Dix bonnes raisons de s’indigner
1- Un gouvernement qui fait dans le clair-obscur avec un dossier aussi délicat que le panier de la ménagère.
Un coup c’est «on va baisser», ensuite «on a baissé» puis «nous allons mettre en place des boutiques de référence». Oublie–t–on que l’expérience des boutiques de référence est encore la fraîche dans nos mémoires ? La réalité c’est qu’ils n’ont vraiment aucun moyen d’agir sur les prix du sucre, de l’huile et du riz. Il faut qu’ils arrêtent de nous infantiliser et qu’ils nous parlent en adultes que nous sommes. Ils pensaient pouvoir agir sur les prix des denrées de première nécessité ! Ils se sont rendu compte qu’ils s’étaient trompés, qu’ils aient le courage et l’humilité de le reconnaitre.
Nous ne les avons pas mis là où ils sont pour qu’ils baissent de façon mécanique les prix ; nous leur demandons d’être imaginatifs et créatifs afin d’alléger les souffrances des sénégalais.
La capacité à consommer est étroitement lié au problème de l’emploi. En lieu est place de leurs privilèges restés exorbitants, ils devraient massivement investir dans la formation afin de relever le niveau d’«employabilité» des jeunes, réfléchir sur une politique industrielle efficace et efficiente et améliorer l’environnement des affaires pour permettre aux investisseurs privés d’avoir confiance et d’accepter de mettre leur argent ;
2- Un acompte d’impôt de 3% chez les petits opérateurs économiques parce que l’on est incapable de faire respecter la législation.
Un Etat qui accepte d’être l’otage d’une économie informelle que des ONG européennes en mal d’exotisme nous ont présenté comme étant la solution au chômage. Un Etat qui pour régler le problème, facile, de la collecte des impôts, se voit obligé de recourir à des subterfuges.
Faire croire que l’on met tout le monde dans les rangs alors que le seul effet que cette nouvelle législation aura, sera de réduire la capacité à investir de ces petits opérateurs en plus d’installer la confusion totale au moment de la déclaration avec le ralentissement des opérations de dédouanement (les agents demandant à tous les importateurs de prouver leur affiliation au centre des grandes entreprises sans quoi ils se verront obligés de payer la dite taxe).
Le nouveau code des impôts du Sénégal, malgré ce qu’en disent ses concepteurs, sera plus contre productif qu’avantageux pour l’état et pour les investisseurs. Comment un gouvernement qui a pour objectif d’offrir 500 000 emplois peut-il demander à une PME qui perd de l’argent de payer un minimum fiscal de cinq million la où elle en payait un auparavant ?
3- Des responsables au plus haut niveau qui se disputent des responsabilités non pour bien les gérer mais juste parce qu’il y a de l’argent et du prestige qui va avec.
Qui doit gérer la CMU ? Le ministère de la Santé ou la Délégation générale à la protection sociale et à la solidarité nationale ? Cela n’est pas la bonne question ; la bonne question c’est comment rendre effective la CMU. Nous devrions toujours être inquiets de voir « Bouki » demander à être le gardien de la réserve de viande.
Notre système de santé est déliquescent. Au même moment le ministre en charge du département se glorifie pour des broutilles. Les services d’urgences de nos hôpitaux sont un véritable scandale ; Il ya quelques jours, j’ai trouvé au CTO, une petite fille de quatre ans assise sur le trottoir à l’entrée des urgences. Elle souffrait d’une double fracture au bras. Elle a du patienter de 16 h à 19 h avant d’être prise en charge. Pas parce que ses parents n’avaient pas les moyens de payer les soins ; Mais parce que le médecin était seul aux urgences et se plaignait de devoir faire le travail de trois personnes ;
4- Une école et un système éducatif en totale décomposition.
Des syndicalistes arrogants et irresponsables, un ministre de l’éducation qui semble être dépassé et son collègue de l’emploi qui ne sait pas faire la différence entre négociation et bras de fer. A coté de cela, un éminent professeur qui n’a pas compris que s’il lui avait fallu payer l’équivalent de 150 000 F CFA à l’époque où il entrait à l’université il n’aurait jamais eu l’opportunité de se moquer des parents d’élèves déjà exsangues ;
5- Une théâtralisation à outrance de la justice.
On connaissait le Sénégal où tout le monde était entraîneur de football. Mais on a du mal à imaginer un pays où l’on favorise à ce point l’intrusion de tout le monde dans les dossiers de la justice. Comment comprendre que les PV de la police se retrouvent cinq minutes après signature dans la presse ? Que signifie ce besoin excessif du parquet de communiquer ? Qui disait encore que la communication c’est bien mais trop de communication tue la communication ?
6- Un président de l’assemblée nationale plus soucieux de son avenir politique et de son parti que du peuple qu’il représente.
Pour protéger un membre de son parti, ministre du commerce, incapable de traduire en actes les promesses de baisses de prix du président de la république, la deuxième personnalité du pays, sans se soucier de l’impact négatif de ses déclarations sur les esprits, balance dans le public, que l’état ne maitrise pas les leviers permettant de faire infléchir les prix des denrées de première nécessité. Et quand les partisans de son allié ruent dans les brancards pour le désavouer, il active un bras armé pour revendiquer un retour à l’ordre constitutionnel normal lui permettant de rester haut perché encore quatre ans.
