‘’Les querelles de leadership ne servent à rien’’
A la tête de la Ligue sénégalaise contre le tabac (Listab) durant plusieurs années, avant de céder le fauteuil, Docteur Abdoul Aziz Kassé en est aujourd’hui le Président d’honneur. Mais depuis son départ, la structure traverse une crise profonde de positionnement. Dans cet entretien accordé hier aux quotidiens EnQuête et Libération, il explique les soubassements de la querelle, met en garde les différentes protagonistes et ceux qui roulent pour l’Industrie du tabac. Le Président de l’Association ‘’Prévenir’’ est aussi revenu sur les avancées notées dans la lutte contre le cancer.
Vous avez été pendant longtemps le président de la Ligue sénégalaise contre le tabac, avant de céder la place. Aujourd’hui comment vivez-vous le combat de loin ?
Il est possible de contribuer dans la lutte de diverses manières. En ce qui me concerne, être président en soi n’est pas l’élément le plus déterminant. Quand on menait cette lutte pendant très longtemps, on n’était pas président. Cela ne peut diminuer en rien ma contribution. Cependant, le plaidoyer doit être maintenu pour que les gouvernants soient conscients de l’effet néfaste du tabac et de l’importance de la lutte et ainsi changer de comportements. Il faut aussi maintenir les actions, les pérenniser afin que chaque Sénégalais soit appelé à changer de comportement. Pour ces deux raisons, on peut continuer à travailler sans être président. En ce qui me concerne, je suis un peu libéré parce qu’il faut dire que je suis un peu embarqué dans plusieurs activités (universitaires, médicales, associatives ) au point d’en avoir négligé depuis quelques années ma vie familiale. Le projet du centre de traitement des cancers que je suis en train de finaliser, les agendas associatifs ont fait que je ne suis pas allé voir mon fils aux Etats-Unis depuis longtemps.
Vous dites cela parce qu’il y a une alternance ?
Il est important qu’il y ait dans ces genres d’associations des alternances. Et il faut que ce soit des alternances générationnelles. Garder la direction d’une association pendant plusieurs années fait de vous une sorte de monarque, ce que je ne suis pas. Quand on se battait, on ne cherchait qu’une chose, qu’il y ait une loi. Avec le Président Macky Sall, on a non seulement eu une loi, mais elle a été votée à l’unanimité par les parlementaires, ensuite la promulgation par le chef de l’Etat n’a pas tardé. Les décrets d’application sont sortis et nous travaillons progressivement sur les arrêtés. Aujourd’hui, toute l’Afrique nous envie sur ce plan et nous avons été primé au-delà de nos espérances. Nous avons insisté pour que le Sénégal gagne le prix international sur les avertissements sanitaires et qu’il soit remis au Ministère de la Santé et non à la société civile parce que c’est quand même une décision administrative.
Cependant, quelque temps après votre départ, on constate des remous, des tendances voire des exclusions au sein de la Listab. Comment avez-vous vécu une telle situation ?
Dans toute association, il y a des querelles de leadership. Il y a eu au sein de la Ligue sénégalaise contre le tabac une volonté d’aller vers une Assemblée générale pour le renouvellement des instances. A ce moment, j’avais décidé de ne pas être candidat à ma propre succession et deux (2) de nos membres ont décidé que les textes devraient être revus. Ceci a donné naissance à une commission ad-hoc que Djibril Wélé a dirigée. On a tous les procès-verbaux des réunions qui avaient été tenues. On a fait venir des parlementaires, des fonctionnaires et toutes les associations. Il y a eu vote et un Bureau a été élu. Les perdants sont visibles dans la photo de famille. Mais quelques jours après, quelqu’un a commencé à écrire sous le pseudonyme de Malamine, en oubliant que l’adresse Ip de son ordinateur allait le trahir.
Cette manipulation a été éventée par Amadou Moustapha Gaye. Au mépris des règles les plus élémentaires du fonctionnement d’une association, certains ont voulu la tenue d’une Assemblée générale extraordinaire, et les textes sont clairs là-dessus : il faut adresser dans ce cas un courrier à la présidente. Ce qui n’a pas été fait. Les protagonistes doivent se souvenir que le Sénégal est un pays de droit. Il y a un document officiel du Ministère de l’Intérieur (Il brandit le document), qui montre qu’il y a eu Assemblée générale et une nouvelle présidente. Ces gens doivent arrêter. Ils utilisent les cachets et autres outils de la Listab, ce qui est, au nom de la loi, considéré comme du faux. On se bat contre le tabac et ce genre de querelle de leadership ne nous sert pas. Il va servir à quelqu’un d’autre.
