Publié le 16 Jun 2022 - 21:35
LA CREATION ARTISTIQUE

Les artistes face aux obstacles familiaux et de l’éducation  

 

La première session des ‘’Conférences Lingué’’, initiée par Mame Dorine Guèye, Directrice éditoriale du magazine ‘’Étoile africaine’’, s’est tenue vendredi dernier à l’Institut français de Dakar. Une première réussie avec la brillante participation de l’écrivaine Mariétou Mbaye dite Ken Bugul, du commissaire d’exposition Wagane Guèye et du designer Ousmane Ndiaye Dago. Ils ont échangé autour du thème ‘’La créativité face aux codes sociaux culturels’’, afin d’identifier les différents obstacles qui contraignent les jeunes souhaitant faire carrière dans le domaine de l’art.

 

La création artistique ne peut pas se passer de l’émancipation. Cette dernière est plutôt le socle de la créativité. En effet, elle délibère  l’artiste de la dépendance familiale, chose contraignant les jeunes artistes. Cette thèse a été défendue par l’écrivaine Mariétou Mbaye alias ‘’Ken Bugul’’, lors des ‘’Conférences Lingué’’ initiées par la directrice du magazine ‘’Étoile africaine’’, Mame Dorine Guèye,  il y a quelques jours, dont le thème était ‘’La créativité face aux codes culturels’’.

 Selon l’auteur du livre, ‘’Le baobab fou’’, ‘’le sens de la famille au Sénégal est contradictoire avec la législation’’. Pour elle, la personne majeure doit en principe quitter la maison familiale afin d’assumer ses responsabilités, contrairement à ce que l’on voit au sein des familles où le jeune dit émancipé continue à vivre dans la famille et à dépendre de celle-ci’’. La famille constitue donc un frein chez les artistes. C’est le point de vue du commissaire d’exposition Wagane Guèye.

Il estime que ‘’le premier problème que rencontrent les jeunes artistes qui veulent s’engager dans l’art, c’est la famille qui est très conservatrice avec les réunions familiales organisées pour dire non à l’engagement, à ce pas que veut franchir ce jeune de 18-20 ans qui veut entamer une formation dans le domaine de l’art’’.  Ce que confirme Mme Mbaye. ‘’On n’existe pas en tant qu’individu, mais en tant que membre d’un groupe où l’on essaie de s’organiser avec les codes sociaux culturels où il y a une autorité qui est au-dessus du groupe’’, indique la romancière.

Au-delà des codes sociaux culturels, la question de l’autocensure constitue également un frein à la créativité artistique. À en croire Ken Bugul, l’absence de cette autocensure conditionnée par un environnement socioculturel lui a permis de réaliser son ouvrage ‘’Le baobab fou’’, car ‘’je n’avais pas à réfléchir, parce je n’étais pas conditionnée, bien vrai que j’aie essayé d’être une fille bien. Mais cela ressemblait à un jeu et donc, j’ai tout abandonné’’.

L’autre aspect bloquant les artistes est sans nul doute, selon le designer photographe Ousmane Ndiaye Dago, la formation professionnelle. Les métiers d’art sont vus comme des refuges. Certains y atterrissent après avoir échoué dans d’autres filières. Cependant, ils arrivent en pensant que c’est facile. Or, il faut une formation académique. D’après  Dago, le fait de n’avoir pas fait des études poussées limite la créativité de certains. ‘’Art égalconception, créativité. Ce n’est pas  inné, mais plutôt acquis en se faisant former dans les académies‘’. 

Monsieur Ndiaye ajoute que les erreurs observées sur certains logos, dans le pays, conçus par des informels, sont souvent dues au manque ‘’d’écoles de formation professionnelle allant dans le sens du graphique designer, car l’art c’est aussi l’identité’’. Le terrain était pourtant bien arrosé sous l’ère senghorienne avec la mise en place de l’école de Dakar, l’Ecole des beaux-arts, les Manufactures des arts décoratifs de Thiès où certains ont été formés depuis 30 ans, renseigne  Wagane Guèye.

‘’Ce qui est malheureux, c’est que dans un pays comme le Sénégal, le pays de Senghor, là où s’est tenue la première édition du Festival mondial des arts nègres, ce pays qui reçoit une expo d’œuvres de Picasso et où se tient la Biennale de l’art contemporain, pourquoi dans l’éducation, on n’a de programme sur l’histoire de l’art ? Même au Cesti où on forme les journalistes, il  n’y a même pas un volet d’histoire de l’art ou de critiques littéraires et artistiques. On s’improvise et nos enfants ne sont pas formés à comprendre l’art. C’est pour cela qu’ils sont perdus dans beaucoup de domaines’’, a regretté la romancière.

ARAME FALL NDAO (stagiaire)

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