«Je suis une journaliste polyvalente» (Un talk-show me ferait plaisir)
Elle est sans doute l'un des meilleurs journalistes sportifs de ce pays. Ancienne rédactrice en chef de la radio musicale Nostalgie, Mame Fatou Ndoye, silhouette mince et élégante, porte sa passion du football en bandoulière, même si elle se déclare polyvalente. Avant de rejoindre son équipe technique sur le plateau de l'émission «Parlons foot» qu'elle anime sur la Tfm, elle a raconté son itinéraire à EnQuête, dans une forme olympique !
Pourquoi êtes-vous devenue journaliste sportive ?
C’est un choix lié à la passion et surtout à l’influence parentale. Mon père était un homme qui aimait beaucoup le football. Je l’ai perdu il y a quelques semaines de cela. Quand j’étais encore plus jeune, il m’amenait souvent avec lui au stade pour suivre des matches de football. A la maison, on avait l’habitude de suivre ensemble les matches à la télévision. Lorsque j’ai commencé mon cursus scolaire, je nourrissais l’ambition de devenir journaliste. Mais je ne savais pas ce qui allait être ma spécialisation. C’est ce qui est assez marrant et étonnant. J’ai fait un cursus classique sanctionné d’un Bac L. Par la suite, je suis allée en France où j’ai fait deux années d’études linguistiques à Besançon. Après, j'ai passé la Licence et la Maîtrise en information et communication à Lyon. Mon Mémoire de maîtrise portait sur la présence des minorités visibles dans les médias européens, c’est à dire les Noirs et les Arabes. J’ai aussi travaillé sur la légitimité des hommes politiques à travers les médias. Vous voyez bien que par rapport à mon cursus, c’est tout un programme de communication qui n’a rien à avoir avec le sport. Au fur et à mesure que j’évoluais dans un domaine intellectuel sur le sport et la culture, le football restait ma passion. Et chaque fois qu’il a fallu faire des stages, c’est dans le sport. J’ai fait les services sport de Rfi et Africa n°1. A un moment donné, je me suis dit que tout ceci est bien d’autant plus que c’est une démarche académique et universitaire. Mais ce qu’il me faut, c’est de parler de football en alliant mon métier et ma passion. C’est pour cette raison que les gens me collent l’étiquette du journaliste sportif. Pour moi, c’est une définition un peu erronée. Je suis une journaliste polyvalente.
Quelle est la définition qui vous sied le mieux ?
Pour moi, je suis tout simplement une journaliste qui a un grand penchant pour le football. Parce que j’étais arrivée à un stade où il me fallait mettre à profit mes connaissances et la culture footballistique que mon défunt père m’a inculquée. Voilà comment je me suis retrouvée dans le sport.
Hormis le sport, avez-vous d’autres émissions de télé en perspective ?
J’aime beaucoup la culture. Et à un moment de ma vie, je me suis beaucoup intéressée à la littérature africaine avec le roman de Fatou Diome, Le ventre de l’Atlantique. Je me suis intéressée à d’autres auteurs africains par la suite. Je sentais le besoin de me cultiver à ce niveau là. Disons que j’aime bien tout ce qui est culture, sport et musique. Si je devais faire une autre émission à la télé, elle n’aurait pas un caractère politique. Parce que nous avons déjà de bons journalistes dans ce pays qui font un excellent travail en la matière. Je pense plutôt à une émission qui associerait le social, la culture et le sport. Un talk-show qui serait une tribune pour aborder plusieurs sujets et thèmes de société à travers lesquels les gens se retrouveraient.
On peut dire que vous aimez tout ce qui rassemble !
En fait, il faut être transversal. Il faut s’informer quand on s’intéresse à la politique. C’est valable pour la culture, le sport, etc. On est dans un monde d’information et de communication. Et je pense qu’on ne peut pas définir quelqu’un à une discipline ou par rapport à un domaine. C’est une erreur ! Maintenant, on peut être reconnu en quelque chose. L’essentiel c’est d’absorber le maximum d’informations dans une culture générale pour se donner la capacité de s’affirmer. Cela dit, je pense à un talk-show avec plusieurs sujets.
Et si l’on revenait à vos débuts à radio Nostalgie ?
Après avoir terminé mes études en France, je devais m’intégrer professionnellement. Mon père voulait que je revienne au Sénégal. C’était son souhait. Pour la simple raison que ce n’était pas évident pour moi de travailler dans la presse française. C’était déjà difficile pour ceux qui y sont nés d’en trouver. A un moment donné, il m’a demandé de lui envoyer mon CV. A l'époque, c’est lui qui s’est chargé de le déposer dans différents organes et groupes de presse de la place. Si mes souvenirs sont bons, il a déposé le dossier à Nostalgie aux environs de midi et ils l’ont appelé une heure plus tard. Et j’ai pris contact avec Monsieur Samb, le PDG de radio Nostalgie que je salue au passage. C’était au mois d’avril 2006 et je suis rentrée en août de la même année. C’est là où j’ai commencé à faire mes premiers pas dans le milieu journalistique sénégalais.