Vous faites allusion à qui ?
Je ne le sais pas mais ce n’est pas la société civile sénégalaise.
Peut-être à l’industrie du tabac ?
(Il coupe) Je ne sais pas
Vous avez pourtant parlé de division ; qui cherche à briser votre mouvement, selon vous ?
Encore une fois, je ne le sais pas. Mais le constat est là. Et bizarrement, comme par enchantement, tout le monde croyait qu’à partir du moment où Abdoul Aziz Kassé n’est plus aux manettes, la Listab est devenue un bastion facile à prendre. C’est une erreur…
Djibril Wélé va même plus loin en affirmant qu’il y a un membre de l’Association ‘’Prévenir’’ que vous dirigez, qui roule pour l’Industrie du tabac …
(Il coupe) Qu’il le désigne. Et ce jour-là, cette personne saura se défendre. Depuis 1975, l’Industrie du tabac n’a pas de mainmise dans la lutte, ce n’est pas aujourd’hui qu’on va cautionner une telle chose. Ceux qui le disent sont exposés à des poursuites judiciaires. Quand la Listab reste dans les lignes, la place de l’Industrie du tabac n’existe pas. Je peux comprendre l’amertume de Djibril Wélé. Il n’a pas d’autre prise que de verser dans des accusations gratuites. C’est pourquoi nous ne devrons pas être légers sur l’application. Depuis 20 ans, je tape sur la table pour dire que le Ministère de la Santé se fait prier pour appliquer l’interdiction de fumer en public. Nous avons mal quand on apprend que les hôteliers, et les patrons des restaurateurs sont reçus par le Programme national de lutte contre le tabac (Pnlt) pour prétendre alléger les dispositions sur le tabagisme ou la protection des non-fumeurs, et que ces mêmes frondeurs soient reçus par le patron du Pnlt. Il faut qu’on respecte la loi. Les espaces non-fumeurs et les lieux publics doivent être généralisés, toute autre forme de délégation est une violation de la loi. Nous ne comprenons pas cette réunion pour soi-disant alléger les charges. Je pense que c’est là qu’il faut aller chercher l’ingérence de l’Industrie du tabac dans notre lutte.
Pourtant, l’autre camp soutient que la Listab dirigée par le Docteur Adja Mariétou Diop n’est pas légale parce que cette dernière serait mal élue….
(Il exhibe un document envoyé par Djibril Wélé, ancien Secrétaire général et exclu de l’entité pour faute grave). C’est lui qui a envoyé les textes pour nous dire voilà ce qui est retenu. Ce sont les règles qui vont régir l’Assemblée générale. Dans cette tendance, il ne s’agit pas de dix personnes, mais de deux. Il faut dire que c’est Wélé qui a insisté pour qu’on exige la présentation d’un extrait du casier judiciaire pour être candidat dans le Bureau de la Listab. Mais il n’est pas venu avec le sien le jour du vote. Moustapha Gaye a été battu avec la manière. Il est venu avec au moins trois associations enregistrées en son nom et neuf personnes pour se faire élire.
Ce qui lui est arrivé est plus compliqué, même les personnes qu’il avait fait venir n’ont pas voté pour lui. Il faut qu’on arrête en revenant à la raison. On ne peut pas, face à un récépissé signé par le Ministre de l’Intérieur, remettre en cause toute une élection. Qu’ils arrêtent ! Les poursuites judiciaires peuvent leur être fatales ! Aujourd’hui, l’heure est aux actions sur le terrain pour l’application et non de querelles de leadership. Le président de la République a entendu le message pour que la lutte contre le cancer se poursuive et que l’application de la loi antitabac se concrétise. Donc ceux qui sont malins vont participer à cette lutte quel que soit leur statut. De grâce, parlons de la lutte contre ces fléaux, c’est plus important. Je voudrais donc, avec le respect que je vous dois, en finir avec cette parenthèse….
Il faut juste revenir sur la situation…
(Catégorique) Je ne parlerai plus du sujet. Je ne suis plus le Président, encore moins le Secrétaire général, aussi après avoir dit l’essentiel sur la situation, je ne peux pas passer mon temps à distraire les Sénégalais. Parlez-moi de la lutte contre le tabac… et non de querelles de leadership. Je n’ai pas des états d’âme mais des états de service. Je suis un vieux soldat. J’ai des objectifs très clairs qui sont exprimées dans mon association et qui sont repris par la Listab dont mon association fait partie. Les querelles intestines, les petites actions ne nous intéressent pas. Nous avons tellement de chantiers dans ce pays et nous préférons mettre toute notre énergie dans la lutte. Premièrement, un changement de politique venant de la gouvernance de ce pays sur certains aspects de la lutte contre le tabac et le cancer, deuxièmement un changement de comportements pour les personnes de la société sénégalaise.
