Publié le 5 Jun 2021 - 10:37
REDECOUPAGE ADMINISTRATIF

Le Gouvernement déroule, Ngagne Diop tempère

 

Après la tension des premiers jours, le président de la République semble avoir réussi à dompter ses lieutenants qui n’avaient pas manqué de dénoncer un redécoupage au parfum de règlement de compte, dont les deux principales ‘’victimes’’ se trouvent être les adversaires les plus irréductibles du ministre en charge des Collectivités territoriales.

 

C’est un calme aux allures de paix des braves. Jusque-là très hostile au projet de redécoupage administratif dont sa commune (Bambilor) est le principal perdant, Ngagne Diop met aujourd’hui un peu d’eau dans son moulin. Interpellé sur la sortie, hier, du Gouvernement pour parler de cette problématique, il rétorque sagement : ‘’Moi, je suis un démembrement de l’Etat. Donc, je dois assumer tout ce que fait l’Etat. L’Etat, c’est moi ; donc, je dois considérer que c’est moi qui ai fait le découpage…’’.

Cette nouvelle attitude tranche d’avec les premières réactions qui dénonçaient avec une rare violence de supposées faiblesses du projet de réforme. A la question de savoir si le Gouvernement a finalement tenu compte de leurs griefs, il répond : ‘’Effectivement. Le Conseil municipal avait donné son avis. Mais, cet avis ne lie pas l’autorité. Maintenant qu’il y a une décision, on ne peut que se plier à la décision. Nous l’acceptons pour l’intérêt des populations, parce qu’elle résulte de la vision de notre candidat, de notre Président, qui est le dépositaire de la confiance du peuple. On ne peut que le soutenir dans sa démarche’’. A l’autre question de savoir s’il a eu des échanges avec le président de la République, Ngagne Diop ne dit ni oui ni non. Il se contente de donner rendez-vous bientôt pour de plus amples détails, sous réserve de prendre connaissance du contenu du décret.

Cette réaction ne va certainement pas déplaire à son voisin Oumar Gueye, maire de Sangalkam et non moins ministre en charge des Collectivités territoriales. Ce dernier, dans son face-à-face hier avec la presse, dans le cadre des conférences de presse du Gouvernement, n’a pas manqué de justifier les bienfaits du nouveau découpage. Il était avec son homologue Félix Antoine Diom, ministre de l’Intérieur. Pour les responsables du gouvernement, les nouvelles mesures prises par le chef de l’Etat obéissent à une logique de rapprocher l’administration des administrés, mais aussi de corriger certaines incohérences territoriales.

Pour le ministre de l’Intérieur, ce redécoupage était devenu une ‘’urgence’’. Il justifie : ‘’Il était devenu urgent, pour une prise en charge correcte de l’étendue du territoire de Keur Massar, de prendre cette décision salutaire. A n’en pas douter, cette décision va rapprocher l’administration des usagers. Aussi, cela a été une occasion pour corriger certaines incohérences. Avant, pour aller à Bambilor, il fallait traverser tout Sangalkam. Mieux, une partie du territoire de Bambilor était même plus proche de Rufisque. Il fallait donc revoir ces anomalies’’.

Incidences pour Bambilor

En tous les cas, les incidences pour la commune de Bambilor sont énormes. Suite à la réunion du Conseil municipal pour donner son avis, courant mai, le maire de Bambilor regrettait un grand préjudice. ‘’La commune de Bambilor, c’est 18 villages et 3 cités. On nous a pris six villages (Keur Ndiaye Lo, Keur Daouda Sarr, Kounoune, Kounoune Ngalap, Ndiakhiratt Peul et Ngendouf, six villages qu’on nous a pris, en plus de trois cités. Le Président ne mérite pas qu’on lui présente ce décret qui veut phagocyter une collectivité territoriale’’, dénonçait alors Ngagne Diop.

