Kaolack au bord du surmenage
La capitale du bassin arachidier du Sénégal est prise d’assaut par des ordures qui semblent n’avoir aucune intention d'aller se faire voir ailleurs.
Après trois tours d’horloge en provenance de Dakar, Kaolack apparaît sous des blocs d’ordures. En face du chemin qui mène à la gare routière, les tas d’immondices jouxtent un terrain sportif où des gamins jouent au football. Avec l’insouciance qui les caractérise, les enfants n’hésitent pas à s’engouffrer dans cette mélasse à la recherche de leur ballon souvent dégagé hors du terrain. Le danger est là et ils le côtoient au quotidien. Les jeunes footballeurs ont résolument fini par banaliser ce spectacle étonnant et détonnant qui se dresse sous leurs yeux.
Il en est de même pour les habitants des environs dont les maisons résistent difficilement à l’assaut des ordures. A ce cocktail, il suffit juste d’ajouter la présence d’eaux stagnantes pour mesurer la force de la bombe à retardement qui sommeille en ces lieux. Debout devant sa maison, les yeux rivés sur cette eau verdâtre, une jeune dame semble dépassée par le spectacle. ‘’Le paludisme fait des ravages ici et peu importe la période, les moustiques élisent domicile dans ces eaux usées’’, dit-elle. Oumar Diagne lui, éprouve beaucoup de mal à aborder le sujet. Le jeune politicien trouvé en face des nouveaux locaux qui abritent la Gouvernance, décide tout de même d’en parler. ‘’A l’image de plusieurs Kaolackois, j’éprouve une honte au vue de ce spectacle désolant. Et il en est de même pour les quatre entrées de la ville, que l’on vienne de Dakar, Ziguinchor, Tambacounda ou Diourbel’’.
Il est facile de vérifier ce qu’Oumar Diagne avance. Derrière le poste de douane de la région, en provenance de Dakar et après la traversée du ‘’pont Noiraud’’, les ordures reprennent service et, dans leur furie dévastatrice, engloutissent la terre ferme. Ce sont des objets en plastique jetés, de la ferraille inutilisable, des ordures ménagères, des habits dégradés, des excréments de toutes sortes, bref… de la sa-le-té. A l’intérieur de la ville, les déchets plastiques élisent domicile. Le marché central, avec des eaux de ruissellement qui proviennent d’on ne sait où, offre plusieurs endroits crasseux avec un large éventail d’odeurs, fades, moites ou simplement une puanteur sans précédent. La ville étouffe et comme pour ne rien arranger, la chaleur vient fermenter davantage les odeurs. Ajouté à cela l’imposant ronronnement des vélos-taxis dénommés Jakarta, symboles vivants du transport dans la localité, Kaolack n’est guère loin du surmenage urbain. Depuis des décennies, plusieurs programmes sont déployés pour sortir la ville de l’emprise des ordures. Des programmes qui semblent tous partager le même dénominateur : l’échec. Ou alors de piètres résultats.
Le Japon injecte 1,6 milliard de francs Cfa pour assainir la ville
Malgré d’importants efforts entrepris par la mairie de Kaolack, la ville continue d’être le nid des ordures. C’est dans un tel contexte que le fonds japonais a décidé d’injecter 1,6 milliard de francs Cfa pour l’assainissement de la cité. Fruit d’une étude déjà terminée et validée, cet investissement se déploie à travers un système dénommé Plan directeur d’assainissement et sera géré par l’Office national de l’assainissement du Sénégal (ONAS). Ce nouveau plan directeur vient donc remplacer l’unique plan d’assainissement qui a existé à Kaolack et datant des années 70. Beaucoup d’espoirs reposent sur ce schéma qui regroupe en son sein les trois volets de l’assainissement. Il s’agit de l’assainissement des eaux fluviales, de l’assainissement des eaux usées et de l’assainissement des déchets solides. Une action d’ensemble sera menée pour sortir la ville de Kaolack du lot des localités qui souffrent le plus de problème d’assainissement. Si l’Etat du Sénégal tient sa promesse de reconstruire le marché central, le port de la ville ainsi que les ports secondaires, et d’injecter 255 milliards pour redynamiser l’économie de la région, comme annoncé lors du Conseil des ministres tenu ici, Kaolack pourrait retrouver son lustre d’antan... Sinon la galère des ordures risque de perdurer.
AMADOU NDIAYE