A Nostalgie, vous vous occupiez exclusivement du volet sportif ?
Non, j’y étais rédactrice en chef. Je faisais des éditions d’information. J’avais une émission de sport qui s’appelait «Fous 2 sport» que j’animais avec Amath Faye et DjimbaThioub. Il y avait une autre émission où j’invitais des leaders d’opinions pour parler d’une partie de leur vie et ce qui a motivé leurs choix professionnels ou engagements personnels. C’était une fenêtre ouverte qui permettait de voir ces personnes là sous un autre angle, différent de la perception que l’opinion se fait d'elles à travers les médias. Le tout était accompagné d’une sélection musicale.
En tant que femme, les hommes vous font-ils de la place dans le journalisme sportif ?
C’est vrai qu’il y a des gens qui se demandent souvent si c’est facile pour une femme d’enfiler le manteau du journaliste sportif au milieu des hommes. Moi je crois qu’il faut par fois faire abstraction du sexe pour bien faire son travail. Et quoique l’on dise, les hommes sénégalais sont galants ! Ils sont beaucoup plus diplomates, magnanimes et subtiles avec les femmes qu’entre eux-mêmes. Personnellement, je me suis toujours sentie très bien encadrée au desk sport de Futurs médias et dans le milieu de la presse sportive en général. Tout le monde me facilite la tâche. Cela n’empêche qu’il y a des choses qui sont liées à votre morphologie. Quand il s’agit de courir, on s’y met car l’objectif est de faire oublier à l’autre que ce n’est pas une femme qui est en face mais plutôt une professionnelle qui a de l’envie dans son travail.
Des événements qui ont fait date dans votre jeune carrière ?
J’ai couvert deux CAN : l’édition 2012 co-organisée par la Guinée Équatoriale et le Gabon, et celle de cette année en Afrique du Sud. Par ailleurs, mon travail de journaliste m’a permis de visiter les installations d’un club mythique comme l’Olympique de Marseille. Cette expérience m’a donné l’occasion de rencontrer des joueurs de dimension internationale et de découvrir quelques facettes de la compétition de haut niveau. On est allé rencontrer des professionnels dans leurs clubs, voir comment cela se passe on est revenu en informer le public. En deux voire trois ans, nous avons réussi la prouesse de faire ce qui est le fort de grandes chaînes européennes.
Quels sont les joueurs que vous avez rencontrés ?
En 2012, on a eu des internationaux sénégalais comme Papis Demba Cissé, Moussa Sow, Dame Ndoye, Cheikh Mbengue. Cette année, on a rencontré les frères Ayew (NDLR : fils de Abedi Pelé) ainsi que José Anigo (NDLR : manager de Marseille). C’est quelque chose de positif pour moi que je retiens.
Vous avez quelque part raison de concevoir l’émission Parlons foot ?
Ce n’est pas moi qui ai conçu l’émission. Il y a Charles Faye qui m’a demandé de venir animer l’émission après m’avoir expliqué le concept. Au départ, j’étais venue pour animer une autre émission. Mais comme il y a une ouverture d’esprit dans la maison, j’ai exprimé mon ambition de faire ce qu’on ne fait pas ailleurs. C'est-à-dire : parler des petites catégories, des formateurs, etc. C’est vrai que l’équipe nationale A est la vitrine de notre football, mais il y a un travail de fond qu’abattent des personnes que l’on nomme rarement. Il est parfois bon de montrer au public les conditions difficiles dans lesquelles ces gens travaillent. Donc, il faut aller mettre la caméra sur les difficultés, les terrains sablonneux et les stades qui ne répondent pas aux normes de compétition... Il y a beaucoup de choses à dire sur le football sénégalais. C’est un travail perpétuel.
Quel est le club de votre cœur dans le football sénégalais ?
A l’époque où j’accompagnais mon père au stade, c’était la Jeanne d’Arc de Dakar. Aujourd’hui, je préfère rester neutre !
Selon vous, pourquoi le championnat de football a perdu de son lustre d’antan ?
Si le championnat national a perdu de son lustre, c’est par rapport à la qualité des joueurs. A mon avis, ce qu’on voit dans les stades n’est pas assez attractif pour attirer du monde. En tant que journaliste, je m’ennuie depuis la tribune mais je suis obligée de me concentrer pour le boulot. Les spectateurs doivent certainement avoir le même sentiment !
Est-ce la faute à l’ascension du mouvement Navétanes ?
Ce que je vais dire ne va plaire pas à beaucoup de gens. Pour moi, les Navétanes ont perdu leur esprit de départ. C’était un championnat de quartiers qui devait occuper les jeunes pour une durée déterminée. Mais ils se tiennent au-delà des grandes vacances. Et cette propension des joueurs qui quittent le championnat national pour les navétanes, ne fait pas le bon compte de notre football.
ALMAMI CAMARA