Rama Diop et ses mauvais airs
Ayant souffert le showcase de Ramatoulaye alias ''Rama'' Diop à la Maison de la culture Douta Seck, avant-hier, c’est un pronostic mitigé qui vient à l’esprit quant au succès possible de son nouvel album ''Yaye Boyo, Femmes''.
Flanquées de ses ''Senghorettes'', Rama Diop s’est faite arroser de billets de banques, bijoux en or et même d’un ticket d’avion pour la Turquie à l’occasion du showcase qu’elle donnait mercredi au Café des Arts de la maison de la culture Douta Seck. Bien que l’événement fut sympathique et, à première vue, une réussite, il faut admettre quelques réserves quant à la viabilité professionnelle de la jolie (quoiqu’empâtée) chanteuse.
Si l’on part de l’hypothèse que pour être ''bankable'', un artiste doit avoir non seulement du métier mais également la capacité de toucher un public, disons, plus large que son entourage immédiat, Rama Diop ferait mieux de changer de vocation. En effet, c’est une certaine déontologie professionnelle qui a cruellement manqué à la prestation d’avant-hier. Fait qui aurait, le public étant un tant soit peu tatillon sur les formes, complètement ruiné ce que l’on a cru comprendre être la 1ère vraie scène de l’intéressée. Elle a commis une succession de crimes contre l’art que l’on ne peut passer sous silence.
Les plus graves sont, en premier lieu, son lipdubbing (ou playback) complètement désynchronisé… au point qu’elle chantait en harmonie avec elle-même et agrémentait de ''Waaw waw'' ses propres vocalises. Et ensuite le pompage éhonté de l’œuvre de Senghor dont les textes ont été presque intégralement repris dans certains des titres de l’artiste. Si l’on ajoute le fait que celle qu’on appellera affectueusement Rama quittait la scène et arrêtait de ''chanter'' quand bon lui semble. Ou alors elle se mettait subitement à gratifier l'assistance de pas de danses si saccadés et dépourvus de grâce.
Les belles paroles, aussi ''Senghoriennes'' ou gratifiantes pour leurs destinataires soit-elles, ne peuvent pas masquer la cruelle stagnation dans les sentiers battus constatée hier chez l’artiste. De même que deux à trois boutades ne peuvent déguiser un évident manque d’exercices physiques (à quoi sert de danser, si c’est pour s'essouffler dans la minute qui suit). Il faut préciser en outre qu’être ''chanteuse'' veut dire ''chanter'', et non réciter une litanie alors que son soi-disant chef de cœur fait tout le travail vocal. Enfin, arroser de louanges ses parents, s’il sont relativement anonymes, n’intéresse pas le Sénégalais lambda, si ce n’est les parents en question.
Bref, loin de lui jeter la pierre, on souhaite une longue carrière à Ramatoulaye Diop qui a encore besoin de beaucoup d’efforts (et de prières de la part des ''Yaye Boyo'' chères à son coeur) pour pouvoir prétendre au statut de professionnelle. Mais la pluie de cadeaux qui l'a arrosée suffira peut-être à ce qu’elle rentre, après tout, dans ses fonds.
Sophiane Bengeloun