Ousmane Sonko persiste et signe
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Après le rapport de la Commission d’enquête parlementaire (Cep) sur l’affaire des 94 milliards du Tf 1451/R, le député de l’opposition et leader de Pastef-les-patriotes, Ousmane Sonko, a confirmé ses accusations envers Mamour Diallo et brocardé les travaux de ses collègues députés. Il a produit un mémorandum dans lequel il maintient sa ligne de défense.
Ousmane Sonko noircit de nouveau le tableau d’un Mamour Diallo que la Commission d’enquête parlementaire (Cep) avait blanchi vendredi 11 octobre 2019. Les critiques de la majorité parlementaire étaient vives quant à l’absence de Sonko à la présentation du rapport de la Cep sur l’affaire des 94 milliards du titre foncier 1451/R. La réponse du leader de Pastef-les-patriotes n’a pas tardé ce samedi, véhémente, comme c’est d’usage, quand Sonko interagit avec la représentation nationale.
Dans un mémorandum de 10 pages publié ce samedi intitulé ‘‘Entre aveux, omissions volontaires et manipulations, ou la tentation du tout politicien’’, le député opposant a d’emblée nié à ses collègues de l’Hémicycle toute volonté ou compétence de tirer cette affaire au clair. ‘‘Notre conviction reste que la vérité, dans cette affaire, n’éclatera que dans le cadre d’un procès public, juste et équitable où le droit sera dit dans toute sa rigueur, par un juge n’obéissant qu’à la loi’’, a-t-il déclaré. Ousmane Sonko a également réitéré les accusations qu’il n’a cessé de formulé contre le ci-devant directeur des Domaines, Mamour Diallo, et a écarté toute autre possibilité sur son implication. ‘‘Le principal responsable de cette forfaiture sur les deniers publics, n’est autre que Mamadou Mamour Diallo et non Meïssa Ndiaye qu’on veut sacrifier. Ah j’oubliais, le premier est un membre éminent de l’Apr, pilier de Macky Sall à Louga, et le second ne fait pas de politique’’, persiste Ousmane Sonko qui a lancé l’accusation initiale contre cet ancien directeur des Domaines avant la campagne présidentielle de 2019.
Au centre de cette polémique de 94 milliards de F Cfa, le rachat d’une créance foncière, à 2 milliards 500 millions de francs, et cédée à l’État à un prix ayant exponentiellement crevé le plafond : 94 milliards 783 millions 159 mille F Cfa. Une procédure que contestent les héritiers propriétaires du titre foncier n°1451/R sis à Rufisque (famille Ndoye et consorts) qui ont annoncé une action en justice contre Tahirou Sarr, le patron de la Société financière d’Intermédiaire et de commerce (Sofico), détenteur légal de ladite créance ayant fait l’objet de la revente à l’Etat.
Comme le fait remarquer la Cep dans les explications liminaires de son rapport, de février 1959, date d’immatriculation du Tf au nom des héritiers, au 22 août 2017, date de la signature des deux actes d’acquiescement partiel par Mamour Diallo, Directeur des Domaines, ce Tf a fait l’objet de plusieurs cessions par les héritiers et d’expropriation pour cause d’utilité publique par l’Etat du Sénégal au profit de la Sn-Hlm. Plusieurs péripéties administratives et judiciaires ont ponctué ce dossier, de la date du premier décret d’expropriation pour cause d’utilité publique n°97-1119/MEFP/DGID/DEDT du 12 novembre 1997, modifié et complété par celui de 2000-874 MEF/DGID/DEDT du 31 octobre 2000, à la date du 11 janvier 2018, celle de l’arrêt n°4 de la Cour d’appel de Dakar infirmant l’homologation du procès-verbal de conciliation.
Mais, pour Sonko, c’est une ‘‘fausse expropriation’’. Ce qui a d’ailleurs été l’argument massue que le leader de Pastef a utilisé pour mettre la Cep devant ses propres contradictions. ‘‘Pour qu’il y ait indemnisation, il faut au préalable une décision d’expropriation frappant le propriétaire du titre foncier. Or, en l’espèce, le rapport reconnaît (Cf. page 6 et 7 du rapport de la Cep) que ni la famille Ndiaga Ndoye et consorts ni le Sieur Tahirou Sarr, à travers ses sociétés Sofico SA et Cfu Sarl, n’ont jamais été impactés par une telle mesure qui ne peut être prise que par décret présidentiel’’, fait-il remarquer. Partant, Ousmane Sonko estime que de cette fausse expropriation découle ‘‘une fausse créance d’Etat à l’endroit des héritiers Ndiaga Ndoye’’.
En outre M. Sonko s’offusque d’un ‘‘faux sur la superficie retenue pour l’indemnisation’’, et ‘‘l’exagération du prix du mètre carré retenu pour l’indemnisation’’ qui ont conduit à ce montant faramineux lors du rachat de la créance par l’Etat du Sénégal.
