‘’Comment sauver nos sites…’’
La gestion des sites du patrimoine sénégalais pose problème. Saint-Louis en est l’exemple patent. L’Unesco menace le Sénégal de retirer la vieille ville de la liste du patrimoine mondial. Le Sénégal fait actuellement des pieds et des mains pour l’y maintenir. Doctorant en histoire à l’école des hautes études en sciences sociales (EHESS) de Paris, Abdoulaye Gaye est un gestionnaire de patrimoine. Dans cet entretien, il revient sur les critères de choix pour le classement des sites, l’entretien de ces derniers, etc.
Comment se fait le classement des sites Unesco ?
Le Sénégal s’est engagé depuis 1971 à l’élaboration de textes réglementaires ainsi que des politiques majeures pour une prise en charge intégrale des biens culturels. Il a ratifié en outre la convention de l’UNESCO pour la sauvegarde de patrimoine culturel immatériel du 17 octobre 2003. A cela s’ajoutent aussi des textes de loi comme : Le décret n°70-093 du 27 janvier 1970 portant création de la Direction du Patrimoine Culturel ; le décret N°2008-832 du 31 juillet 2008, portant organisation du ministère, définit les missions et fonctionnement de la direction ; le décret n° 2001 - 1065 du 11 décembre 2001, relatif à l’établissement d’un inventaire des sites et des monuments du Sénégal présentant un intérêt historique, archéologique, culturel et naturel ; l’arrêté n° 05.2006 - 002711/MCPHC/DPC portant publication de la liste des sites et monuments historiques classés et fixant leur régime ainsi que celui des fouilles, découvertes et biens culturels.
Le pays qui veut proposer un site doit d’abord faire un inventaire des sites culturels et naturels. Le classement des sites se fait sur la candidature des pays signataires de la charte de l’Unesco. Outre la Valeur Universelle Exceptionnelle, il faut satisfaire au moins un critère. Ces derniers sont au nombre de 10. Pour rappel, le Sénégal compte 7 sites classés patrimoine mondial de l’Unesco : 5 culturels et 2 naturels. Il s’agit de : île de Gorée : classé en 1978, Parc Niokolo Koba en 1981, Parc de Dioudj en 1981, L’Ile de Saint-Louis 2000, Delta du Saloum en 2011, sites mégalithiques de Ngayène en 2006 et le dernier sur la liste est le Paysage culturel du pays Bassari en 2013.
Que pensez-vous de l’entretien des sites ?
L’entretien de ces sites demande des moyens très importants : sur le plan technique, il faut un personnel qualifié et suffisamment bien formé pour administrer et gérer un site. Il faut connaître les critères qui ont prévalu pour la classification du site et surtout nommer un gestionnaire autonome. A cela s’ajoutent aussi des moyens matériels et financiers pour le bon fonctionnement de ces sites. Par exemple le delta du Saloum ou les pays Bassari de même que les deux parcs s’étendent sur des superficies assez importantes. Sans moyens matériels, il sera difficile de les entretenir. Au Sénégal, nous avons aussi un autre problème concernant nos sites. Ils dépendent de ministères différents. Ce qui fait que si les ministères de la Culture et de la Communication, de l’Environnement et du Développement durable et du Tourisme et des Transports aériens ne travaillent pas en synergie, il nous sera difficile de faire de bons résultats. A mon humble avis, pour une bonne gestion de nos sites classés patrimoine mondial de l’Unesco, ces trois ministères doivent avoir un cahier de charges commun.
Dans quelles conditions un site est-il retiré de la liste du patrimoine mondial ?
Oui un site peut être retiré de la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Cependant, il y a différentes étapes à franchir avant d’être retiré de la liste. Le site est d’abord classé patrimoine en péril avant d’être rayé ou enlevé complétement de la liste. En effet, l’Unesco établit aussi la liste du patrimoine mondial en péril et demande au pays concerné de mettre en place une politique pour le sauver, c’est-à-dire un plan de sauvegarde. Au Sénégal, le parc de Niokolo Koba a été inscrit sur cette liste depuis 2007. Et au bout d’un certain moment, si rien n’est fait pour sauvegarder le site, la sanction tombe et le site est retiré de la liste mondiale du patrimoine.
Que faut-il faire pour mieux préserver les sites sénégalais du patrimoine ?
Comme je l’ai dit plutôt, il faut un personnel bien formé sur le plan technique et des moyens conséquents (ndlr financiers et matériels). En plus de cela, il faut que les populations s’approprient aussi ce patrimoine parce qu’elles constituent les premières bénéficiaires. Une bonne politique de management, une gestion efficiente et surtout un bon plan de communication serait un atout non négligeable. La visibilité est très importante tant au niveau national qu’international. On parle souvent de l’économie de la culture, donc la valorisation de ces sites constituera une plus-value pour ces populations si l’on voit tous les touristes qui viennent visiter ces sites. Et pour paraphraser le Président Senghor, la culture est au début et à la fin de tout développement.
BIGUE BOB