Publié le 10 Nov 2014 - 08:30
LE VOTE DU BUDGET DE 2015 DU SENEGAL, OU

La croisée  des chemins pour la seconde Alternance !

 

L’Assemblée nationale, les  Centrales syndicales, et les Partis de Gauche sont interpelés par les dispositions prévues dans le Projet de Loi des Finances 2015 encours d’examen par nos Députés.

En effet, si le Pouvoir exécutif voulait montrer à l’opinion le peu de considération qu’il a de notre Pouvoir  législatif, il ne pourrait pas  mieux s’y prendre, avec  les crédits qu’il a prévus pour l’Assemblée nationale.

C’est ainsi que, pour la première fois depuis l’existence de notre Assemblée nationale, le gouvernement a décidé de le sevrer de budget de fonctionnement.

En effet, sans aucune forme de procès, les crédits de fonctionnent de l’Assemblée nationale passent  de 7,4 milliards en 2014, à Zéro franc en 2015 !

Si le gouvernement voulait dire que cette Institution de la République est inutile, pour conforter la mauvaise opinion  que les populations ont de nos Députés, il ne pourrait pas faire autrement.

Mais ce qui est  inacceptable pour des Républicains et  démocrates, c’est de voir le gouvernement accorder en même  temps,  des  crédits supplémentaires de Dépense de personnel  de 2,3 milliards à la Présidence de la République, et de 5,06 milliards au Conseil Economique, Social et Environnemental, (CESE), soit exactement 7,4 milliards !

Cette pratique de déshabiller Paul  pour habiller Jean, est, dans ce budget ci, une atteinte grave  au fragile  équilibre entre l’Exécutif et le Législatif, tout en le  délégitimant en même temps au profit du CESE.

Si les Députés, par larbinisme, avalent cette couleuvre, ils se seraient eux-mêmes auto détruits aux  yeux de leurs concitoyens, avec toutes les conséquences politiques qui pourraient en découler.

Les Députés devraient donc interpeler le Ministre chargé de l’Economie et des Finances, pour  se justifier pour cet acte humiliant et dégradant  pour leur Institution, et aussi, sur  les 75 milliards reçus de Mittal.

En effet, si 45 milliards ont été affectés à la Loi de Finances Rectificatives de 2014, et 25 milliards prévus dans le Projet de budget de 2015, il en reste tout de même 5 milliards dont il ne fait pas cas !

En outre, dans l’Exposé Général des Motifs  qui introduit le Projet de Loi des Finances, le gouvernement  décide, en matière de Dépenses de personnel, de mettre en œuvre  d’une part, « une dynamique de gel des augmentations de salaire, de création ou de revalorisation d’indemnités », et d’autre part, «  un contrôle des effectifs par l’adossement des recrutements aux sorties définitives ».

Le gouvernement a pris paradoxalement cette décision  dans un contexte où,  malgré le recrutement prévu de 4902 agents  pour l’année budgétaire 2015, le taux de la Masse salariale sur les Recettes fiscales est à son plus bas niveau historique, en passant de 34,1% en 2012, à 34,6% en 2013, à 33,3% en 2014, pour être prévu  en 2015, à 32,1% , contre un plafond autorisé de 35% au sein de l’UEMOA !

Une telle décision unilatérale  de blocage des revenus salariaux, et de croissance Zéro des effectifs de l’Etat dans un contexte de pénurie de personnel pour assurer un accès adéquat des populations, aux services sociaux de base, est une provocation des Centrales syndicales et un défi lancé aux Partis de Gauche.

Dans le même temps, les Dépenses pour achat de biens et services  dans la Loi des Finances 2012 votée sous Wade,  qui étaient de 345 milliards en augmentation de 27 milliards par rapport à la Loi de Finances Rectificatives de 2011,  sont passés  à 353,3 milliards dans la Loi des Finances Rectificatives de 2014, avant d’être portées à 359,5 milliards  dans la Loi de Finances 2015, soit une augmentation supplémentaire de 14, 5 milliards!

Ainsi, au lieu de bloquer les Dépenses pour Achats de biens et fournitures à son niveau  de 318, 7 milliards de la Loi de Finances Rectificatives de 2011, ce qui ferait des économies de 41,5 milliards,  le gouvernement s’évertue à bloquer la Masse salariale à son niveau le plus  historiquement bas de 32,1% des recettes fiscales !

 En 2015, cette augmentation relative des Dépenses de train de vie de l’Etat, contraste  aussi avec la diminution de la subvention de l’énergie qui passe de 80 milliards en 2014, à 66 milliards, au moment où les recettes tirées des produits pétroliers sont passées de 196,5 milliards en 2013, à 220,5 milliards en 2014, pour atteindre 234,2 milliards!

Ainsi cette baisse de la subvention devrait aussi être accompagnée de la baisse des prélèvements des produits pétroliers, notamment sur le carburant.

En outre, malgré toutes ses professions de foi en direction des services sociaux publics de base, le gouvernement réduit les Dépenses communes de l’Enseignement supérieur de 452,2 millions, tout en décidant de reconduire, pour les bourses d’étudiants les mêmes dotations  qu’en 2014, et de réviser les conditions  de leur attribution.

