Publié le 3 May 2013 - 23:45
SPECTACLE – 65E ANNIVERSAIRE DE LA CRÉATION D’ISRAËL

Tadmor, où l'attachement lucide à la terre

Le chorégraphe israélien, auteur mardi au Grand Théâtre d'une superbe exécution de sa pièce ''And Mr'' (Et monsieur), allie attachement au ''sol'' et ''ouverture'' en direction des autres, Palestiniens notamment. Expression politique d'un artiste non conventionnel, sur ce tempo du moins.

 

Le 65e anniversaire de la création de l’État d'Israël, en 1948, a été célébrée ce mardi au Grand Théâtre National de Dakar, en présence de plusieurs ambassadeurs accrédités au Sénégal, et de plusieurs autres personnalités politiques et artistiques. A l'occasion de cette soirée, le public a eu droit aux prestations du danseur-chorégraphe israélien Ido Tadmor, à celles de la troupe de l'Ecole des Sables de Toubab Dialao dirigée par Germaine Acogny, et à celle du violoniste William Badji accompagné par cinq jeunes filles pour l'exécution des hymnes nationaux d'Israël et du Sénégal.

 

Le spectacle de Tadmor, tout en fusion avec le sol, tout en saccades, semble renvoyer aux péripéties douloureuses de la naissance de l'Etat d'Israël en 1948. L'attachement viscéral de l'artiste à évoluer par terre, avec des déplacements incessants à partir desquels effort de survie et rechute sont mis en valeur à tour de rôle, ressemble à de l'expressionnisme politique sous divers facettes. Les bras tatoués repliés sur lui-même, parcourant le corps de haut en bas, ondulant d'un point à un autre, pourquoi ne pas imaginer, au fond, que Tadmor voudrait découvrir le vrai état physique et psychologique de sa patrie et de ses compatriotes, en contournant les canaux d'information officielle dans un pays en ''état de guerre'' depuis soixante-cinq ans.

 

Sous cet angle, le drame palestinien qui perdure à quelques jets de pierre ne lui serait pas indifférent. Les mains qui se détachent du corps, prudentes mais ouvertes vers l'horizon, sous surveillance d'un regard perçant qui fait office de vigile, serait-ce l'expression politique d'un artiste désireux de faire pression, à sa manière, sur des dirigeants politiques et militaires réfractaires à toute évolution juste du conflit israélo-palestinien ?

 

Dans tous les cas, Tadmor se veut indissociable de ''sa'' terre, il ne veut point passer pour un renégat alors que, selon l'hagiographie officielle de l’État hébreu, Israël est en état de guerre permanente depuis soixante-cinq longues années – et les perspectives politiques sont au point mort. D'où cet éternel retour sur soi. Mais en même temps, il ne semble pas avoir envie d'être un ''colon'', ce spécimen de radicaux ultra-nationalistes de droite, illuminés et sans options autres que le refrain ''c'est notre terre depuis des millénaires''. A cet extrémisme, Tadmor voudrait substituer cette ouverture d'esprit (et du cœur) dont témoignent les mouvements d'un corps partagé entre deux idéaux : le repli sur soi par effet de recroquevillement, et l'abordage de ''l'autre'', ''l'ennemi'', par une déconcentration cadencée des muscles...

 

Ouvrant la cérémonie, l'ambassadeur israélien à Dakar, le Dr Eli Ben-Tura, a rappelé l'attachement de l’État juif à une solution globale et juste de la crise palestinienne, mais aussi à la réconciliation entre son pays et l'ensemble des pays du Moyen-orient. A ce propos, il a rapporté l'optimisme du président Shimon Peres qui a déclaré récemment que la paix dans cette région pourrait être effective au cours des cinq prochaines années... Cela ne déplairait pas à Ido Tadmor...

 

MOMAR DIENG

 

 

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