Le sort de Barthélémy Dias entre les mains de Dame justice
Le flou juridique autour des conséquences d’une condamnation en appel de Barthélemy Dias, dans l’affaire Ndiaga Diouf, est au cœur de tous les scénarios en vue des Locales du 23 janvier 2022. Cette affaire judiciaire, quel que soit son dénouement, aura un impact significatif sur l’élection du prochain maire de Dakar, dans la mesure où elle risque de conduire à l’inéligibilité du principal candidat de l’opposition dans la capitale ou, au contraire, le renforcer, en vue du prochain scrutin local.
La tentative de démonstration de force du maire de Mermoz Sacré-Cœur marque-t-elle le début de la bataille pour la survie politique de Barthélemy Dias ? La question mérite d’être posée, au regard de la machine judiciaire qui s’est mise en branle, le 5 novembre dernier, quand la convocation de la 3e chambre correctionnelle de la Cour d’appel de Dakar a atterri dans les mains de Barthélemy Dias. Le candidat de YAW, qui a été convoqué pour l’audience en appel, dans l’affaire de la mort de Ndiaga Diouf en décembre 2011, s’est vu notifier un renvoi de son audience jusqu’au 1er décembre 2021.
Avant cette échéance fatidique, le candidat de l’opposition à la mairie de Dakar ambitionne toujours de faire pencher la balance de Dame justice de son côté et éviter ainsi de se voir frapper d’’’inéligibilité’’, en cas de confirmation de sa condamnation à deux ans de prison avec sursis et six mois ferme prononcée en 2017.
Une décision qui ne manquerait pas d’être confirmée en cassation, comme pour le cas de Khalifa Sall, ouvrant ainsi la voie à un imbroglio politico-judiciaire autour de la liste YAW. ‘’Aujourd’hui, Macky Sall veut mettre une épée de Damoclès au-dessus de ma tête’’, avait-il déclaré lundi dernier, lors de sa conférence de presse, lors de laquelle il s’étonnait de la coïncidence entre le dépôt de sa candidature et sa convocation dans le cadre des heurts à la mairie de Mermoz Sacré-Cœur.
De ce fait, on pourrait penser que l’option de la confrontation politique prise par les membres de l’opposition, qui s’est traduite par les heurts de mercredi dernier, vise à mettre la pression sur le gouvernement et à politiser ce dossier, pour éviter d’aboutir à une impasse pour la coalition Yewwi Askan Wi.
A travers cette stratégie du choc et de l’affrontement, pousser à reporter cette nouvelle convocation. De ce fait, éviter que ‘’l’épée de Damoclès’’ qui trône sur la tête de l’ancien responsable socialiste ne vienne contrecarrer les plans de conservation du fauteuil de maire de Dakar dans l’escarcelle de l’opposition.
En effet, la possible exclusion de Barthélemy Dias, après le recalage de la liste de Bougane Guèye Dany de la coalition Guem Sa Bopp, risque de fausser le jeu électoral dans la capitale et offrir une voie royale à ‘’Monsieur Covid’’ Abdoulaye Diouf Sarr vers la mairie de Dakar.
Dans cette bataille qui se profile, l’Etat du Sénégal semble afficher une certaine détermination. Ainsi, le ministre de la Justice, Malick Sall, a indiqué que si l’ancien député venait à mettre à exécution sa menace de ne plus répondre à la convocation de la 3e chambre correctionnelle de la Cour d’appel de Dakar, la justice irait jusqu’au bout. Le garde des Sceaux a tenu à préciser que même si le candidat de Yewwi Askan Wi à la mairie de Dakar ne défère pas à la convocation, la justice va faire son travail. ‘’Le tribunal va statuer et rendre son verdict. C’est clair. Monsieur Dias est un citoyen comme tout le monde. La justice va faire son travail’’, a-t-il déclaré avant-hier en marge d’un atelier de travail.
Imbroglio autour de l’inéligibilité de Barthélemy, en cas de confirmation de sa condamnation
De son côté, Me Khouraichi Ba, l’avocat de Barthélemy Dias, botte en touche, face à une éventuelle disqualification de son client, en vue des prochaines locales. ‘’Barthélemy Dias n’est pas condamné pour meurtre, mais pour coups mortels, association de malfaiteurs. Il a été condamné à six mois ferme et sur le plan technique, il ne risque pas de perdre ses droits civiques et politiques. Sur ce, le procureur ne le demande pas et, dans le jugement en première instance, on n’a jamais fait mention de perdre ses droits civiques. Donc, dans un procès en appel, le maître des poursuites ne peut venir formuler une nouvelle demande’’, fait savoir la robe noire.