Est-ce que le retard noté dans la mise en service des décrets d’application ne joue pas en votre défaveur ?
Il n’y a pas de retard dans les décrets d’application. Ils ont été tous signés, il ne reste que les arrêtés et ils vont se faire progressivement. Le Président Macky Sall est très clair sur la question. En 2012, avant le vote de la loi, nous avons écrit à l’ensemble des candidats à la Présidentielle. Personne ne nous a répondu. Il n’y a que le président Sall qui nous a envoyé Diène Farba Sarr qui nous avait promis que la loi allait être votée si le candidat Macky Sall est élu. Quand il est arrivé au pouvoir, il a demandé au ministre de la Santé de dépoussiérer cette loi et travailler à son vote. Awa Marie Coll Seck nous a reçus pendant 2 heures 45 minutes. La Listab a sorti les cinq amendements sur lesquels j’ai communiqué.
On a été voir le Parlement en sachant que ce n’est pas un gouvernement qui vote une loi. Moustapha Diakhaté, Président du groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar a joué un grand rôle ; on a formé les députés sur les enjeux, pendant un séminaire. Ils nous ont suggéré de transposer le problème sur la place publique, ce qui a marché. Quand la loi est votée, la semaine suivante alors que le Président revenait d’un voyage, il l’a promulguée avant que qui que ce soit puisse dire ou faire un lobbying . Avec le problème des décrets d’application, il nous a demandé de regrouper toutes les dispositions dans un grand décret qu’il a signé immédiatement. Ce qui reste, c’est les arrêtés avec certains qui nécessitent l’intervention de différents ministres (NDLR : arrêtés interministériels). Pour celui concernant les avertissements sanitaires, nous avons mis 2 ans pour l’obtenir.
Normalement on ne devrait plus vendre le tabac en détail dans les boutiques mais dans des zones de ventes dédiées. Il faut agir sur les aromes, les chichas, la cigarette électronique. Nous avons décentralisé les affaires à Tambacounda, on a formé les agents sanitaires pour aider ceux qui veulent arrêter. On est en train de travailler pour aller demain (aujourd’hui) après-midi rencontrer les Forces de défense et de sécurité. On va former les policiers et les gendarmes pour qu’ils puissent faire appliquer la loi. Vous comprenez parfaitement que quand on fait toutes ces choses-là, honnêtement quand on vient me parler d’un problème de Monsieur X ou Madame Y ou mademoiselle Z qui veut un poste, franchement, cela ne m’intéresse pas.
A vous entendre parler, l’on sent que l’étau est en train d’être desserré autour des hôteliers. Est-ce à dire qu’il y a une politique de deux poids deux mesures dans l’application de la loi contre le tabac ?
Cela ne se fera pas. Quiconque essaye de le faire trouvera sur son chemin tous les acteurs de la première heure, de la deuxième heure, de la dernière heure et enfin l’Autorité administrative. Ce que le président de la République, autorité suprême, Chef suprême des Armées, de Forces de défense et de sécurité a dit est clair : ‘’Je suis pour une application stricte de la loi permettant de lutter contre le tabagisme.’’ Pourquoi donc quelques individus pour des affinités identitaires cherchent à desserrer l’étau sur les restaurateurs et les porteurs de bars ?
Beaucoup de fumeurs veulent arrêter mais il se pose un problème de centre de sevrage. Comment comptez-vous les aider ?
Aucune association ne peut régler le problème à elle seule. Il appartient au Ministère de la Santé, dans le cadre d’un Programme national, de mettre en place, non pas à Dakar, un grand centre de sevrage. D’ailleurs, cela ne me paraît pas la meilleure solution. Je pense qu’il faut aussi former tous les acteurs de la Santé à l’arrêt du tabagisme. Ainsi, chaque patient pourra accéder à un médecin. Si vous mettez des milliards dans un grand centre à Dakar, il n’y aura qu’une partie des fumeurs de Dakar qui pourront y accéder. Il faut un Programme national dans lequel chaque acteur de la santé a quelque chose à faire. Cela ne coûte pas des milliards, mais de la formation.
Les produits de substitution coûtent cher et c’est ce qui souvent décourage ceux qui ont envie d’arrêter. Est-ce qu’il y a une étude qui est en train d’être menée pour baisser ces prix ?
