Publié le 14 Jan 2021 - 04:27
EMPLOIS FICTIFS, INDEMNISATIONS, TROU FINANCIER...

La réplique de Moussa Diop

 

Hier, c’était au tour de Maître Moussa Diop, ex-Directeur général de Dakar Dem Dikk, d’opérer son ‘’grand déballage’’. Muni d’une panoplie de documents, il a répondu aux accusations de son successeur qui, pour lui, n’est qu’un envoyé de la mouvance présidentiel.

 

Les emplois fictifs décelés à Dakar Dem Dikk par le nouveau directeur n’existent finalement pas, si l’on se réfère aux révélations de son prédécesseur. Face à la presse hier à son domicile, Maître Moussa Diop a indiqué que l’audit du nouveau DG n’a pas tenu compte des travailleurs en situation d’indisponibilité, ni de ceux en congé ou encore en arrêt maladie. Des groupes de personnes qui n’ont donc pas pu se présenter à la direction pour une identification complète. Il en veut pour exemple Alioune Badara Konaté, fervent syndicaliste de la structure depuis 20 ans, considéré comme fictif dans le rapport d’audit. C’est également le cas pour l’un de ses bras droit, Atou Dieng.

Selon l’avocat, le directeur de Dakar Dem Dikk devrait revoir ses cours de droit : ‘’Comment expliquer que l’argent du chef de la Division des patrimoines est considéré comme fictif ? Il ose dire qu’il compte payer celui qui se présente, et tout ceci n’est que de la présomption. Or, un emploi fictif est une faute lourde, motif de licenciement. On ne dit pas en droit une présomption de culpabilité ça n’existe pas. Il n’y a que la présomption d’innocence.’’

Par ailleurs, le successeur de Me Diop a dénoncé des pertes cumulées de 30,6 milliards de francs CFA. Omar Bounkhatab Sylla n’aurait pas eu l’honnêteté, selon Moussa Diop, de divulguer ces pertes année par année. Preuve à l’appui, il précise que, depuis sa création en 2000, Dakar Dem Dikk ne fait pas de bénéfices, mais n’a que des pertes. Une situation financière qu’elle doit à son statut de société de transport public. ‘’Ce genre de société, partout dans le monde, affirme-t-il, est par nature déficitaire. Pourtant, en six ans, tous les salaires ont été payés. Les preuves sont là. Je suis venu trouver des pertes allant de quatre à cinq milliards. Donc, en six ans, c’est normal qu’il y ait un déficit de 30 milliards ; il n’y a rien d’extraordinaire. Ce déficit a toujours existé, raison pour laquelle la compensation de l’Etat arrive avec 4,7 milliards F CFA’’.

Pour les années 2017, 2018 et 2019, l’Etat devait un total de 7 381 000 000 F CFA qu’il n’a pas versé jusqu’au limogeage de Moussa Diop. Tout porte à croire, selon lui, que ce blocage de fonds, malgré ses multiples interpellations, n’était qu’un complot, une manière de resserrer l’étau, puisqu’il avait solennellement déclaré être contre le troisième mandat. L’argent sera finalement versé dès l’arrivée d’Omar Sylla. La pandémie aurait également fait perdre de l’argent à la société de transport, par la réduction de ses activités (arrêt Sénégal Dem Dikk, fermeture de l’aéroport, réduction du nombre de passagers). Les recettes seraient passées de 20 millions à trois millions par jour.

A la guerre comme à la guerre, Moussa Diop informe les Sénégalais qu’‘’aujourd’hui, c’est la bamboula à Dakar Dem Dikk’’. Omar Sylla aurait embauché neuf conseillers techniques au lieu de deux, bénéficiant chacun de 150 litres carburant. Tous membres, selon lui, du Mouvement des valeurs.