Cadence accélérée pour la décadence de Sonko ?
Mercredi dernier, trois plaintes se sont amoncelées sur la table du procureur portant toutes sur la même affaire : une qui vise Ousmane Sonko pour diffamation à l’initiative de M. Diallo, une autre qui vise Mamour Diallo déposée par un collectif citoyen avec Guy Marius Sagna à sa tête, et une dernière de la famille Ndoye, héritière du Tf 1451, contre Tahirou Sarr, patron de la Sofico, qui avait racheté la créance pour la revendre à l’État du Sénégal.
Au-delà de ce mémorandum produit, c’est le prolongement d’une bataille de communication que le député ne souhaite pas laisser (ce qu’il n’a jamais fait d’ailleurs) au camp de la majorité plutôt habitué à subir les contrecoups de ses sorties. Les partisans de Mamour Diallo, et de l’Apr - ou Bby - par extension, ont toujours cru appuyer sur le talon d’Achille qu’est la présentation publique des preuves de malversations financières que Sonko dit détenir contre Mamour Diallo.
Un appel auquel le leader de Pastef n’a jamais cru bon donner une suite favorable, préférant saisir les organes de contrôle ou les juridictions tels l’Ofnac, l’Ige, le parquet, le doyen des juges. Jusqu’au mercredi 16 octobre 2019, Ousmane Sonko a été le premier et l’unique personne de cet imbroglio à tenter des saisines en justice. Le 10 avril 2018, par l’intermédiaire de son parti Pastef, il a adressé un courrier à Serigne Bassirou Guèye, Procureur de la République, au motif d’une ‘‘plainte pour détournement présumé de deniers publics’’. Une plainte reçue le vendredi 4 mai 2018 par le bureau courrier du procureur. Le 8 mai 2018, le même courrier est adressé au vérificateur général de l’Inspection générale d’Etat (Ige) avec comme objet, cette fois-ci : ‘‘Lettre de dénonciation.’’
Aucune suite notable n’est donnée à ces plaintes. Sans compter le mutisme de l’Ofnac. ‘‘Dans un Etat normal, le procureur non politicien se serait saisi aussi ‘fast-track’ qu’il l’avait fait dans l’affaire Khalifa Sall. Dans un Etat normal, la Commission d’enquête parlementaire aurait respecté scrupuleusement les dispositions légales qui régissent son fonctionnement et le comportement de ses membres qui, pour la circonstance, ont été sans tenue, ni retenue’’, a déploré Ousmane Sonko dans son mémorandum.
L’affaire, qui a officiellement commencé avec les accusations de Sonko à sa conférence de presse du 16 octobre 2018, a connu une accalmie, à cause de la Présidentielle 2019 dont la réélection de Macky Sall a signifié le remplacement de Mamour Diallo à la tête des Domaines. C’est la Cep, mise sur pied en février 2019, qui a cru bon de relancer la machine, malgré la saisine du parquet, annihilant en principe l’enquête parlementaire. Le 11 octobre dernier, la Cep établissait la première de ses conclusions, après trois mois de travaux et 31 personnes auditionnées : ‘‘Absence de détournement de deniers publics et inexistence d’un quelconque comportement répréhensible de Monsieur Mamadou Mamour Diallo.’’
Une conclusion à laquelle s’est vivement opposé Ousmane Sonko qui estime que c’est l’acte d’acquiescement qui est ‘‘l’acte fondateur de la créance, et donc de l’escroquerie’’. Un acte qui est, d’après lui, ‘‘sous la responsabilité personnelle du directeur des Domaines (Mamour Diallo en l’occurrence)’’. Le député s’est offusqué que ses confrères aient tenté de trouver une victime expiatoire à la place de la personne qu’il accuse depuis plus d’un an. Meissa Ndiaye, Chef du bureau des Domaines de Ngor Almadies, serait comptable de ces décaissements, d’après les conclusions de la Cep, puisqu’il ‘‘est le seul gérant du compte dédié aux expropriations et l’unique signataire des chèques’’.
Ousmane Sonko a tout nié en bloc et a invoqué, à cet effet, l’article 3 du décret que 77-563 du 3 juillet 1977 pour arriver à la conclusion que ‘‘Meissa Ndiaye représentait le directeur des Domaines, qui est son supérieur hiérarchique direct dont il reçoit des ordres’’ à la commission de conciliation. Des accusations et contre-accusations qui enflent de jour en jour.
Jusque-là fortement médiatique et médiatisé, cet embrouillamini est en passe de connaitre des développements politiques qui pourraient se terminer par une énième judiciarisation qui vise un jeune loup politique aux dents un peu trop longues. Et briser un envol prometteur. A l’instar de la caisse d’avance de la ville de Dakar.
OUSMANE LAYE DIOP