Laurent Gbagbo maintient sa vision de la crise ivoirienne
Pour la dernière journée d’audience à la Cour pénale internationale de La Haye ce jeudi 28 février, Laurent Gbagbo s'est présenté comme un homme de paix, comme un démocrate juste. Face aux charges pesant sur lui, à propos des violences post-électorales de 2010-2011, l’ex-président ivoirien ne modifie en rien sa défense. Les juges de la CPI ont désormais trois mois pour décider s’ils le renvoient ou non en procès.
Son destin ne lui appartient plus mais Laurent Gbagbo n’abdique pas. Les tribunes lui sont rares alors dès qu’elles se présentent l’ex-président ivoirien plaide sa cause. Ce jeudi, son discours, très attendu, a duré 16 minutes. Auparavant, on s’ennuyait un peu et Laurent Gbagbo, en faisant passer une consigne à son avocat, résumait bien les débats : « On s’endort, plus de vie », intimait-il.
Il a ensuite pris la parole pour dire en substance : « Le vainqueur de l’élection c’est moi, le démocrate c’est moi », sous le regard approbateur de tous ceux qui l’ont chevillé au corps. Laurent Gbagbo défend encore et toujours qu’il est le président élu de Côte d’Ivoire mais qu’il a perdu une guerre lui ayant été imposée. « Quand j’ai demandé le recompte des voix, ce n’était pas des paroles en l’air. Qui a gagné l'élection ? C’est ça le fond de la question », a lancé l’ex-président ivoirien à la présidente de la chambre, espérant peut-être jouer sur sa conscience.
Cette vision de la crise, il n’y renonce pas. Pas plus qu’il entend afficher des remords. Dans le portrait qu’il dépeint de lui, Laurent Gbagbo rappelle à juste titre son combat pour la démocratie. Il oublie en revanche ce que ses militaires et patriotes ont pu inspirer comme terreur pour une partie des Ivoiriens.
Deux visions borgnes de l’histoire
Face à un procureur qui s’impose de ne pointer jusque là qu’un seul camp, ces huit jours d’audience auront finalement donné l’impression d’un affrontement entre deux visions borgnes de l’histoire, ce qui ressemble quelque part à une métaphore de la situation ivoirienne où personne ne prend en compte les souffrances de l’autre partie. Le défi de la réconciliation est là.
Chaque partie a maintenant la possibilité de faire valoir ses observations. La défense a jusqu’au 28 mars pour le faire. Après, les juges décideront ou non de renvoyer Laurent Gbagbo en procès. Impossible de prédire quelle sera la décision. Mais il est certain que s’ils venaient à l’encontre de la décision de la procureure, cela ferait sensation. La porte pourrait alors commencer à s’entrouvrir pour Laurent Gbagbo. Lui et les siens y croient, ne serait-ce qu’un peu. En témoigne le message qu’il a adressé hier à la présidente de la chambre.
Si le procès devait commencer, il est sûr que l’ex-président en fera une tribune politique, une tribune pour l’histoire à destination des Africains. C’est son souhait. Aujourd’hui, pour Laurent Gbagbo, c’est comme le disait son slogan de campagne : « On gagne ou on gagne ».
RFI