Publié le 15 Jul 2023 - 23:38
FRANCE, SENEGAL

Branco, la cible à abattre

 

L’avocat français d’Ousmane Sonko a vu un mandat d’arrêt international requis contre lui par le procureur de la République hier. Cela fait suite à une procédure judiciaire lancée contre lui par le ministère français des Affaires étrangères.

 

Après le Quai d’Orsay, mercredi dernier, le procureur de la République a passé une étape supérieure des procédures visant l’avocat français Juan Branco. Si le ministère français des Affaires étrangères a procédé à un signalement de la robe noire au parquet de Paris, celui de Dakar a simplement requis un mandat d’arrêt international contre l’avocat de l’opposant sénégalais Ousmane Sonko.    

Dans un communiqué rendu public hier, le parquet a fait savoir qu’après ‘’avoir revu la compilation des déclarations, écrits et posts à travers tout support du sieur Juan BRANCO, il a été relevé des éléments qui, manifestement, sont de nature à engager sa responsabilité pénale.’’ Assez, pour le maître des poursuites de décider ‘’de l'ouverture d'une information judiciaire contre le susnommé pour plusieurs faits qualifiés de crimes et délits.’’ Sans donner plus détails sur les faits reprochés à Juan Branco, le procureur de la république informe qu’un mandat d'arrêt international a été requis à son encontre.

Un mandat d’arrêt international

Contrairement aux autorités sénégalaises, le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères en France a mis le doigt sur ce qu’il reproche à l’avocat qui défraie la chronique au Sénégal depuis quelques mois. Dans sa lettre de signalement au parquet de Paris, le Quai d’Orsay assure avoir ‘’pris connaissance des accusations graves et infondées portées par Juan Branco, et de ses récentes publications divulguant des informations de nature professionnelle visant des agents français en poste au Sénégal’’.

Par ces faits, Paris estime que l’avocat a mis en danger deux fonctionnaires, en révélant leur numéro de téléphone, courriel et le numéro de matricule, pendant une conférence de presse le 22 juin 2023 à Paris. L’avocat accuse les deux fonctionnaires français d’avoir participé à des faits qualifiés de crime contre l’humanité, au Sénégal, et pour lesquels il a déposé une procédure contre le président Macky Sall auprès de la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye.

Le 21 juin 2023, Juan Branco a déposé une plainte en France et soumis une demande d’enquête à la Cour pénale internationale (CPI), s’appuyant sur 710 ‘’éléments de preuves’’, selon lui. L’avocat du leader de Pastef assure que le président Macky Sall et son ministre de l’intérieur, Antoine Félix Diome, ainsi que ‘’112 suspects sur l’ensemble de la chaîne de commandement que nous avons reconstituée’’, sont accusés de commission et complicité à la commission de ‘’crimes contre l’humanité’’.

Rendre l’appareil

Les ‘’éléments de preuves’’ présentés par l’avocat français s’inscrivent dans le cadre des manifestations violentes au Sénégal liées à l’arrestation du principal opposant du pays en mars 2021 et à d’autres violences liées à sa condamnation, le 1er juin 2023, dans une affaire de viol présumé et de menaces de mort le visant. Dans sa conférence de presse, la robe noire a avancé que les actes ont été commis ‘’dans le cadre d’une attaque générale et systématique contre une population civile’’ qui aurait fait plus d’une quarantaine de morts depuis mars 2021.

Juan Branco est dans le viseur des autorités sénégalaises depuis le procès de diffamation opposant Ousmane Sonko au ministre du Tourisme Mame Mbaye Niang en mars dernier. Tenant de venir défendre son client, l’avocat a été interdit d’entrer dans le territoire sénégalais.

Dans un communiqué, à l’époque, le ministre de l'Intérieur, Antoine Félix Diome, disait, pour justifier cette décision, que ‘’Monsieur Branco avait publié, avant son arrivée à l'aéroport international Blaise Diagne de Dakar, un post sur les réseaux sociaux (Facebook et Twitter en date du 28 mars 2023) où il traitait Son Excellence Monsieur le Président de la République Macky Sall de tyran et faisait également un appel à l'insurrection dans notre pays. Devant ce comportement inacceptable de la part d'un citoyen étranger, il s'est vu refuser l'entrée dans le territoire national''.

Crimes contre l’humanité

Dans son post, l’avocat français a écrit : ‘’L’audience du 30 mars engage le devenir du Sénégal, sa transformation en désert démocratique et l’avènement ou non du tyran Macky Sall. Quatorze martyrs regarderont par-delà les épaules des juges, vers ceux qui les ordonneront.  Devant eux, le peuple. Par millions.’’

Quatre mois après, ce post peut-il expliquer un mandat d’arrêt international contre lui ? La procédure judiciaire lancée par le gouvernement français contre Juan Branco a ouvert une brèche. Le Sénégal réussira-t-il à en profiter pour régler ses comptes avec l’avocat qui a déposé un dossier contre lui à la CPI ?  

Face à la plainte lancée contre lui par le Quai d’Orsay, Juan Branco a assuré qu’il ne cédera ‘’à aucune intimidation. Pour qu'ailleurs l'on puisse continuer à se dire: oui, il y a en France, encore, des êtres qui ont du courage, des valeurs, un rapport à l'honneur, à l'intégrité, et à la dignité. Pour que notre pays ne puisse être humilié, et encore une fois, rabaissé parce que certains êtres auront décidé de le souiller.’’ En attendant, le Sénégal a pris le relais.

Lamine Diouf

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