Publié le 10 Sep 2015 - 19:34
LIBRE PAROLE

Le pouvoir, DLK et ses contradicteurs de toujours.

 

Djibo Leyti KA, appelé ou attiré par tous les pouvoirs ? Une chose est, par contre, certaine: son positionnement par rapport au pouvoir, depuis l’université à nos jours, ne laisse point indifférent. C’est vrai que l’homme, tel un disciple de Machiavel, ‘’n’hésite jamais à aller à l’encontre des conseils habituels’’, si telle est sa conviction. Dès lors, ses adversaires sont opportunément vite extrapolés sur ses positions politiques pour le dépeindre comme quelqu’un de lunatique.

DLK ne fait rien au hasard, toute décision, par lui prise, fait l’objet d’une profonde réflexion stratégique, d’une large concertation et est toujours motivée par un contexte que malheureusement cette discrétion, caractéristique de l’homme d’Etat, lui empêche souvent d’expliquer. Espérons qu’il aura l’occasion de revenir sur tout cela dans ses mémoires.

En attendant, profitant de ma position de proximité et de non militant politique, dont il a pourtant toujours tenu à recueillir l’avis dans ses prises de décision majeures, j’ai pensé - par devoir de vérité - remonter sa trajectoire, pour faire un témoignage, basé sur des faits avérés, que les brouhahas distillés insidieusement par ses détracteurs ne sauraient reléguer au second plan.

DLK réputé pour ses compétences, son ardeur au travail et sa propension à relever les défis voire même ’’faire pousser des arbres dans le désert’’, comme disait feu son oncle Daouda SOW.

Au Ministère de l’Information et de la Communication, il aura admirablement réussi le pilotage de la réforme du secteur des télécommunications. La séparation de la poste des télécommunications nationales aboutira à la création de deux sociétés performantes « La Poste» et la «SONATEL», sur les cendres de la société de niche «TELESENEGAL». J’ai pu bien mesurer la dextérité nécessaire pour manager le processus, quand, au cours d’une réunion à Alger, le Directeur général de Télédiffusion d’Algérie (TDA), ingénieur polytechnicien, me demanda des nouvelles du «ministre de l’information, brillant ingénieur, qui a piloté la restructuration des télécommunications au Sénégal » et que j’eu du mal à le convaincre que M. KA était plutôt un économiste, administrateur civil.

Son passage au MIC a été aussi marqué par la mise en orbite de l’Office de Radiodiffusion Télévision Sénégalaise (ORTS) avec la négociation, des financements de l’Arabie Saoudite et du Japon pour respectivement l’extension du réseau de diffusion TV, naguère limité au centre émetteur de Thiès et la construction-équipement de la Nouvelle Maison de la RTS.

En 1987, au cours d’une tournée du Président DIOUF dans le département de Linguère, il loua les compétences de DLK, son sérieux et ses performances à tous les niveaux, avant d’annoncer qu’il sera promu à de très grandes responsabilités.

Nommé au Ministère du Plan et de la Coopération, quand l’essoufflement des politiques d’ajustement structurel indiquait déjà la recherche d’alternatives économiques crédibles, il s’attela à une vision prospective du Sénégal, objet du plan ‘’Sénégal 2015’’ et à une politique d’emploi durable, avec la création de la première Agence d’Exécution des Travaux à forte Intensité de main d’œuvre (AGETIP) en Afrique.

On retiendra aussi de son séjour au MPC la modification du code du travail, quand il fut appelé de Washington pour venir daredare à l’Assemblée Nationale, faire face à la forte opposition syndicale au vote dudit projet de loi. Epreuve réussie, il refusa, en fin de séance houleuse, contrairement aux autorités présentes, de sortir par une porte dérobée et emprunta les allées du portail de l’hémicycle occupées par les syndicalistes qui admirèrent son courage, ce qui certainement aura contribué à son rapprochement avec la CNTS, dont le soutien lui a été manifeste lors du congrès sans débat du PS en 1996.