En d’autres termes, les nouveaux bacheliers auront des bourses à hauteur de ceux qui les perdent suite à l’application de ces nouvelles conditions d’attribution.  Ce faisant, le gouvernement a opté pour une année scolaire d’instabilité.

De même, l’Education nationale se trouve amputer  de 6 milliards de fonctionnement et de 3,8 milliards d’investissement, tandis que la Santé publique  se trouve avec 3,8 milliards en moins pour son fonctionnement !

Ainsi, la rigueur budgétaire pour dégager les ressources nécessaires au financement des projets du PSE, n’ont pas épargné ces services sociaux publics de base, pourtant nécessaires à toute politique d’émergence qui se veut inclusive.

Cette rigueur, malgré les dénégations du Ministre chargé de l’Economie et des Finances,  a aussi touché les acquis des agents de l’Etat en termes d’augmentation de salaire suite à la baisse de la fiscalité. 

D’ailleurs, dans la Loi des Finances Rectificatives de 2014, il écrit, noir sur blanc, que «  le Projet de Loi entend proposer un ré équilibrage du barème de l’Impôt sur le Revenu, consistant à rehausser les taux d’imposition en mettant l’accent sur les hauts revenus et à abaisser les minimas de crédit d’impôt pour charge de famille.. » !

Au résultat, l’on a pour les salaires  allant  de  125.000 FRS par mois  à  333.333 frs  par mois,  le taux d’imposition  passe de 30% à 32%, alors qu’ils constituent le gros lot des salariés  du public ;  pour ceux de plus de 333.333  à  666.666 frs par mois,  le  taux d’imposition  passe de  35% à 37% ;  ceux qui gagnent  plus de 666.666 à  1.125.000 frs par mois, le taux  d’imposition  passe de 37% à 40%, tandis  que ,  pour ceux qui sont à plus de 1.125.000 frs par mois,  le  taux d’imposition passe de 40% à 45%.

Le recours au crédit d’impôt pour charge familiale, pour atténuer  cette hausse de l’impôt sur les salaires, ne devrait donc pas cacher, la hausse effective de cet impôt, qui va  entraîner la baisse des salaires, d’autant que les salariés célibataires ou divorcés ayant un enfant en charge, n’ont pas bénéficié de la baisse des minimas de ce crédit d’impôt.

La hausse des revenus salariaux obtenus par les Syndicats des travailleurs à travers la baisse de la fiscalité, est ici reconnue  avoir été mise en cause dans La Loi des Finances Rectificatives 2014 adoptée par l’Assemblée nationale, et comme dans le Projet de Loi des Finances 2015 qui lui est actuellement soumis.

A cette politique de recettes et de dépenses qui aggrave les conditions de vie et les difficultés d’emploi  déjà héritées de Wade, le gouvernement procède à une politique d’endettement devenue de plus en plus insupportable  pour les finances publiques, au vu des urgences économiques et sociales du pays.

C’est ainsi  que ses emprunts augmentent au fur et à mesure qu’augmentent ses obligations de remboursement de sa dette, et non, en fonction de ses besoins d’investissement.

En effet, le remboursement de la dette est passée de 440,9 milliards  en 2013, à 523,4 milliards en 2014, pour atteindre 598, milliards en 2015, tandis que dans le même temps, il a emprunté 373,3 milliards en 2013, puis, 544,4 milliards en 2014, et 570 milliards en 2015.

Ainsi en 2015, pour la première fois depuis la dévaluation de 1994, le remboursement de la dette pour 570 milliards est le premier poste de Dépense du budget, suivi des investissements sur ressources propres de 557,2 milliards et de la Masse salariale de 510 milliards !

C’est donc bien le poids du remboursement de la dette dans nos finances publiques qui plombe les capacités de l’Etat à investir et à créer des emplois dont les secteurs sociaux publics de base ont le plus  besoin.

Ce sont donc les conséquences d’une telle politique qui épargne le train de vie de l’Etat et qui hypothèque l’avenir de notre jeunesse, qui ont poussé le gouvernement à décider de bloquer  la Masse salariale, les emplois publics et les bourses des étudiants, tout en procédant aux coupes sombres dans les crédits destinés à l’Enseignement supérieur, à l’Education nationale et à la Santé publique.

C’est ce prix à payer pour le choix de la stratégie d’émergence du pays à travers le PSE, qui est insupportable tant pour les générations actuelles,  que pour les générations futures.

L’analyse du Projet de budget 2015 qui est la première année de prise en compte budgétaire des projets du PSE, a montré déjà ses limites sociales.

Il est donc nécessaire d’en prendre la pleine mesure et d’éviter de faire un forcing  qui serait socialement déstabilisant et politiquement suicidaire.

Il est encore temps de soumettre le PSE et ses conditionnalités à une large concertation pour en revoir les fondamentaux

Ibrahima SENE PIT/SENEGAL

                                                                                          Dakar le 9 Novembre 2014

 

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