‘’Il est de l’économie, comme il est de la vie. Point de rupture.’’
La décision du Chef de l’Etat, le Président Macky Sall, d’orienter les nouveaux bacheliers dans les Universités et Instituts supérieurs du privé, est historique dans l’approche et constitue une initiative de justice sociale parce que consacrant le principe d’égalité des chances à l’accès au service public de l’enseignement.
C’est aussi une option politique qui fera d’une pierre, deux coups, avec un effet domino-la réduction du chômage des diplômés-, par l’obligation qui sera faite aux établissements bénéficiaires, de recruter des enseignants parmi les titulaires de Master et de Doctorat, au lieu de continuer de faire recours aux services des enseignants du public.
Maintenant, la question est de savoir quelle est la projection qui sous tend cette heureuse initiative ? Est-ce que l’Etat (ré)oriente les nouveaux bacheliers, juste pour les ‘’caser’’ afin de faire baisser la température dans le système éducatif en constante ébullition? Si oui, c’est donner une fausse répondre à une vraie question car, l’Etat n’aura fait que différer ‘’l’affrontement’’ et risque de se retrouver dos au mur, au fur et à mesure que les vagues de nouveaux étudiants arriveront et que les déjà diplômés ne seront pas insérés dans le marché du travail.
Par contre, si l’Etat a pris cette stratégique décision pour donner une réponse structurelle à une question conjoncturelle, alors, la question principielle vient d’être réglée. Il reste la question principale : dans quelles filières les insérer? Au-delà du déphasage du cantonnement bac littéraire - lettres et sciences humaines et bac scientifique - sciences et techniques qui n’est qu’une simple vue de l’esprit, hérité du système francophone d’enseignement et entretenu par nos dirigeants.
Aujourd’hui, dans ce contexte de marchés globalisés, l’Etat du Sénégal a une occasion en or de choisir dans la chaîne de valeurs, le segment dans lequel il pourrait se ‘’spécialiser’’ pour s’inscrire de manière stratégique, dans cette compétition mondiale des biens et services. Comme l’explique si bien la journaliste Laurence Benhamou dans son livre ‘’Le Grand Bazar, 2005’’, de plus en plus, les biens ne seront plus produits entièrement dans un pays donné et exclusivement avec les matériaux d’un seul pays ou en provenance d’un seul continent. L’économie de la construction-transformation, qui va rythmer cette décennie (2013-2022), produira de plus en plus ses biens et services, sous forme de puzzle parce que les matériaux qui les composent viendront de partout. Seuls les critères de compétitivité vont prévaloir.
Ainsi, en faisant une combinaison entre nos ressources humaines- potentialités minières et agro-industrielles et les perspectives qu’offre le marché global (IDE et Export) à moyen et long terme, le pôle d’excellence dans lequel le Sénégal pourrait s’inscrire dans une perspective ‘’d’avantages concurrentiels’’, est celui de la fourniture au marché, de cadres supérieurs intermédiaires en Science, Technique et Technologie, en quantité et en qualité, pour le secteurs de l’industrie lourde, de l’agro-industrie et des Tics. Ceci pour deux raisons.
D’une part, la ‘’maitrise’’ et la présence des Tics seront indispensables dans la nouvelle économie mondiale dématérialisée qui monte en puissance. Les Tics remettent déjà en cause, tous les business model dans bon nombre de secteurs (Enseignement, Finance, Santé, Sécurité, Services, Industrie, Secteur primaire, Transport, etc.).
D’autre part, de plus en plus, le choix des Multinationales, des IDE et des industries (lourdes) d’Europe, d’Amérique et d’Asie de se relocaliser en Afrique se fera en fonction des pays où il y aura la présence en qualité et en quantité, d’une main d’œuvre bien formées de cadres intermédiaires (Techniciens et Techniciens supérieurs). Parce que l’économie globalisée va vers l’étape d’une économie de production et de transformation où de plus en plus, la Recherche et le Développement se feront au Nord et la fabrication et le montage, au Sud.
A travers un slogan ‘’Initiative 10.000 Cadres Supérieurs en Sciences, Techniques et Technologies’’, l’Etat pourrait après avoir créé des Universités Régionales et libéraliser l’Enseignement supérieur, promouvoir et encourager l’ouverture de Facultés privées (les vétérans et éminences grises de l’Académie Sénégalaise des Sciences et Techniques pourraient piloter ce dossier) pour accueillir une bonne partie des nouveaux bacheliers pour les former dans des cycles scientifiques, techniques et technologiques. Ce qui permettra de positionner le Sénégal dans des ‘’conditions de facteurs, (Porter)’’, pour devenir d’ici à 15 ans, un pôle d’excellence dans la Zone CEDEAO. Ce qui va nous valoir d’attirer des flux d’IDE et d’être dans la Zone CEDEAO, ce que le Maroc représente dans la Zone MENA: un centre offshore pour l’industrie lourde, l’agro-industrie et dans les Tics et Télé-services.
C’est ce que Sa Majesté le Roi Mohamed VI a compris très tôt, en misant vers le début des années 2000, sur la formation de 10.000 ingénieurs dans tous les domaines du secteur industriel. En moins de 15 ans, le Roi récolte un retour sur objectif qui vaut au Maroc, d’accueillir les leaders mondiaux de l’industrie automobile et aéronautique. Qui l’aurait crû 10 ans en arrière, que le Maroc ‘’construira’’ des avions (bombardier) et assemblera des véhicules (Renault-Nissan) avec une main d’œuvre à 90% Marocains ? Tout est sur la bascule….
Mohamadou SY ‘’Siré’’