En 1990, à la suite de l’année blanche et des perturbations chroniques de tous les cycles d’enseignement, le Président DIOUF, considérant que l’urgence de l’heure était au niveau de l’éducation, le nomme, contre toute attente, au super Ministère de l’Education Nationale, regroupant tous les secteurs de l’enseignement et de la recherche, de l’élémentaire au supérieur. Ses antagonistes de parler du «chant du cygne». L’histoire prouvera le contraire, il aura connu un magistère sans grève, où le dialogue entre autorités et acteurs aura prévalu. DLK battra tous les records de quiétude au MEN et se payera même le luxe d’aller déjeuner au restaurant universitaire accueilli par les amicales des étudiants. Il réussira, par ailleurs, à faire de l’Université Gaston Berger de Saint Louis, projet en souffrance depuis la pose de la première pierre en 1972, une réalité.

DLK, pressenti au Ministère de l’Economie et des Finances en 1991, atterrît finalement au Ministère des Affaires Etrangères parce que le Président DIOUF considérait que la plus grande menace pour le pays était le feu qui couvait à notre voisinage.

Vinrent ensuite les problèmes de sécurité intérieure, avec la menace des intégrismes religieux.DLK retrouve un nouveau challenge, il est nommé Ministre d’Etat, Ministre de l’intérieur, en 1993. Un magistrat chevronné, ancien Président de la Cour Suprême, de lui rappeler dans ses félicitations « qu’il était au cœur de l’Etat et que pour la première fois dans l’histoire du Sénégal on avait un ministre de l’intérieur, ministre d’Etat ». Il avait indubitablement bien appréhendé la complexité du contexte et toutes les jalousies qui pouvaient en découler.

En dépit de l’exacerbation des crises internes au PS, qui lui ont valu des conspirations de tout acabit, DLK, comme un chat à sept vies, est toujours arrivé à s’en tirer à bons comptes. C’est finalement un article de « Jeune Afrique » et la détermination d’un ancien Premier Ministre, qui auraient fini de sceller son sort pour la sortie du gouvernement en 1995, mettant ainsi fin à une riche et longue carrière gouvernementale empreinte de défis et de succès par la grâce de Allah SWT.

Les compétences techniques de DLK ne sauraient masquer son habileté politique. Il est un fin stratège, très surveillé du reste par ses opposants. Après une rude bataille au sein du Parti Socialiste, il finit par créer - avec une partie de ses camarades qui ont mené le combat à l’interne- l’Union pour le Renouveau Démocratique (URD), qui a servi de catalyseur à la première alternance, car étant à l’origine de la première brèche qui a fait prendre de l’eau le navire socialiste.

Me WADE ne s’y est pas trompé d’ailleurs - quand lors d’une rencontre au domicile de DLK, ce dernier finit par le convaincre que le boycott des élections sénatoriales qu’il prônait n’était pas la position la plus judicieuse – en tenant ces propos « Djibo tu m’as retardé à prendre le pouvoir, tu aurais dû quitter le PS plus tôt ». Le retournement de DLK du 14 mars 2000 (controversée certes, mais justifiée politiquement pour qui connait les péripéties de son acceptation de faire partie du premier gouvernement du Président DIOUF en 1981) n’y fera rien, le navire socialiste allait couler.…Et DLK de rétorquer à ses adversaires qui l’avaient déjà enseveli dans sa tombe « je vais rebondir ».Il fallait de la détermination, du courage et de la virtuosité pour y croire, tellement sa décision proclamée sans aucune explication était mal appréciée de l’opinion.

Mais DLK n’en était pas à ses premiers déboires. Les tentatives d’isolement vont continuer et après les élections législatives de 2001, le Président WADE craignant un rapprochement entre le PS qui avait dix (10) députés et DLK, dont le parti URD en disposait trois (3), a préféré réduire le nombre de députés requis pour la formation d’un groupe parlementaire à dix.

Avec le départ de Idrissa SECK de la primature en 2004, le Président WADE, mesurant l’ampleur de la tâche et après l’amer constat que tout le monde n’était pas toujours à la hauteur, demanda pour la troisième fois au dernier Directeur de cabinet du Président SENGHOR – dont on annonçait le départ pour la station de Directeur de cabinet du Secrétaire général de l’ONU- de rejoindre son gouvernement.

