Publié le 4 Aug 2016 - 03:52

Retrait des  enfants de la rue et interdiction de la mendicité 

 

Monsieur le Président, n’allez pas à Canossa devant les rentiers de la foi

La rafle des handicapés mendiants a été certes un excès mais il ne devrait pas servir de prétexte à une reculade du gouvernement sur la question de la traite ‘’des enfants la rue’’  et de la lutte contre le business de la mendicité.

‘’Un homme d’Etat, c’est du caractère et des circonstances’’, disait Napoléon. Par caractère on entend surtout le courage politique de faire ce qui est juste ou ce qui est bien pour le pays sans se soucier de sa cote de popularité. C’est le courage politique qui vous fait entrer dans l’histoire. De Gaulle a eu le courage politique de dire non à la défaite en juin 40. De même que Churchill qui a le courage politique de dire non à la capitulation devant les hordes et l’armada nazi.

Espérons que Macky Sall aura le courage politique de ne pas reculer sur le retrait des enfants de la rue. Espérons qu’il n’ira pas à Canossa devant les rentiers de la foi qui exploitent honteusement les enfants. Cet esclavage est une ignominie pour notre pays. On ne devrait même attendre les injonctions de bailleurs pour y mettre un terme. C’est une faute morale. Il faut juste regretter que le gouvernement ait attendu les injonctions des bailleurs pour s’attaquer à cette industrie de la mendicité qui balafre le visage de notre capitale.

 Le Sénégal n’est pas le pays le plus pauvre de la sous-région mais à coup sûr, c’est le pays qui fait plus étalage de pauvreté en Afrique de l’Ouest. Tendre la main est devenue notre culture nationale comme l’atteste tous ces jeunes qui pendant le ramadan  à l’angle de toutes les rues tendant la main exigeant une dime pour le café. Un pays n’émerge pas avec le ‘’Diapsi’’  devenu un réflexe national. Je reviens de la Côte d’Ivoire. Ce pays qui se veut émergent fait étalage de prospérité alors que le Sénégal fait étalage de misère. Les talibés sont exploités par des enturbannés paresseux sous prétexte de leur enseigner le Coran alors que tout le monde sait qu’ils n’apprennent rien du tout.

Les enfants sont dans la rue de 5h du matin à minuit. Des ‘’baye Fall’’ qui n’ont rien à voir avec la philosophie originelle de Cheikh Ibra Fall instaurent des péages aux passants. Cette industrie de la mendicité a créé un appel d’air et Dakar est devenue la Mecque des mendiants de la sous-région. On clame partout et à tue-tête nos valeurs parce que la plupart du temps cela relève de l’incantation pour se donner bonne conscience. C’est incroyable la facilité avec laquelle les Sénégalais tendent la main.

A chaque croisement de Dakar on est interpelé par des hommes et femmes en bonne santé  qui préfèrent tendre la main. C’est tellement plus facile et rentable. Quand le ‘’fissabillilah’’  devient plus rentable que le ‘’dane dolé’’, pourquoi se tuer au travail ? C’est pourquoi Dakar est envahie de  dames bien portantes qui rechignent à faire les petits boulots et qui organisent leur vie de familles sur les grands boulevards  à commencer par la place de l’Indépendance  à quelques mètres du Palais Présidentiel.

 Ce qui est sûr, c’est qu’un pays ne peut pas se dire émergent et faire étalage de sa misère à tous les coins de rue même devant les restaurants et pizzerias où on a l’impression que la jeune dame ou le talibé  qui vous barre la route à la sortie, par un chantage psychologique cherche à vous donner mauvaise conscience parce que vous vous êtes payé une pizza.(..).

Le Président a posé un acte fort mais il doit éviter que son initiative soit comme celle de Wade qui était parti à Canossa devant les rentiers de foi. Malheureusement l’histoire risque de se répéter avec les reculades du gouvernement qui cherche à distinguer talibés et enfants de la rue alors que c’est la même chose. Par principe aucun enfant ne devrait être dans la rue pour tendre la main au profit d’adulte. Il y a 55 pays musulmans dans le monde. Pourquoi le Sénégal serait le seul pays de la planète, où il y a un lien dialectique entre apprendre le coran et mendier. Même les obscurantistes talibans gardent leurs enfants dans les ‘’medersas’’.

Si le phénomène des talibés a perduré aussi longtemps, c’est à cause du manque de courage politique de nos gouvernants et de l’égoïsme de nos élites intellectuelles et religieuses car aucun enfant de ministre, de haut fonctionnaires et de l’élite économique ne fait partie des enfants de la rue à Dakar. Les élites s’organisent pour trouver des oustaz qui apprennent le coran à leurs enfants. Les élites religieuses forment elles-mêmes leurs enfants ou les envoie à Coky, à Pire ou Fass Toure qui seront de véritables écoles.

Si tous les maitres coraniques du pays se ruent à Dakar c’est parce que simplement pour eux il y a un primat de la rente sur le Coran. Naturellement toute personne qui va s’élever contre l’exploitation des enfants sera accusée de combattre l’Islam. Ça se comprend. Les rentiers de la foi défendent leur beurre en usant souvent de procédés très staliniens. Après les ennemis du peuple des staliniens, les esclavagistes d’enfants ont créé la notion ‘’d’ennemis de l’islam’’  pour protéger leurs rentes.

Il est aussi temps de sortir de l’opposition stérile entre l’école dite ‘’française’’  et les daaras parque que il n’y plus d’école française mais une école sénégalaise où l’on apprend l’histoire et la géographie du Sénégal où l’on est formé par des sénégalais avec des programmes conçus par des sénégalais (..). Les deux écoles ne s’opposent pas. Elles sont complémentaires. C’est d’ailleurs ce qui fait la grandeur et le charme du Sénégal : profondément enraciné mais ouvert sur le monde.

Yoro Dia

Politologue

diayero@gmail.com

 

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