Publié le 5 Mar 2015 - 06:43
TRAQUE DES BIENS MAL ACQUIS

Le procureur spécial fait tomber l’informaticien du Palais de Justice

 

Dieu est Grand mais Karim Wade n'est pas petit. Même prisonnier, avec toutes les restrictions et contraintes de corps que ce statut désagréable lui impose, le fils d'Abdoulaye Wade garde une capacité de nuisance suffisamment intacte pour donner du fil à retordre à l'actuel Exécutif, mais surtout, à l'appareil judiciaire qui est tout près de sceller son sort dans le cadre de la traque des biens mal acquis.

Seulement, l'ancien "ministre du ciel et de la terre" qui, jusqu'ici, avait réussi à tisser et à entretenir un puissant réseau d'informateurs qui s'étend de ses quartiers de la prison de Rebeuss au tribunal de Dakar, tout en infiltrant les services de renseignements, vient de perdre un maillon clé de son dispositif. Un informaticien du tribunal a été arrêté, en début de semaine, et déféré ce mercredi à la suite de son identification formelle comme étant une taupe de Karim Wade.

L'informaticien du tribunal qui porte les initiales A.S était de mèche avec des agents en poste à la prison de Rebeuss où Karim Wade est détenu depuis avril 2013. Avec les taupes de la prison et par des voies contournées ainsi que des messages codés, ils tenaient le fils d'Abdoulaye Wade et ses avocats au courant de toutes les péripéties de la procédure en cours contre sa personne dans la traque des biens mal acquis. Résultat : Karim réussissait presque toujours les bonnes contre-attaques tout au long du déroulement de son procès. Leur démarche pernicieuse a été mise à nu par Cheikh Tidiane Mara, le procureur spécial près la Cour de l'enrichissement illicite (CREI), d'où l'arrestation, il y a trois jours, de A.S qui pourrait être très bientôt rejoint par ses collaborateurs.

Mais ce n'est pas tout, car au-delà des taupes de la prison et du tribunal, le dispositif très huilé de Wade fils comprend également des avocats et certaines têtes de l'appareil des renseignements de l'Etat. Si bien que du fond de sa cellule, Karim Wade avait réussi à installer une machine efficace de communication pour recevoir et émettre tout un tas d'informations utiles à sa défense et suffisamment puissant pour conquérir une partie de l’opinion publique à sa cause. L'on se rappelle que certaines de ses sorties ont souvent secoué l'Exécutif et le système judiciaire, obligés à plusieurs reprises de s'expliquer ou de justifier certaines de leurs actions, après les opérations de communication de Karim Wade. C'est pourquoi une chasse à la taupe a été engagée pour démasquer tous les visages cachés qui à un moment ou un autre ont fait de "l'espionnage" pour Karim Wade.

EnQuête a d'ailleurs appris, de source sûres, que si Abdoulaye Wade s'était abstenu, jusqu'à la dernière minute, de faire des allers-retours entre sa résidence et la cellule de Karim Wade, c'était pour ne pas torpiller l'efficacité de ce système, en éveillant les soupçons des esprits avertis qui n'auraient aucun problème à établir le lien entre les fuites organisées par Karim Wade, les sorties de ses avocats ou de son père et les liens qui pourraient exister avec des taupes à la prison de Rebeuss et au tribunal de Dakar.

Il faut dire que dès leur perte du pouvoir, les Wade qui n'avaient aucun doute sur le sort qui attendait Karim ont établi un vaste réseau d'information et de renseignements à plusieurs niveaux de l'appareil sécuritaire de l'Etat, des médias, des cercles religieux et de certains centres de décision susceptibles d'influencer le sort qui pourrait s'abattre sur Karim Wade. Fort de la certitude qu'un bon "travail" a été accompli en amont, Abdoulaye Wade s'est toujours plu à dire que le président Macky Sall et son gouvernement n'ont pas le soutien des services de sécurité. Les derniers évènements semblent, en tout cas, prouver le contraire.

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