, le Moffou, pour que les gens ne restent pas dans la tristesse. Ils ont besoin de s’amuser. Les Maliens sont touchés dans leur orgueil… "

 

En temps de crise, la danse sauve les âmes, libère les corps, permet "d’oublier", comme le glisse pudiquement Salif. Lui, ne sort plus en cabaret – il en a tellement animé ! Pour se changer les idées, il préfère se retirer en brousse, dans sa maison à quarante kilomètres de Bamako ou bien à Kalanban, sur l’île qu’il a achetée, en plein cœur de la capitale. "J’y passe plus de la moitié de mon temps ! Je me recueille, je prends ma guitare, je compose et c’est comme ça, en face du fleuve, que j’ai envie de faire danser les gens", glisse-t-il.

 

Clubbing

 

Interviewé par téléphone, il est en fait en visite à la prison des femmes de Bolé. Il se met à l’écart, puis reprend : "J’ai tellement duré dans la musique mandingue ! Philippe m’a donné l’opportunité d’aller vers l’électro, j’avais envie de faire groover mon identité africaine". Pourtant, ce n’est pas la première fois qu’on dansera sur du Salif Keïta en boîte : avec Madan, un remix de Martin Solveig, en 2002, il avait squatté les pistes de danses des établissements les plus branchés de Londres, New York ou Tokyo... Madan était issu de Moffou, un album épuré, devenu immédiatement un classique, vendu à plus de 250.000 exemplaires. Deux ans plus tard, il fut remixé par des Djs et producteurs du monde entier.

 

C’est donc en partant d’instruments traditionnels à Bamako, que presque dix ans plus tard, Philippe Cohen-Solal, confronte la voix de Salif Keïta à d’autres univers sonores, au-delà du son "club". Quelques indéniables réussites : C’est bon, c’est bon, avec Roots Manuva, tube en puissance de Talé : basses souples, chœurs enthousiastes et surtout deux voix exceptionnelles en écho, de part et d’autre du monde : l’une sur la scène d’un sound system jamaïcain de Londres, l’autre sur celle d’un club surchauffé de Bamako.

 

A demain et Après demain sonnent comme deux versions d’une même déclaration d’amour : romance électro-peule d’abord, puis afro-beat fiévreux au bord de la syncope, dopé par le "hot" saxophone de Manu Dibango. Autre featuring de caractère, Bobby Mc Ferrin, "un honneur pour moi, Bobby est un ange", insiste Keïta.

 

Penser !

 

Beaucoup d’autres producteurs sont passés par Bamako et la rencontre électro-mandingue ne peut avoir lieu que si elle a du sens... Sinon elle sonne creux ou lounge, c’est selon. Alors pour Salif Keïta, la forme a-t-elle influencé le fond ? "A 70%, j’ai voulu faire danser les gens, cette fois. C’est vrai le texte est moins important que d’habitude... Dans Da, je chante qu’aujourd’hui la parenté, la camaraderie n'est plus. Tout est basé sur l’intérêt personnel. Sur C’est bon, j’explique que je n’envie pas un roi, un diplomate ou un riche, ils peuvent être méchants. Nous les musiciens, nous sommes là pour donner du bonheur aux gens. Samfi c’est une satire politique"… Mais toujours en ligne de la prison des femmes qu’il visite, Salif ne peut pas vraiment développer.

 

Penser, danser ou justement tout oublier le temps d’une danse, chacun pourra selon Salif Keïta y trouver son compte. Il précise avec malice : "Même si un sac de piment est vide, on dit chez nous, qu’il y a toujours dedans la quantité suffisante pour faire éternuer quelqu’un !" 

 

RFI

 

 

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