C’est pourquoi je vous ai dit qu’il faut tout un programme. Dans ce schéma, il faudra faire comme certains pays. Les Îles du Cap-Vert, c’est un tout petit pays, mais certains médicaments y sont disponibles sous leur forme générique. Il les produit sur place, les vend à des prix accessibles à tous. On extrait de la nicotine de toutes les formes de civilisation. Vous prenez du tabac, vous le distillez en de petites quantités que vous mettez sur des badges et que vous mettez sur la peau. Vous croyez que le Sénégal ne sait pas le faire. Vous croyez qu’il n’y a pas assez de chimistes, assez d’investisseurs qui peuvent être assez intelligents pour mettre la main à la pâte. Les deux autres molécules, le varonicline commercialisé sur le nom du champix, du bupropian commercialisé sur le nom de Ziban, ne sont que des molécules qu’on peut acheter à l’état générique et reconditionnés au Sénégal.
Vous allez attendre que les Marocains le fassent et que l’argent aille dans leur pays alors que des Sénégalais qui sont capables de mettre en place des usines de fabrication de génériques peuvent le faire, aussi bien pour le tabac que pour d’autres molécules. C’est ce qui me révolte. Il ne faut pas baser notre développement sur ça, aller se battre pour une réduction, se battre pour qu’on nous offre non. Je pense qu’il y a des Sénégalais qui en ont les moyens, les capacités, qui peuvent s’y investir et le faire. Mais je crois beaucoup plus en des formes et des modèles de développement endogènes.
Vous croyez que la lutte contre le tabac doit attendre qu’Oumar Bâ et le Pnlt soient moins complaisants avec l’Industrie du tabac ou pas ? Chaque directeur d’établissement dispose d’une loi qui lui permet d’interdire de fumer à l’intérieur de son établissement. Si la directrice ou le directeur de l’établissement disait que voilà le texte interdisant de fumer dans les espaces publics et on doit le respecter, le problème serait réglé. Si chaque patron d’une administration quelle qu’elle soit prend une note de service pour faire appliquer la loi, vous pensez qu’on a besoin que le ministre de l’Intérieur fasse des arrêtés. Si chaque Sénégalais éduquait ses enfants, vous croyez que mes deux garçons vont se lever du jour au lendemain pour aller acheter de la cigarette ? Commençons d’abord par nous-mêmes, et c’est là le problème du Sénégal et des Sénégalais. On attend toujours tout des autres. Chez moi, personne n’entre avec du tabac, ici c’est pareil. Vous ne verrez personne fumer dans la clinique où j’exerce. Dans les lieux où je travaille, vous ne verrez personne fumer dans un amphithéâtre dans lequel je donne un cours. Il appartiendra à chaque Sénégalais de prendre ses responsabilités et ce jour-là, on règlera tous les problèmes dans la lutte contre le tabac et le cancer.
A travers ‘’Prévenir’’, vous menez une lutte contre le cancer, est-ce que vous pouvez nous faire un petit focus sur cette maladie ?
Pendant plus de 30 ans, depuis 1984, j’ai passé mon temps à dire attention : le cancer et les maladies non transmissibles sont un grave problème de santé publique. Si on n’y prend garde, cela va compromettre le développement du Sénégal et ça atteindra des proportions telles que les budgets de nos petits Etats ne pourront pas y faire face. Vous savez, je n’aime pas l’oiseau de mauvais augure, mais vous avez vu ce qui s’est passé ces derniers temps. Au bout de 34 ans, le cancer est devenu pratiquement l’une des premières causes de décès chez les sujets de plus de 40 ans. Mais c’est un problème de développement. Vous formez un homme jusqu’à l’âge de 40 ans, le cancer vient et l’emporte. Sur le plan économie-sanitaire, il n’y a pas de problème ; je parle d’économie. Car 30% de ces cancers sont liés au tabagisme.
Aujourd’hui, il y a 600 000 Sénégalais qui fument et est-ce que vous savez ce qu’en dit la médecine ? La moitié des fumeurs vont mourir de leur tabagisme. L’industrie du tabac l’écrit. Et vous croyez qu’on va s’asseoir et attendre que ces gens soient tués par ce tabagisme ? Si on était méchants, on aurait pu attendre en tant que cancérologue qu’il y ait plus de cancers et que les malades augmentent afin qu’on soit rémunéré à la hauteur de nos efforts ; mais on refuse. Nous avons attiré l’attention du Sénégal sur le dépistage, sur la vaccination contre le papillomavirus, sur le rôle que joue l’alimentation et sur les traitements par radiothérapie. Sur tous ces points, l’histoire nous a donné malheureusement raison. Vous le savez tous, vous êtes dans la presse. Tous les jours, vous voyez un nombre important de demandes d’aide pour la lutte contre le cancer ou le traitement de cancer. Tous les jours, vous le savez, vous recevez énormément de post et d’informations disant que telle et telle autre substance augmenterait les risques de la maladie. Je crois que les Sénégalais, en commençant par la gouvernance sanitaire, doivent comprendre que ce travail n’est pas celui de la société civile.
