Le Président Macky Sall veut-il gouverner sans contrepouvoir ?
Quand on met la charrue avant les bœufs, les conséquences nous attendent toujours devant. Dès son accession à la magistrature suprême, le Président a préféré ignorer la refondation des institutions et l’application de la Charte de Bonne Gouvernance ; pour se focaliser sur les biens mal acquis et sur les nominations (partage du gâteau).
Le constat est là, les Sénégalais s’impatientent de plus en plus, ne voyant toujours pas les fruits de son fameux «Yoonu Yokute».Ce dernier qui loin d’être un projet de société pour le développement du pays, n’est rien d’autre qu’un résumé de plusieurs souhaits. D’ailleurs aucun des membres de BBY signataires des Assises Nationales, n’en fait l’éloge.
De plus en plus le Président Macky Sall réaffirme et renforce davantage ses stratégies pour instaurer un régime présidentiel fort.
Pour ce faire, il ne cesse de balayer sur son passage tout ce qui peut incarner devant lui un contre-pouvoir et cela constitue un véritable danger pour notre démocratie ; souvenons nous du syndrome Malien…
Pour atteindre son objectif, le Président procède étape par étape :
Débaucher les sentinelles de la République les plus virulents en les nommant à des postes remplis de privilèges, pour leur faire taire.
Canaliser l’Assemblée Nationale par une tactique politique : comment le Président peut-il confier la commission sur les reformes institutionnelles au Président Amadou Makhtar Mbow au moment où les députés débattent sur la durée du mandat du Président de l’Assemblée Nationale.
Orienter la justice, pour preuve : combien de fois Mme le Ministre de la Justice s’est référée au Chef de l’Etat pour justifier certaines maladresses.
Menacer certaines organisations de droits humains, qui osent dire tout haut ce que d’autres pensent tout bas. Exemple le cas d'Amnesty International Sénégal. Quelle maladresse pour notre Etat qui se permette de saisir Amnesty International Londres afin de réfuter des vérités indéniables concernant des violations de droits de l’homme ; que faisons-nous de la continuité de l’Etat ?
Harceler l’opposition : interdiction de marches (que faisons-nous des articles 8 et 10 de notre constitution ?) ou encore brandir « l’offense au Chef de l’Etat». Oui, nous devons respecter le Président de la République mais comment pouvons-nous sacraliser le Président de la République en sa qualité d’Institution quand lui-même se confond à un chef de parti lorsqu’il le désire ?
Apeurer la Presse : menace de fermeture de groupes de presse comme pour pointer une épée de Damoclès aux autres organes qui oseront critiquer ouvertement le régime actuel.
Tâtonnements ou cacophonies, voilà ce que le gouvernement actuel nous montre au quotidien à la place des ruptures promises avant les dernières élections présidentielles.
Parmi les grandes ruptures attendues nous pouvons citer : la Bonne gouvernance, l’Ethique, la sobriété, la Transparence, la fin de l’Impunité, la Promotion des bonnes valeurs, la baisse du coût de la vie par la création de richesses et non par des subventions temporaires aux denrées de premières nécessités.
A la place de ces ruptures, voici ce que le gouvernement de Macky Sall nous offre : des marchés de gré à gré, un bras de fer avec les enseignants, des conseils de ministres délocalisés avec un coût exorbitant cachant une campagne déguisée pour les prochaines locales, une pléthore de conseillers à la présidence avec rang de ministres, la promotion de la lutte à la place de l’éducation aux valeurs, une montée dangereuse de l’insécurité, un flou total sur le recouvrement de l’argent des biens mal acquis, un flou total sur l’utilisation de l’argent récolté lors des inondations, un flou total sur l’économie faite sur la suppression du Sénat, un silence total sur les audits effectués par le régime précèdent (où sont les coupables ? ou c’est plutôt la continuité de l’Etat en matière d’impunité), des nominations arbitraires (amis, parents, frères de parti ou de coalitions de partis…) à la place d’hommes et de femmes compétents, imbus de valeurs morales, ayant le sens de l’Etat, de la justice et de l’équité.
Voilà pourquoi les populations doivent se mobiliser derrière les citoyens responsables (M23, Forum Civil, Sénégalais lambda engagé, la Presse…) qui essaient d’incarner plus ou moins un contre-pouvoir, que le Président a l’intention de phagocyter.
Nous sommes à l’ère de la démocratie participative. Par conséquent, un régime présidentiel fort en Afrique est le plus souvent synonyme de monarchie déguisée. Alors, soyons tous vigilants car nous ne devons plus permettre dans ce pays un régime totalitaire qui risque de compromettre l’avenir de nos enfants.
Encore une fois la transparence dans la conduite des affaires publiques implique l’information claire des citoyens sur l’action gouvernementale et que l’Etat a l’obligation de rendre compte à temps et non pas seulement quand il le désire.
Denis Ndour, AIUSA
denisndour@hotmail.com