Mais le député maire de cette ancienne communauté rurale avait une préoccupation particulière pour les deux villages que sont Ngendouf et Ndiakhiratt Peul qui sont plus proches de sa commune et qui étaient annoncés à Sangalkam. ‘’On vous a dit que Bambilor fait désormais 14 villages. Ce n’est pas vrai. C’est juste 12 villages. C’est parce qu’ils n’ont même pas osé mettre Ngendouf et Ndiakhiratt à Sangalkam. La réalité est qu’ils veulent prendre ces deux villages, parce que les CDC (de nouveaux logements) se trouvent pour une bonne partie à Ngendouf. Aussi, il y a Ndiakhirat qui est à proximité du pôle. D’ailleurs, on vient de signer une convention de financement avec la DGPU pour le stade de Bambilor’’, dénonçait le rival historique du ministre Oumar Gueye.

Ngendouf et Ndiakhiratt Peul, finalement, laissés à Bambilor

Ce plaidoyer semble au moins avoir été entendu. Si l’on se fie aux déclarations du ministre Oumar Gueye, hier, Ngendouf et Ndiakhiratt Peul vont finalement être laissés à Bambilor. ‘’Sangalkam va ainsi polariser tous les villages, cités et quartiers situés en amont de l’autoroute à péage jusqu’à Noflaye ou Ndiakhiratt Ndiobène. (Keur Ndiaye Lo, Keur Daouda Sarr, Kounoune, Kounoune Ngalap), les cités : Mbaba Guissé, Air France, Nouvel horizon, Dabakh, entre autres, parce qu’il y en a beaucoup. Les villages de Ngendouf et Ndiakhirate peul, par contre, restent dans la commune de Bambilor’’.

En termes de viabilité, le nouveau découpage laisse Bambilor amputé d’une bonne partie de ses niches de recettes, particulièrement les industries dont Kounoune power qui lui assurait entre 300 et 500 millions FCFA. Toujours, dans sa première sortie, le maire fustigeait : ‘’Comment on peut faire un découpage, sans prendre en compte l’aspect économique. Il faut savoir que 70% du budget de Bambilor provient des villages qu’il veut rattacher à sa commune. Avec les 12 villages qui nous restent, nous avons une population de 35 000 habitants, alors qu’on nous a pris toutes nos ressources. Tous les villages qui abritaient les sociétés sont maintenant dans sa commune (la commune du ministre…  Je pense que cela ne milite pas en faveur de l’équité, de la viabilité des territoires… Je crois que le Président n’a pas bien regardé le document qu’on nous a donné’’.

Pour sa part, le maire de Jaxaay lui, avait parlé, dès le début de ‘’règlement de compte’’, à cause du rattachement de sa commune au nouveau département de Keur Massar et non plus à Rufisque, mais également de l’amputation de son territoire d’un des quartiers les plus importants. Nous avons essayé de le contacter, mais en vain.

IMPACTS SUR LES MILLIERS D’ELECTEURS CONCERNES

Le ministre de l’Intérieur fait jouer le suspense

Sur un autre registre, le nouveau découpage ne manque pas de poser pas mal de questions quant à la tenue des Locales prochaines. En effet, dans les circonscriptions qui ont été touchées, cela va impacter des milliers et des milliers d’électeurs qui seront obligés de se réinscrire sur les listes, à la prochaine révision des listes. Avec le nombre déjà très important de primo-votants, on se profile sans nul doute vers des révisions sous haute pression. D’autant plus que le temps imparti est limité.

Mais pour Antoine Diom, il ne faudrait pas s’en inquiéter. ‘’Concernant la révision de la carte électorale rendue obligatoire par les nouvelles mesures, je voudrais vous rassurer que nous avons une administration électorale qui a une expérience avérée en matières d’élections. Sur ce plan donc, il n’y a pas à s’inquiéter outre mesure. Toutes les garanties seront prises pour que les droits de toutes les populations puissent être respectés’’. Ce n’est pas tout.

Avec l’érection de Keur Massar en département, de deux choses l’une. Soit, il y aura une nouvelle répartition des députés par département, soit une augmentation du nombre de députés pour pourvoir le nouveau département. Interpellé sur cette question, le ministre de l’Intérieur a préféré garder le silence. Il précise, néanmoins : ‘’Le code électoral prévoit pour chaque étape un certain nombre d’actes qu’il faut prendre. Nous les prendrons, le moment venu’’.

MOR AMAR

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