Qui doit donc mener ce combat ?
C’est au ministère de la Santé publique de faire cela. Nous, société civile, ne devons qu’alerter. On l’a fait avec la radiothérapie et personne ne nous a entendus. Et quand cela a explosé, vous avez vu les dommages. Pendant 14 mois, le Sénégal a envoyé des malades se faire traiter au Maroc. C’est scandaleux. Il y a bien d’autres dispositions pour lesquelles nous nous battons. Tout le monde sait qu’en Australie, on a vacciné toute la population depuis la naissance et que le cancer du col est en train de disparaître. Plus personne ne meurt du cancer du col de l’utérus en Australie. Il y a 26 ans, j’ai dit que c’est possible au Sénégal. Personne ne l’a fait, le gouvernement de Macky Sall est arrivé et a décidé de le faire.
Qu’en est-il du déroulement du Programme de vaccination contre le cancer du col de l’utérus ?
Bill et Melinda Gate sont venus à Dakar et ont offert un programme d’accès aux vaccins. Il y a tellement de chantiers. Regardez ce qui se passe avec les bouillons cube. Aujourd’hui, les gens en parlent dans les réseaux sociaux. C’est le même problème avec l’alcool ; il y a des industriels qui sont installés depuis quelques années et qui vendent des petites dosettes dans des sachets plastiques. Cela fait plus de 20 ans que nous le dénonçons. Qu’est ce qui est fait ? Il y a tellement de combats à mener. Allons sur le terrain et continuons à lutter mais il ne faut pas que les politiques s’appuient sur la société civile. Ce n’est pas aux associations de faire le dépistage, la sensibilisation. Il doit y avoir un Programme national de lutte contre le cancer, financé, suivi, évalué, centralisé au niveau du ministère de la Santé. Voilà des questions sur lesquelles les Sénégalais devraient agir. Vous savez, la première fois que j’ai parlé du cancer, on a demandé à mon chef de service de me clouer le bec, sous le gouvernement d’Abdou Diouf.
Mais aujourd’hui, il y a une volonté politique clairement exprimé qui veut qu’on lutte contre cette maladie. Il est important que tout le monde se tienne la main pour mieux lutter. Parce qu’il y a des efforts extraordinaires qui sont faits. A Le Dantec, il y avait un appareil de Cobalt, le président de la République a mis un accélérateur linéaire. C’est la première fois qu’un appareil de ce type est installé au Sénégal. Dans le même temps, ils ont installé deux accélérateurs à Dalal Jamm. C’est la première fois qu’un pays d’Afrique subsaharien a trois accélérateurs dans le public.
Le gouvernement va plus loin, il a décidé de me soutenir avec des partenaires français pour construire un centre de haute technicité. Nous aurons un modèle d’accélérateur qui n’existe nulle part en Afrique. Vous croyez que ce ne sont pas des avancées significatives qui méritent qu’on s’y attarde plus qu’autre chose. Le Mefp a été en Corée et il a sollicité 47 milliards F CFA pour la construction d’un centre anticancéreux. Il faut donc continuer à travailler sur ces questions de santé publique.
Il y a quelques années, Melinda est venue rendre visite au Sénégal. Au sortir de l’activité de plaidoyer que nous avons menée avec d’autres personnes, à travers le Gavi, il a été offert au Sénégal 15 000 doses vaccinales pour un programme d’accès. C’est-à-dire que cela leur permettra de savoir si le Sénégal a la capacité de donner la vaccination à tout le monde. Il a été choisi deux districts : Le District sud et Ngaye Mékhé. L’objectif était de vacciner 50% des filles de Cm² et de 6ème. Si on arrivait à le faire, Bill et Melinda Gate allaient vendre le vaccin à 5 dollars (environ 2 500 F CFA) la dose pour un vaccin qui coûtait 121 000 F CFA. Je crois que le nouveau Ministre de la Santé s’est saisi du problème et une réponse va être servie à qui de droit.
VIVIANE DIATTA (ENQUETE) YANDE DIOP (LIBERATION)