Nous pourrions en rire si cela n’était pas d’une affligeante tristesse.
La question que nous ne cesserons de nous poser c’est : « quelles sont les motivations profondes, qui peuvent justifier qu’un homme, d’un certain âge, cherche encore à s’accrocher au pouvoir » ? Est-ce le pouvoir en tant que tel ou bien la folie qu’engendre le pouvoir ?
7- Des députés qui s’octroient sans honte des avantages indus et qui cherchent à les justifier sous forme d’indemnités de logement.
Au Sénégal aucun scandale quelque soit son importance ne résiste à l’usure du temps. On peut presque tout se permettre et compter sur la capacité incroyable d’oubli des sénégalais. Est-ce parce que c’est un peuple qui pardonne facilement ou est-ce parce qu’on nous prive de mémoire collective par un savant processus de lavage de cerveau ?
Voir des députés, s’auto-octroyer des privilèges indus, pour ensuite monter au créneau afin de justifier leur propre forfaiture relève du surréalisme. Mais si nous avons vu des députés voter une loi prolongeant le mandat que le peuple leur confié, nous pouvons nous attendre à tout venant d’eux.
Avec de tels comportements, nous pouvons affirmer avec certitude que le changement n’est pas pour aujourd’hui, ni d’ailleurs pour demain.
8- Des représentants du peuple instrumentalisés au service du diktat du groupe majoritaire.
Que cache la proposition de loi visant à faire élire les Maires et les Présidents de communautés rurales au suffrage universel direct à un tour? Quelle serait la légitimité d’une telle loi portée par une majorité dont on connait l’origine ?
Cette loi inique est insidieusement porteuse d’une ignominie sous-jacente. Elle est similaire à la loi qui est à l’origine de 23 juin.
Si on accepte d’élire les Maires et les Présidents de communautés rurales au suffrage universel direct à un tour cela voudra dire que quelqu’un pourrait gagner avec seulement 10 % des suffrages exprimés. Comment pourrait-on prétendre diriger une communauté où les 90% des électeurs sont contre votre politique ?
Dans cette perspective, quelle serait la position du Conseil et quel contrôle pourrait-il exercer sur un Maire qu’il n’a pas élu ?
La vraie proposition, celle qui mérite d’être examinée, c’est d’abord la séparation du Conseil d’avec l’exécutif local. Il faudra ensuite élire les Maires et Présidents de communautés rurales au suffrage universel direct à deux tours. Quant au conseil, indépendant du l’exécutif local, il sera issu des conseils de quartiers ou de villages et servira d’organe de contrôle de l’action du Maire ou du Président de la communauté rurale. Il aura pouvoir de destitution du l’exécutif en cas de dérive par rapport au programme qui a servi à l’élire.
9- Des chefs de partis politiques en perte de vitesse qui cherchent à régler des problèmes politiciens sur le dos des citoyens.
Nous avons entendu un leader « politicien » proposer de subdiviser Kaolack en trois ou quatre communes d’arrondissement. Pour justifier sa proposition, il n’a d’autre argument que le nombre d’habitants de la ville de Kaolack. Vraiment au Sénégal, le ridicule n’étouffe pas les politiciens !
Si Kaolack, une ville de plus de 200 000 habitants, « mérite » d’avoir plus qu’une seule représentation locale - dixit notre leader politicien - que dire alors de Touba qui a plus d’un million d’habitants et qui est encore une communauté rurale ?
La véritable motivation ici c’est comment caser toute cette clientèle politique. Comment faire pour que tous les alliés soient servis et que personne ne soit déçu.
10- Un peuple pris en otage par les politiciens professionnels.
Dénigrements, désinformation, guerre de position… voilà le quotidien de nos politiciens professionnels. La seule preuve d’existence qu’ils ont trouvé, c’est d’être présents tous les jours à la « Une » des journaux avec des déclarations les unes plus fracassantes que les autres. Lorsque je suis l’allié de quelqu’un, je ne le critique pas de façon déclarative dans l’espace public mais en direct, dans le cadre privé d’une conversation formelle et productive. Mais bon ! Le sage disait que celui qui trahit la conversation tenue dans le secret d’une chambre n’est pas digne d’amitié. Il est capable de tout et ne recule devant rien pour assouvir ses sombres dessins.
Le Sénégal est le seul pays au monde, où des individus, qui n’ont jamais exercé un métier connu, à part la politique, peuvent se permettre de parcourir l’espace et le temps avec des moyens colossaux installant le pays dans une campagne électorale permanente et déstabilisante pour la bonne marche des affaires.
Il y a un temps pour tout disait l’Ecclésiaste ; un temps pour la politique et un temps pour le travail. Alors ! Messieurs au travail ! Le peuple à faim et soif. Le peuple souffre.
Théodore Monteil
Citoyen indigné
Dakar, le 10 mai 2013