Quand les naufragés cohabitent avec les malfrats
Le cimetière des naufragés du Joola, niché dans la forêt de Mbao dans la commune d’arrondissement de ladite ville, jouxte la route nationale n°1. Depuis l’entrée, une porte béante et une allée de près de cent mètres permettent d'accéder aux tombes disposées en rangées au fond du cimetière.
En cette matinée de la veille de l'anniversaire du naufrage du bateau Le Joola, tout est calme, en attendant les visiteurs de demain (NDLR : aujourd'hui). Seul le piaillement de quelques oiseaux perturbe le sommeil éternel des locataires des lieux. Personne à qui s’adresser, même pas un gardien. Les 135 tombes peintes en blanc occupent près d’un tiers de la surface du cimetière. Aucune indication sur l'identité des victimes, pas de stèles, rien. Les sépulcres sont disposés en trois rangées séparées d’une petite allée de moins d’un mètre. Une vingtaine d’arbres décorent la partie inoccupée. Les herbes et arbres qui commencent à pousser révèlent qu’ils ont été coupés récemment.
Au moment où nous décidons de rebrousser chemin arrive un visiteur. ''Je viens souvent, en tant que musulman, prier pour le repos de l'âme des naufragés. Mais j’avoue que je n'ai jamais croisé quelqu'un dans ce cimetière. Les morts qui dorment ici ne pouvaient pas être identifiés lorsqu'on les acheminait ici. Ceci explique la rareté des visiteurs'', déclare notre visiteur devant notre étonnement du calme des lieux. ''Moi, poursuit-il, je ne connais aucune des personnes enterrées dans ce cimetière. Le lieu, dit-il, est juste idéal pour implorer le Bon Dieu, c'est la raison pour laquelle je viens fréquemment''. Chapelet à la main, le bonhomme révèle que les herbes avaient atteint une hauteur de presque un mètre, il y a de cela quelques jours. ''Elles ont été coupées juste pour amuser la galerie'', dit-il. ''Il y a de cela quelques jours, j’ai trouvé ici de jeunes gens en train de désherber. Demain (aujourd’hui NDLR), si vous revenez, vous allez trouver du monde''. Le cimetière est un lieu de refuge durant la journée pour les malfrats
À défaut de recevoir des visites et d'être surveillé par des gardiens, le cimetière des naufragés du Joola, de par sa position géographique, est devenu un refuge de malfrats. En effet, ses façades qui donnent sur la forêt, le calme des lieux, sont autant d’ingrédients qui font que les bandits y ont élu domicile. Beaucoup d'histoires circulent autour de ce lieu. D'ailleurs notre interlocuteur habitué des lieux adhère également à cette thèse. ''Les bandits ont fait des lieux un refuge. Durant la journée, ils squattent le cimetière entouré de cette forêt très dense. Et la nuit, ils se déploient un peu partout dans la zone'', déclare avec conviction le visiteur.
CHEIKH THIAM
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