Un film ‘’politiquement correct’’
Projeté dimanche dernier au Fespaco, ‘’Bois d’ébène’’ de Moussa Touré qui raconte l’esclavage a été diversement apprécié.
De l’émotion, il y en avait dimanche soir au ciné ‘’Neerwaya’’, à la sortie de la projection de ‘’Bois d’ébène’’ de Moussa Touré. Un film en compétition à la biennale cinématographique de Ouagadougou. Le réalisateur y conte l’esclavage avec une bonne dose de fiction. Il montre tout le processus de vente des esclaves noirs. Il part du choix des hommes et femmes à céder aux Blancs, jusqu’à leur arrivée aux Antilles, en passant par les conditions de voyage. Le résumé qu’en donne la fiche technique du film est d’ailleurs précis : ‘’Bois d'Ébène est un documentaire-fiction sur la traite des Africains, l'esclavage et l'abolitionnisme dans la première moitié du 19ème siècle qui a vu la traite redoubler d'intensité en même temps que montaient les idées abolitionnistes.
Le film est structuré autour du déroulement du commerce triangulaire. Il raconte une expédition de traite au début du 19ème siècle entre Nantes, Ouidah (au Bénin, appelé Juda à l'époque), la Guadeloupe et Nantes, mais pas de manière strictement linéaire. Nous faisons des allers-retours entre l'itinéraire du navire négrier et Nantes où le commerce de produit des colonies bat son plein. Les Armateurs se tenaient au courant de l'avancée des opérations et ne cessaient d'adresser des consignes aux Capitaines par l'échange de courrier entre navires’’.
Après la projection, le réalisateur malien Cheikh Oumar Cissokho a dit être révolté par ce qu’il a vu. ‘’Ce que nos parents ont vécu et que j’ai vu en image me révolte, même s’il me fait rêver. Le film est super, je ne rentrerai pas dans les détails’’, a-t-il déclaré. Aussi, a-t-il félicité le réalisateur, parce qu’à son avis, faire ce film n’a pas été facile, vu le contexte. ‘’Ce qui m’a beaucoup marqué, c’est que c’est un film d’époque. Aujourd’hui, il n’est pas facile de tourner un film d’époque dans les conditions qu’il se doit. Bravo pour les costumes et le décor’’, s’exclame-t-il.
Le critique de cinéma et journaliste sénégalais Baba Diop a lui aussi assisté à la projection. Il a un avis partagé sur ce qu’il a vu. ‘’Un Antillais qui verra ce film dira que ce sont vos parents qui ont vendu vos frères. Il y a aussi le fait que c’est le Nègre qui fouette d’autres Nègres. Je ne dis pas que cela n’existais pas, mais c’est l’absence de révolte qui est surtout un peu embarrassant dans ce film’’, indique-t-il. Dans la même veine, il a ajouté : ‘’Même si les éléments sont vrais, ce sont des éléments vus uniquement du côté français. Quelqu’un qui écrit une lettre a sa propre vision, il raconte son histoire. Il y a ces aspects qui, comme "Timbuktu", se situent dans le politiquement correct. On efface un peu les aspérités d’une réalité pour les mettre un peu en conformité avec quelque chose qui est acceptable. Rien n’est trop noir, rien n’est trop blanc. Ça dédouane tout le monde.’’ Cependant, ‘’techniquement, c’est un film bien conçu’’.
BIGUE BOB (envoyée spéciale à Ouagadougou)