L’équation des indemnités

L’ex-directeur général persiste. Ses indemnités conventionnelles s’élevant à 24 mois de salaire ne lui sont plus versées. Source, estime-t-il, du bras de fer entre lui et son successeur. En effet, Omar Bounkhatab se serait engagé à payer les 120 millions de francs CFA en quatre mois. En novembre, la première tranche de 30 millions a été versée, mais en début décembre, silence radio. ‘’J’ai écrit au nouveau directeur pour savoir ce qu’il en est. Il m’a répondu par note vocale, en me disant qu’il va réfléchir. Nous sommes le 9 décembre, le message est là. Pendant ce temps, il dit à ceux que j’ai envoyés vers lui que c’est la haute autorité qui a demandé de bloquer mes indemnités. J’ai donc écrit sur ma page Facebook pour interroger le président Macky Sall. Je suis sûr que le palais l’a appelé, raison pour laquelle il a improvisé une conférence de presse pour se démentir lui-même. J’ose espérer que, réellement, ce n’est pas le président qui est derrière cela. Je n’ai rien volé à Dakar Dem Dikk. Au contraire, je me suis appauvri à Dakar Dem Dikk’’, explique l’avocat affichant sa déclaration de patrimoine lorsqu’il quittait la direction. 

Soupçons de fraude dans le marché du carburant

Le marché du carburant à hauteur de six milliards de francs CFA a connu des zones de turbulences qu’Omar Bounkhatab met sur le compte de la crise de confiance entre Dakar Dem Dikk et ses partenaires. Cependant, selon son prédécesseur, les passations de marchés se sont déroulées dans les règles de l’art. Il se félicite d’ailleurs d’avoir instauré la compétition sur le marché du carburant, comme le stipule le Code des marchés publics.

‘’En 2017, Total a gagné le marché face à Vivo. En 2020, j’ai réorganisé la compétition et c’est Vivo et Petrodis qui l’ont remporté. Je parle sous le contrôle de la Direction centrale des marchés publics. Les preuves sont là. Le 2 septembre, je suis limogé et Total introduit un recours au-delà du délai normal. Aussi, que fait EDK dans la société ? EDK n’a même pas déposé son dossier pour participer à la compétition. Mais aujourd’hui, l’entreprise livre du carburant à Dakar Dem Dikk. Par quel processus elle est passée ? Petrosen fait aussi partie. Je demande à Birahime Seck et à l’Ofnac (NDLR : Office national de lutte contre la fraude et la corruption) d’ouvrir une enquête sur cela. Il y a même des véhicules banalisés qui effectuent la livraison’’, déclare M. Diop, preuve à l’appui.

Le magistrat dénonce ‘’une grosse magouille’’ par entente directe. ‘’Je n’ai rien contre EDK, poursuit-il, mais on ne se frotte pas à moi. Je suis calme dans mon coin, mais si on dit des contrevérités sur ma personne, je réagis. Le président Macky Sall doit intervenir. Ce n’est pas parce que j’ai parlé du troisième mandat qu’on doit m’envoyer des mercenaires téméraires. Je tiendrai tête à toute personne qu’ils m’enverront, même s’ils sont cent’’. 

Des cessions de terrains transparentes

Revenant sur la vente des terrains de Dakar Dem Dikk, Me Moussa Diop affirme que l’argent encaissé, lors des différentes cessions, a atterri dans les caisses de la société. Elles ont eu lieu, selon lui, dans un cadre de transparence avec l’expertise nécessaire. Sur 74 000 m², l’ex-DG a vendu 7 000 m², majoritairement à des membres de l’Alliance pour la République, à 500 000 F CFA le mètre carré. Les notes de la Société générale attestant du versement ont été mises à la disposition de la presse. La dernière cession de 3 000 m² a été faite à l’ambassade de Chine pour, cette fois, 600 000 F CFA le mètre carré. Une augmentation de prix dans l’intérêt de Dakar Dem Dikk, à en croire Me Diop. Qui précise n’avoir emporté aucun véhicule de fonction.

C’est face au mutisme de ses camarades de l’APR, ajoute-t-il, lors des accusations du maire Barthélémy Dias, qu’il s’est senti trahi par la mouvance présidentiel. Ce dernier l’attaquait justement en raison de ces cessions de terrains. Aujourd’hui, l’homme ne regrette pas d’avoir tourné la page avec M. Dias.

Pour l’heure, l’un des restaurants, sujet de polémique entre les deux hommes, est aujourd’hui fermé. Moussa Diop a demandé à son épouse gérante du lieu de mettre fin à son investissement. Quant à sa seconde épouse licenciée, il regrette ‘’la petitesse et l’indécence’’ d’Omar B. Sylla. Cette dernière n’aurait pas repris le travail, suite à l’expiration de l’indisponibilité en octobre, pour cause de grossesse.

EMMANUELLA MARAME FAYE

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