Publié le 23 Apr 2019 - 17:46
OUVERTURE DU PROCES DE ‘’THIANTACOUNES’’ AUJOURD’HUI

Cheikh Béthio jugé par contumace ?

 

Le procès du double meurtre de Médinatoul Salam, impliquant Cheikh Béthio Thioune et 16 de ses disciples, s’ouvre aujourd’hui. A moins d’un renvoi, le guide des ‘’thiantacounes’’ risque d’être jugé par contumace, puisque Cheikh Béthio est en dehors du pays pour raisons médicales. Retour sur un dossier dans les arcanes de la justice depuis le 23 avril 2012.

 

Ils sont dans les liens de la détention, depuis le 23 avril 2012. C’est aujourd’hui, 23 avril 2018, sept ans, jour pour jour, qu’ils doivent être jugés par la Chambre criminelle du tribunal de grande instance (Tgi) de Mbour. Ces accusés sont Cheikh Béthio Thioune et 16 de ses disciples poursuivis dans l’affaire du double meurtre des ‘’thiantacounes’’ Bara Sow et Babacar Diagne. Ils doivent être jugés pour les chefs d’accusation de meurtre avec usage d’actes de barbarie, de complicité dudit homicide aggravé, recel de cadavres, inhumation sans autorisation administrative, non dénonciation de crime, détention d’arme sans autorisation administrative, recel de malfaiteurs et association de malfaiteurs.

A moins d’un renvoi, ces ‘’thiantacounes’’ seront jugés sans leur guide et co-accusé. En fait, cité dans cette affaire, Cheikh Béthio Thioune ne va pas comparaître, d’après un de ses avocats. Selon ce dernier, leur client est en France pour des raisons médicales. ‘’Tout le monde sait que Cheikh Béthio est malade, gravement même. Ce n’est pas imaginaire, car c’est une maladie qu’il traine depuis des années et il est parti se soigner, avant même que le dossier ne soit enrôlé’’, confie la robe noire jointe hier par ‘’EnQuête’’. Quid des conséquences de son absence ? Notre interlocuteur écarte le renvoi, en soulignant que le dossier est en état d’être jugé. Par conséquent, le guide des ‘’thiantacounes’’ risque d’être jugé par contumace.

Toujours est-il qu’un renvoi ne sera pas digéré par ses co-accusés qui n’ont pas cessé de réclamer la tenue de leur procès, surtout qu’ils ont tout fait pour bénéficier d’une liberté provisoire. Contrairement à ses disciples, Cheikh Béthio n’a passé que 10 mois en prison, avant de bénéficier d’une liberté provisoire, pour des raisons médicales. En fait, écroué à la prison de Thiès, le guide sera transféré, le 15 octobre 2012, à la Maison d’arrêt et de correction de Rebeuss. Il sera ensuite interné au Pavillon spécial de l'hôpital Aristide Le Dantec, le 27 novembre de la même année.

Après avoir rejeté ses multiples demandes de liberté provisoire - au moins cinq - le juge d’instruction a finalement consenti à lui délivrer une ordonnance d’autorisation de sortie du territoire allant du 6 février au 7 mars 2013. Car le rapport du cardiologue avait conclu que ‘’l’état de santé du cheikh est extrêmement grave et nécessite un traitement. Or, le plateau médical n’existe qu’à l’étranger’’.  Seulement, depuis son retour de la France, l’inculpé n’est pas retourné en prison.

Les grèves de la faim et tentatives de suicide pour être jugés

Finalement, l’attente est devenue insupportable pour ses disciples et co-accusés restés en prison. Ayant le sentiment que la procédure était mise en veilleuse. Très en colères, ces ‘’thiantacounes’’ ont multiplié les grèves de la faim et les tentatives de suicide. Un suicide collectif a même été annoncé. De leur côté, les organisations de défense des Droits de l’homme ont multiplié les sorties pour dénoncer la lenteur, tout en appelant à la tenue du procès. L’ex-ministre de la Justice, Me Sidiki Kaba, avait réagi pour annoncer la tenue du procès.  ‘’Des Vip qui obtiennent des Lp qui deviennent définitives, rassurez-vous, les procès sont en cours. Nous avons été mobilisés par des procès qui nous ont pris trois ans (Karim Wade, Hissein Habré). Mais l’année à venir (2017), tous ces cas, que ça soit des guides religieux ou toutes ces personnes énumérées, seront jugés’’, disait Me Sikidi Kaba en septembre 2016.

L’Union des magistrats sénégalais (Ums) n’a pas été en reste. ‘’Je ne sais pas pourquoi l’affaire n’a pas été jugée. Tout ce que je peux dire, c’est que les procédures judiciaires doivent être traitées avec sévérité et impartialité’’, soutenait son président Souleymane Téliko, en novembre 2018. Face à la lenteur de la procédure, le directeur exécutif d’Amnesty Sénégal avait même menacé de saisir les juridictions internationales comme la Haute cour de justice de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Selon Seydi Gassama, c’est la seule solution au ‘’déni de justice’’ dans cette affaire.

Une affaire partie de la mort de Bara Sow et Babacar Diagne, tués dans la résidence de Cheikh Béthio de Médinatou Salam. Les deux victimes ont été par la suite enterrées en catimini. C’est pourquoi Cheikh Béthio Thioune et ses disciples ont été placés sous mandat de dépôt pour les chefs d’accusation de complicité d’homicide, détention d’arme sans autorisation, association de malfaiteurs, recel de cadavres et d’inhumation de cadavres sans autorisation. 

FATOU SY  

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