Fabius se meut dans la «présidence normale» et flingue Sarkozy
En se rendant hier au Quartier général de Y'en a marre, dans la populeuse zone des Parcelles assainies, Laurent Fabius, ministre français des Affaires Étrangères, a dénoncé les longues procédures d'octroi de visa, et les sommes considérables qui sont exigées des demandeurs, non sans traiter d'imbéciles certaines des mesures du pouvoir de Sarkozy contre les immigrés.
«Votre visite au quartier général de Y’en a marre sort de l’ordre classique des choses», a dit d'emblée le MC Fou Malade à l’endroit du chef de la diplomatie française en visite au Sénégal depuis hier. A juste titre car nous étions loin d'un grand hôtel et de ses salons climatisés. C'est sur la terrasse aménagée de leur Quartier général que les Y'en a marristes ont reçu Laurent Fabius. Loin du dépaysement, il avait l'air plutôt enchanté.
Et pour cause, a-t-il dit avec malice, «çà fait partie de la présidence normale. La population est ici. Les jeunes sont ici», dans ce très populeux quartier des Parcelles Assainies où les superlatifs négatifs accablent tous les indicateurs liés aux critères de développement humain. Simon et Fadel Barro, le coordonnateur national, lui ont fait la genèse du mouvement, chacun à sa manière. Le premier en usant d'un slam, le second en recourant à un texte... diplomatique.
«La politique migratoire ne doit pas être vexatoire»
Interpellé sur les péripéties d’octroi de visas et du vécu des étudiants sénégalais au pays de Marianne, le ministre français des Affaires étrangères pense qu’il est légitime que chaque pays ait sa politique migratoire. Toutefois, « cette politique migratoire doit respecter les droits de chacun. Elle ne doit pas être vexatoire », a-t-il estimé. « Lorsque des visas sont demandés, il ne faut pas que les gens attendent, fassent la queue et paient des sommes considérables», a-t-il ajouté dans la même lancée.
Pour les étudiants, il a fait savoir «qu’il y avait une circulaire qui s’appelait la circulaire Guéant qui disait ceci : vous pouvez venir mais vous ne pouvez pas travailler en France. Ce qui était non seulement complètement injuste mais aussi imbécile à mon avis», a-t-il tonné. Non sans préciser : «c’est une vision complètement archaïque, anachronique, dépassée. Nous avons annulé cela».
«Y’en a marre n’a pas d’équivalents»
C'est ainsi que la «mission avant-gardiste» a été rappelée. Elle consiste à sortir les Sénégalais de leur état fataliste afin qu’ils réagissent face à leur sort. «Ce que vous faites peut être un exemple, chacun doit faire quelque chose pour son pays», estime alors M. Fabius. Pour Fadel Barro, Y’en a marre pourrait être à l’image des « indignés », ces groupes mobilisés à Madrid, Paris ou Washington contre les politiques néo-libérales.
«Vous n’avez pas d’équivalents, lui a rétorqué le chef de la diplomatie française. Les indignés étaient très forts au moment où ils étaient dans l’opposition.» Après la chute du pouvoir en Espagne ou en France), rappelle Fabius, les « indignés » ne savaient plus quelle direction prendre et ont perdu de leur aura. «Vous, vous avez retrouvé en vous-même la symbiose. Il faut toujours qu’il y ait un vigilant.»
Quoi qu'il en soit, Y’en a marre peut compter sur le soutien de la France. « Tout à l’heure quand vous chantiez l’hymne sénégalais que je ne connaissais pas, j’ai entendu épaule contre épaule, ce qui est au cœur de votre mouvement. Vous pouvez avoir les épaules des Sénégalais mais aussi des épaules comme les nôtres qui viennent vous aider», a assuré Laurent Fabius.
BIGUÉ BOB