«On n’a pas une administration transparente ; soyez honnête»
Pour le patron de l’ADPME, l’administration sénégalaise devra faire des efforts en matière de transparence, car notre pays «a une culture absolue de non transparence». Mabousso Thiam l’a fait savoir, hier, lors de la journée scientifique organisée par le Laboratoire de recherche économique et monétaire (LAREM), à l’UCAD.
Au Sénégalais, «on a une culture absolue de non transparence». Ces propos sont de Mabousso Thiam, directeur de l’Agence de développement et d’encadrement des petites et moyennes entreprises (ADPME). Venu prendre part à la journée scientifique du Laboratoire de recherche économique et monétaire (LAREM), hier, à l’université de Dakar, M. Thiam a jeté un regard critique sur la «gouvernance privée» du pays, qui est loin d'être vertueuse. Et les chiffres parlent d’eux-mêmes, dit-il, «62% des impôts sont payés par 50 entreprises du secteur privé ». « Il y a quelques entreprises qui sont obligées d’avoir pignon sur rue et qui paient des taxes, tout le reste fait de la fraude», indique le patron de l’ADPME.
Il explique «cette culture de non transparence» par le fait que plusieurs entreprises présentent «trois bilans» : «un pour l’actionnaire, un pour la banque et un pour le fisc». Or, révèle M. Thiam, «ces bilans (qui) sont utilisés dans la comptabilité nationale (…) sont faux». Par conséquent, dit-il, il ne faut pas s’étonner de voir apparaître des litiges à propos des politiques publiques, comme cela a été le cas avec le montant de la dette du Sénégal (3041 milliards de fcfa, dont 700 milliards au titre de la dette intérieure) avancé par le président de la République Macky Sall, lors de son adresse à la Nation.
Un chiffre contesté par Youssou Diallo, le Conseiller technique de l’ancien Premier ministre Souleymane Ndéné Ndiaye. Pour étayer ses propos, Mabousso Thiam cite l’exemple d’une entreprise de la place dont il n’a pas voulu citer le nom, «qui est exonérée de tout droit et taxe pour les 5 prochaines années et qui présente de faux bilans». «Là, dit-il, on est dans la fraude gratuite parce que ça ne présente aucun intérêt. (…) Cela veut dire que le ver est dans le fruit».
Que dire de la gestion de l’ADPME ? «Depuis 33 ans que j’exerce le métier d’expert, je n’ai jamais vu ça de ma vie. J’ai hérité d’une agence dont le Conseil d’administration ne s’est pas réuni depuis 4 ans. Ce qui signifie que depuis 4 ans, les comptes n’ont pas été approuvés, les budgets n’ont pas été validés, il n’y avait pas de commissaires aux comptes, il n’y avait pas d’organigramme», révèle M. Thiam.
Il poursuit : «Certains m’ont reproché d’avoir utilisé l'expression bateau ivre, mais c’est vraiment une expression que je maintiens. Ce sont des choses qui ne sont pas acceptables. Lorsqu’on gère des ressources publiques qui sont des ressources appartenant à chacun d’entre nous, on doit être encore plus vertueux.» Chose impensable «dans les pays développés (où) lorsque vous posez un demi-point, il se passe beaucoup de choses» qui risquent de fausser les projections. Pour le directeur de l’ADPME, le mal est plus profond et «la responsabilité est collective».
L’informel et l’État de droit
Les visites d’entreprise qu’il a effectuées depuis sa prise de fonction lui permettent de faire un certain nombre de constats. «Lorsque vous posez des questions sur leurs chiffres d’affaires, les chefs d’entreprises vous mentent». «Je ne sais pas pourquoi et je ne vois pas l’intérêt de donner de faux chiffres d’affaires. Qu’y-a-t-il de confidentiel dans un chiffre d’affaire ?», se demande M. Thiam. Quid de cette culture non transparence ?, soyez honnête, déclare-t-il. La récente réforme du Code des impôts n’a pas réglé cette question» même si «on a amélioré des choses».
L’autre «mauvaise nouvelle», c’est «l’informélisation de notre économie» qui, avertit Mabouso Thiam, est à l’origine du «recul de l’État de droit dans notre pays». «C’est parce que notre économie est informelle que nous avons des comptes extrêmement déséquilibrés», dit le patron de l’ADPME.
Le recteur de l’université, Saliou Ndiaye, a axé son intervention sur l’emploi des jeunes. Et puisque le tissu industriel est ce qu'il est, il a exhorté les étudiants à «se tourner vers l’auto- emploi», à l’instar des pays émergents. Pour le Pr. Abdoulaye Sakho, directeur du Larem, l'auto-emploi est une opportunité pour les étudiants-chercheurs de s’insérer plus facilement dans le marché du travail. «L’université a le devoir de rapprocher de la société», souligne l’ancien membre du Conseil de régulation de l’ARTP.
DAOUDA GBAYA
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