Un ''acte de guerre'', selon les autorités
Le pillage clandestin des ressources forestières du nord de la région par des Gambiens, n'est pas du goût des autorités sénégalaises. La saisie de deux camions remplis de bois à hauteur de la frontière entre les deux pays est considérée comme ''un acte de guerre'' devant lequel il faut apporter une réponse à la hauteur de l'affront.
''À la date du 12 juillet 2012, nous avons été saisis par les autorités administratives de Bogal au sujet d’un trafic de bois de vaine. Le gouverneur et le préfet, informés, ont instruit la Gendarmerie, l’Armée et le service des Eaux et forêts de faire une descente sur le terrain. Sur place, nous avons trouvé deux camions, l’un immatriculé gambien et l’autre sénégalais. Le cumul du chargement des deux camions faisait état de cent cinquante (150) billes de vaines. Nous avons automatiquement saisi les clés et les pièces des deux véhicules. Malheureusement, les gambiens avaient déjà fui. Mais nous avons pu mettre la main sur un Sénégalais qui est actuellement sous les verrous. Quand aux véhicules gambiens, nous les avons immobilisés au niveau du secteur forestier de Bounkiling''.
Ces propos sont du commandant Ousmane Fall du service régional des Eaux et forêts de Sédhiou qui a dirigé l’opération. ''Elle a été préparée, grâce à la collaboration des populations du village de Diallocounda qui ont signalé, aux forces de l’ordre, la présence des exploitants Gambiens sur la frontière''. Une situation qui confirme, selon le commandant, ''l’intensité du trafic dans la zone, à cause de la coupe abusive et du commerce de bois du Sénégal vers la Gambie''.
Une riposte à la hauteur du désastre
Daniel André, directeur des Eaux et forêts, chargé de la conservation des sols, a qualifié le geste ''d’acte de guerre''. Pour M. André ''des mesures urgentes vont êtres prises pour démanteler au plus vite ces réseaux clandestins et bien structurés qui pillent les ressources forestières du Sénégal, particulièrement dans le nord de la région de Sédhiou''. Concernant les obstacles rencontrés dans la lutte contre le trafic du bois au nord de la région, Daniel André pointe du doigt ''le déficit de personnel et l’absence de moyens logistiques''. Ce qui ''explique le recours à la gendarmerie et à l’armée, dans le combat contre ce trafic''.
Du bois contre des motos
Une révélation de taille a été faite par le ministre de l’Écologie, en visite de travail dans la région de Sédhiou. Ali Aïdar a révélé la présence de Chinois et d’indiens en Gambie qui échangent le bois contre des motos. ''Le deal est structuré de la sorte: à chaque fois que les jeunes des villages leur apportent trente billes de vaines, il leur donne une moto à vitesse'', renseigne le ministre qui ajoute que ''toutes ces motos reviennent au Sénégal, sans papiers''. L’écologiste en a profité pour interpeller les services des douanes, afin que ce pillage cesse. ''Nous allons sévir. Nous ne pouvons pas laisser piller les ressources, étant conscients que la forêt est une ressource essentielle pour notre écologie'', a laissé entendre le ministre, convaincu que ''ce pillage installe le désert et la pauvreté dans notre pays''. Ainsi, aucune concession ne sera faite aux coupables. ''Que ce soit les agents des Eaux et forêts, les Gambiens, les populations, nous allons arrêter le trafic d’où qu’il vienne. Force devra rester à la loi'', selon Ali Haïdar.
La responsabilité du MFDC engagée
Le ministre Ali Aïdar est d’avis que ''l’insécurité'' est un sérieux obstacle, dans la lutte contre le pillage des ressources forestières. Mieux l’écologiste soutient ''que le MFDC est fortement impliqué dans ce trafic de bois''. À ce propos, il a rappelé la saisie, il y a quelques années, de seize camions de bois dont huit appartenant au MFDC, avant de laisser entendre qu'il a pris langue avec l’aile politique du MFD. Afin de lui signifier ''son devoir de prendre ses responsabilités, parce que certains secteurs de la forêt sont sous son contrôle''.
''Une connivence entre élus locaux et braconniers''
L'autre écueil de taille reste la délivrance ''anarchique'' des permis de coupe de bois. Selon des enquêtes menées par les services des Eaux et forêts et confirmées par le commandant Ousmane Fall, ''beaucoup de présidents de conseils ruraux et de maires se permettent de délivrer des permis de coupe de bois, de façon anarchique et désordonnée, en contrepartie d’une récompense financière dérisoire''. C’est là, dit-il: ''Un élément qui complique la lutte contre la coupe abusive, car relevant de la connivence entre élus locaux et braconniers''. Sur ce point le ministre Ali Aïdar s'est voulu formel: ''Quand un PCR ou un maire octroie un permis de coupe, c’est à ses risques et périls, car il n’en a pas le droit. Cela relève de la compétence du service des Eaux et forêts''. Le ministre promet de ''sévir pour arrêter cette complicité entre certains élus locaux et des braconniers Gambiens''.
LAMINE BA