Pour sa part, Ndiaga Sylla, expert des questions électorales, considère que pour l’ancien responsable des jeunesses socialistes, cette éventualité ne serait pas à écarter, dans la mesure où le Code des collectivités territoriales prévoit de retirer des listes électorales une personne condamnée par la justice. ‘’Tant que la condamnation n’est pas définitive, il peut être candidat. Il a franchi la première phase, en déposant sa candidature qui a été acceptée, mais le Code général des collectivités territoriales prévoit qu’un candidat déclaré inéligible jusqu’à la veille des élections, peut être retiré des listes. En outre, même s’il venait à être élu maire, si la justice le condamne dans certaines circonstances, il peut être déchu de son mandat de maire’’, déclare-t-il.
Dans la loi du 23 décembre 2013 relative au Code des collectivités territoriales, il est prévu, dans l’article 131 : ‘’Le maire ou l’adjoint qui, pour une cause postérieure à son élection, ne remplit plus les conditions requises pour être maire ou qui se trouve dans un des cas d’incompatibilité ou d’inéligibilité prévus par l’article 100 du présent code, doit cesser ses fonctions. Le ministre chargé des Collectivités locales, saisi par le représentant de l’Etat, l’enjoint de transmettre immédiatement ses fonctions à son remplaçant désigné, conformément aux dispositions de l’article 136 du présent code, sans attendre l’installation de son successeur. Si le maire ou l’adjoint refuse de démissionner, le ministre chargé des Collectivités locales prononce sa suspension pour un mois. Il est mis fin à ses fonctions par décret.’’
Perspectives et avenir de la coalition Yewwi Askan Wi, à l’issue de ce procès
De ce fait, ce flou autour de son avenir politique est un couteau à double tranchant. Une éventuelle condamnation définitive de Barthélemy Dias pourrait raviver les tensions au sein de la coalition YAW marquée par des luttes fratricides, avec la mise à l’écart de la maire sortante Soham El Wardini.
En outre, la perte de la ville de Dakar peut préfigurer de sombres lendemains pour le parti de Khalifa Sall qui a fondé sa légitimité et sa puissance au sein de la coalition, dans sa capacité tenir d’importants bastions à Dakar. Face à un Ousmane Sonko qui s’affirme de plus en plus comme la figure de proue de l’opposition à Macky Sall, le parti Taxawu Ndakaru, avec des leaders frappés d’inéligibilité et des places fortes à Grand-Yoff, Dieuppeul Derklé et Point E que lorgne le pouvoir, risque d’imploser sous les coups de boutoir de Dame justice.
En cas de relaxe dans cette affaire, Barthélemy Dias, ragaillardi à travers sa personnalité, son charisme et son énergie, risque d’être un challenger coriace à Abdoulaye Diouf Sarr qui ne semble pas faire l’unanimité dans la galaxie marron-beige. La présence en toile de fond de Khalifa Sall et d’Ousmane Sonko peut faire basculer de nombreuses voix dans l’escarcelle de l’ancien parlementaire.
Le piège pour les Législatives de 2022 ?
Et si le coup de grâce était prévu pour les prochaines Législatives de 2022 ? En effet, la loi n°2021-35 portant Code électoral stipule, dans son article L29 que ‘’ne doivent pas être inscrits sur les listes électorales ceux condamnés à plus de trois mois d’emprisonnement sans sursis ou à une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à six mois avec sursis pour un délit autre que ceux énumérés : vol, escroquerie, abus de confiance, trafic de stupéfiants, corruption et trafic d’influence …’’.
A la lecture de la disposition de cette loi, le maire de Mermoz Sacré-Cœur peut se voir retirer des listes électorales, dans la mesure où il a été condamné à deux ans avec sursis et six mois ferme.
Pour être éligible, il faut être inscrit sur les listes électorales et jouir de ses droits d’électeur. Ce qui disqualifie, de fait, le bouillant maire de Mermoz Sacré-Cœur qui peut voir sa candidature être refusée par les autorités administratives, en vue des Législatives de 2022, hypothéquant sa carrière politique à court terme.
Makhfouz NGOM