‘’Idriss Déby n’a été associé ni près ni de loin à la DDS’’

Les autorités tchadiennes ne décolèrent pas d’entendre à chaque fois qu’Idriss Déby doit être poursuivi, au même titre que Hissein Habré. Hier face à la presse, les ministres tchadiens de la Communication et de la Justice ont tenu à laver de tout soupçon, leur Chef d’Etat.
‘’On ne peut pas poursuivre Hissein Habré sans poursuivre Idriss Déby.’’ La même rengaine est revenue, lors de la cérémonie d’ouverture du procès de l’ex-président tchadien accusé de crimes internationaux. Le dauphin du Bâtonnier, Me Mbaye Guèye, dénonçant l’absence de poursuites contre Idriss Déby, avait lâché à l’intention des juges de la Chambres d’assises : ’’Parmi toutes les personnes mises en cause, on ne vous a renvoyé qu’une seule personne, alors que toutes les autres sont passées par la maille de la justice, par la volonté de la signature d’un homme qui n’en a cure de sa signature et qui, lui-même, devait comparaître car il était au-devant des troupes (...)’’.
Ces propos lâchés devant les officiels tchadiens présents au tribunal les ont fait réagir. Les ministres tchadiens de la Communication et de la Justice ont fait face à la presse, hier. Le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement du Tchad, Hassan Sylla Bakari a tenu à préciser ‘’qu’il n’y a aucune plainte contre Déby’’. Il s’y ajoute, a-t-il poursuivi, que ‘’seul Hissein Habré devra répondre de ses actes devant la Chambre d’assises. Les autres n’étant pas renvoyés, faute d’avoir été inculpés’’. Ainsi à l’instar de son collègue de la Justice et des droits de l’Homme, le ministre de la Communication s’est offusqué du fait que le nom du président Idriss Déby soit évoqué dans les faits et qu’il soit présenté comme un conseiller à la fameuse police politique et répressive d’Hissein Habré, dénommée Direction de la Documentation et de la Sécurité (DDS).
‘’C’est une fixation qui n’a pas de sens car le président Déby était le Chef d’Etat-major général des Armées. Il ne faisait pas partie de la DDS. Il n’y a jamais travaillé et n’a jamais été associé ni de loin ni de près à la DDS’’, a affirmé avec insistance le ministre de la Communication. Et d’ajouter à l’intention de ceux qui soutiennent qu’Idriss Déby était le conseiller de Habré : ‘’Quand il vous nommait, il vous mettait au placard.’’
‘’Le Tchad n’est pas animé par l’esprit de vengeance’’
Par ailleurs, le ministre de la Communication tchadien est revenu sur la question de la contribution de son pays au financement du procès. A l’en croire, son gouvernement n’a contribué qu’à hauteur de 2 milliards et le Tchad était dans l’obligation de le faire, dans la mesure où ‘’il y a eu tellement de barrières’’ qui ont empêché, depuis lors, les victimes d’obtenir justice. «40 000 victimes ont souffert dans leur chair. En tant qu’Etat responsable, le Tchad ne pouvait pas ne pas contribuer’’, a justifié le ministre Bakari. Qui a passé en revue le règne de Hissein Habré qu’il qualifie de ‘’plus grand dictateur que l’humanité n’ait jamais connu’’.
‘’Durant le règne de ce dictateur, l’époux n’a pas confiance en son épouse. Il en est de même de l’épouse. Les enfants n’ont pas confiance en leurs parents. Que sur une simple déclaration de votre fils, vous soyez emprisonné, pour un oui ou pour un non, le même sort vous est réservé. Il a érigé la délation en règle de conduite pour tous’’, a soutenu le ministre de la Communication. Et de poursuivre : ‘’Pendant son règne, le Tchad était une prison à ciel ouvert pour les huit millions de Tchadiens. (…) De nombreux journalistes sont morts en prison pour leurs opinions. La liberté de presse était inexistante. C’était la voix de son maître.’’
’’Il n’y aurait pas eu de procès, si…’’
Son collègue de la Justice lui a emboîté le pas, en précisant que leur gouvernement n’est pas animé par l’esprit de vengeance à l’endroit de leur troisième président de la République. ‘’Les victimes sont meurtries dans leur chair. En 8 ans de règne, il a causé 40 000 morts et détourné 8 milliards. C’est pourquoi dès sa prise de pouvoir, Déby s’est engagé pour la lutte contre l’impunité’’, a justifié Mahamat Issa Halikimi. Il a indiqué également que c’est la raison pour laquelle le Tchad a voulu se constituer partie civile. Une constitution rejetée par les CAE. Ce qui a fait dire au Garde des Sceaux tchadien que son pays n’a aucune influence sur la justice.
Mieux, il a réfuté la thèse de l’absence de collaboration de son gouvernement, dans le cadre du procès. ’’Il n’y aurait pas eu de procès si nous n’avions pas mis à la disposition des CAE les archives de la DDS et permis les commissions rogatoires de visiter les charniers’’, a rétorqué M. Halikimi.
FATOU SY