Publié le 4 Oct 2023 - 20:16
PRÉSIDENTIELLE 2024

Benno contre Benno

 

Avec plus de dix candidats à la candidature, dont au moins six maires de communes importantes, la majorité présidentielle court de sérieuses menaces en direction de la Présidentielle.

 

Au moins 10 candidats à la candidature, et pas des moindres, issus des rangs de Benno Bokk Yaakaar et de l’Alliance pour la République. Jusque-là, la chronique a fait état des dissidences fracassantes d’Aly Ngouille Ndiaye, de Mame Boye Diao et de Mahammed Boun Abdallah Dionne. Mais dans la course aux parrainages, il faudra aussi compter sur d’autres fortes personnalités de la majorité présidentielle. Parmi elles, il y a au moins six élus. Outre les deux premiers cités (Aly et Mame Boye), respectivement maires de Linguère et de Kolda, il y a : le maire de Louga et non moins ministre de la République, le très influent maire de Sandiara, Serigne Guèye Diop, l’édile socialiste de Grand Dakar Jean-Baptiste Diouf, l’indéboulonnable patron de Noto Alioune Sarr (ancien ministre et présenté jusqu’à récemment comme n°2 de l’AFP)…

À côté de ces élus, d’autres figures de Benno et de l’Alliance pour la République sont dans les starting-blocks. Il s’agit notamment de l’ancien ministre de l’Enseignement supérieur Mary Teuw Niane, l’ancienne ministre chargé du Commerce Aminata Assome Diatta, l’ancien directeur général de Dakar Dem Dikk Omar Boun Khatab Sylla, l’ancien directeur général de la Solde Charles Émile Abdou Ciss, sans parler des anciens proches collaborateurs du président de la République que sont Youssou Ndour et El Hadj Ibrahima Sall. La liste n’est peut-être pas exhaustive. Bien avant eux, l’ancienne Première ministre Aminata Touré avait balisé la voie.

Ces candidatures peuvent d’autant plus inquiéter que certains sont enregistrés dans les bastions électoraux de la majorité présidentielle. Ainsi, dans le Djolof, le Ndiambour et le Fouladou, le camp présidentiel perd, si les tendances se confirment, trois de ses principaux lieutenants. À la Présidentielle de 2019, la majorité avait remporté la bataille du département de Linguère avec plus de 80 %, Louga à 61 %. Pour ce qui est de la capitale du Fouladou, Kolda, Macky Sall avait gagné avec un score de 67 %. Parti seul aux locales, Mame Boye Diao avait triomphé devant le candidat soutenu par le président Macky Sall.

Autant de raisons qui poussent à croire que ces dissidences, même si on tente de les minimiser, ne sont pas de nature à permettre une préparation de la Présidentielle dans les conditions optimales.

 Mais chez les tenants de la majorité, on tient surtout à relativiser. ‘’Il faut savoir que tous, autant qu’ils sont, ont été élus pour l’aura du président de la République, soit directement parce que porté par la coalition, soit indirectement parce que ce sont des candidats qui ont battu campagne avec le bilan de la majorité, avec les couleurs du président de la République’’.

En tout cas, du côté du chef de la majorité, il n’y a aucune ambigüité quant au choix du candidat. À maintes reprises, le président de la majorité a martelé que l’actuel Premier ministre est le seul et unique candidat. ‘’Quiconque déclare sa candidature alors qu’il appartient au parti ou à la même coalition, ne fait plus partie de notre organisation politique, car ne s’étant pas conformé au choix entériné’’, menaçait-il récemment. Avant cette déclaration, le chef de l’État avait posé des actes forts pour dissuader toute tentative de remise en cause de son choix, en limogeant l’ancien directeur de la Caisse des dépôts et consignations aussitôt après sa déclaration de candidature.

Mais ces mises en garde ne semblent pas ébranler les dissidents, qui continuent de braver les mesures du chef. A tel enseigne que beaucoup parlent du syndrome du canard boiteux, qui frappe le président de la République. De plus en plus, les décisions qu’il prend sont en tout cas l’objet de contestation, même chez ses soutiens les plus fidèles. On se rappelle le projet de modification de l’article 87 sur la dissolution de l’Assemblée nationale retirée pour des menaces de rejet même par des députés de la majorité ; la rébellion du ‘’double bouton’’, les sorties incendiaires de l’ancien ministre conseiller Abdoul Aziz Diop, voire les réserves et défiances du député Abdoul Mbow.

Défaut de loyauté et incohérence

Dans les rangs de la majorité, l’on dénonce plutôt un défaut de loyauté et une incohérence dans la démarche. L’ancien député de la diaspora, El Hadj Demba Babel Sow, n’y va pas par quatre chemins pour dénoncer ces actes de défiance. Il peste : ‘’Je pense que c’est des décisions crypto-personnelles. Moi, je me demande plutôt comment ces gens vont expliquer leur candidature. Peuvent-ils contester le bilan du régime ? Vont-ils contester le président de la République ? Sont-ils contre tout ce qui a été fait par ce régime ? Ces gens ne peuvent avoir aucune raison de contester de manière objective les actes de régime, avec lequel ils ont eu tous les privilèges entre 2012 et maintenant. Ils n’ont aucune raison de ne pas suivre la décision du président de la République.’’

De l’avis du responsable de l’Alliance pour la République en France, les dissidents devraient faire profil bas, d’autant plus qu’ils ont eu tous les privilèges du régime, au moment où d’autres, non moins méritants, n’ont rien eu. ‘’Quand on s’engage en politique, on doit mettre en avant les intérêts du peuple sénégalais, pas nos intérêts personnels et nos égos. Et puis, s’ils sont un peu lucides, ils vont se rendre compte qu’il n’y a aucune adhésion à leur candidature. Comme l’a dit le président, ceux qui prennent de tels actes doivent assumer leurs responsabilités ; on peut considérer qu’ils ne font plus partie de la majorité. En ce qui nous concerne, nous allons nous battre pour le triomphe du candidat de la majorité, le candidat choisi par le président de la République’’.

Pour des observateurs, certaines de ces candidatures ne sont motivées que par une volonté de monter les enchères et de pouvoir négocier la recomposition en vue dans le camp de la majorité. Pour d’autres, l’on chercherait plutôt à se sauver d’éventuelles poursuites et représailles politico-judiciaires. Il faut noter qu’en cette veille de l’élection présidentielle très incertaine de 2024, certains n’hésiteront pas à chercher les voies et moyens de ne pas tomber avec le régime.

 Mais pour participer à la Présidentielle et discuter de leur sort dans un éventuel second tour, il faudra passer le cap des parrainages qui peuvent être un excellent levier pour le régime pour leur barrer la route. 

MOR AMAR

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