Décidément, la décision de mars n’avait pas trop entamé les relations personnelles entre DLK et « son professeur » Me WADE, empreintes de cordialité familiales, en dépit des antagonismes politiques. Le Ministre d’Etat Abdoulaye WADE a été le premier membre du gouvernement à arriver au domicile de M. KA, lors du rappel à Dieu de son père en 1992, pendant le sommet de l’OCI, ce qui avait fini de le convaincre de la grandeur d’esprit et des qualités humaines de Me WADE, qu’il ne cesse toujours de louer.

DLK finit par intégrer le gouvernement suite à une alliance stratégique entre le PDS et l’URD, tout en gardant l’autonomie de son parti et même la possibilité de se déterminer par rapport aux échéances électorales futures, comme du reste l’avait fait Me WADE en intégrant le gouvernement de la Majorité Présidentielle élargie. Cela n’a pas empêché ses détracteurs de le qualifier de transhumant. Mais qu’est-ce la transhumance ? Cette mobilité des hommes politiques d’un parti d’opposition au parti au pouvoir assimilée à la migration périodique des troupeaux à la recherche de prairies ou une simple migration de l’opposition au pouvoir ? A ce que je sache, le Président de l’Union pour le Renouveau Démocratique (URD) n’a jamais quitté le parti qu’il a créé, ni renoncé à ses convictions socialistes qui l’ont bercé depuis Senghor, même si aujourd’hui la gouvernance n’est pas une question d’idéologie.

Le Sénégal ne saurait faire exception à une certaine mobilité politique à l’approche des élections, le propre d’un parti politique étant la conquête du pouvoir. Le Président de la République ne saurait laisser l’initiative de la recomposition du paysage politique à ses opposants et corréler les résultats de la prochaine élection uniquement à son bilan, qui faudrait-il le rappeler est une condition nécessaire mais non suffisante.

Faire de la politique, c’est aussi privilégier le réalisme. A une certaine position, on ne saurait faire preuve de dogmatisme ou jouer à l’administrateur mort, on a une claire conscience que gouverner n’est pas seulement prévoir, mais évaluer et procéder aux réajustements nécessaires pour venir à bout de la complexité des problèmes ou optimaliser les solutions.  La République est une et indivisible, seules les compétences doivent prévaloir dans le choix des hommes – dont les mains ne sont ni souillées, ni tachetées – qui, la loyauté en bandoulière, ont le cœur à l’ouvrage. Ceux qui, grands théoriciens et conspirateurs de tous les temps, ne peuvent évidemment pas participer à une telle compétition vont s’adonner à celle favorite de la manipulation de l’opinion avec des discours stéréotypés.

Le Président SALL, lors de l’inauguration du siège de la SONATEL, déclara à l’endroit de son «son ami et grand frère» que sa place n’était pas dans l’opposition, car il serait dommage qu’un homme de sa trempe ne puisse mettre ses compétences au service de son pays. Faisant preuve d’une très grande humilité, digne des grands hommes, il fit le déplacement, comme annoncé, au domicile de DLK, pour lui réitérer son appel à rejoindre le camp présidentiel .

La beauté du geste est telle qu’un refus de M. KAferait douter à plus d’un de ses qualités d’homme d’Etat et aussi de son amour pour son pays. Sans aucun doute également, son acceptation n’allait pas laisser indifférents ses contradicteurs de toujours qui languissent dans les périphéries d’un pouvoir qui tarde à les auréoler de prébendes espérées simplement pour avoir rejoint la mouvance, qui allait conduire inexorablement M. SALL en 2012 à la tête du pays, comme Me WADE en 2000. Ils sont péremptoires quant à l’apport au Président Macky SALL de leur sempiternel antagoniste qu’ils suspectent certainement de venir encore contrecarrer leurs ambitions. Ils oublient que le Chef de l’Etat, en principe la personne la mieux informée, est le seul à savoir pourquoi faire appel à un tel et non un tel et lui seul sait ce qu’il attend de DLK. Il peut, en tout état de cause, compter sur un homme qui ne s’engage pas à moitié, un pied dedans un dehors. Au-delà de l’écume, l’apport de DLK, ne pourra en aucun cas passer en pertes et profits. Il a l’expertise avérée doublée d’une habileté politique et reste encore une icône, qui pourra toujours faire la différence, dans la stratégie et la mise en œuvre d’une action porteuse d’espoir.

 

Thierno Penda BA (TPB)

 

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