L'art de la conscience contre art de l'argent
Au Goethe Institut, Pierre Gosse Diouf expose peinture et sculpture. Pas forcément pour vendre, mais d'abord et avant tout pour que les uns et les autres prennent conscience des messages de l'artiste en général.
«Artiste singulier». C'est ainsi que Massamba Mbaye présente le peintre sculpteur Pierre Gosse Diouf, passé spécialiste de certains centres d'intérêt ignorés du public comme les gardiens/vigiles et leur quotidien difficile au détour des quartiers chics ou mal famés des villes. «L’idéal serait de l’accompagner pour qu’il puisse entreprendre assurément le chemin», a donc soutenu le directeur du groupe de presse D-Média.
Apparemment instructif et inspiré, l’autodidacte développe à travers ses tableaux des sujets délicats qu'il juge important de reconsidérer sous leur meilleur angle. Issu d’un père lui-même gardien, Gosse Diouf défend ce dernier à travers un de ses tableaux intitulé «Gardien du temple», en hommage à son géniteur. ‘’On n'accorde aucune considération aux gardiens, alors qu’ils nous sauvent tout le temps la vie», s’est désolé le jeune peintre de 36 ans.
Kora corps, thème de cette exposition, offre une lecture entre ‘’les rencontres de nos corps, de nos esprits, de nos désaccords, de nos dissonances. Kora, elle, renvoie à l’hymne national du poète Léopold Sédar Senghor, invitant à la communion toutes les ethnies sénégalaises dans la paix, la musique, la danse», a expliqué Pierre Diouf. Quant à la sculpture, «elle doit révéler des ‘’histoires sans vie que j’ai eues à développer avec certaines techniques personnelles créées à partir de mes propres supports», poursuit M. Diouf.
Ce talent qui lui est reconnu date de l'enfance. «Petit, je faisais des dessins que les gens jugeaient artistiques mais que j’étais incapable de traduire parce que je n’ai pas fait l’école», se souvient le jeune homme. Sa rencontre à Saly avec un artiste sénégalais en 1998 a réveillé en lui ce goût du professionnalisme et de la conscience dans le travail qui lui ont été utiles plus tard. «Quand je l’ai vu peindre un tableau, je me suis dit : qui peut dessiner, peut peindre, même s’il me disait que c’étaient deux choses pas liées. Je croyais en moi et j'avais l’amour de la création. Et voilà, je suis dedans depuis 2000», indique l’autodidacte peintre.
Sur une table, un pâturage sculpté, un berger et une vache symbolisant les liens de parenté entre les ethnies sérère et peul. Presque neuf tableaux parmi une quinzaine visibles sur les pans, s’intéressent aux sujets féminins. «Parfois, je vois en elles (les femmes) quelque chose de pure et de faible à la fois. En réalité je me questionne sur la valeur de la femme», confie l’auteur de Kora corps. Preuve de sa singularité, les tableaux ne sont pas faits pour produire de l’argent, dit-il. «L’art est fait pour produire de la conscience, donc à portée de toutes les bourses.»
Mariétou Kane (stagiaire)