Publié le 6 Oct 2023 - 18:19
LES COMPTES DE ALMAMY BOCAR

La chronique du vétéran

 

Octobre, le mois des rentrées.

Le Sénégal est un pays merveilleux, unique au Monde quelquefois, car étant le seul où détails et accessoires prennent souvent le dessus sur l’essentiel. Ainsi, les potaches ont-ils repris le chemin de l’école tandis que les politiciens professionnels, eux, les routes sinueuses des élections.

S’il est comptabilisé, déjà, plus d’une centaine de candidatures à la candidature pour la présidentielle de Février 2024, la rentrée des classes s’est-elle effectuée avec des écoles insalubres encore sous les eaux du fait de inondations et d’une végétation sauvage sans compter les abris provisoires qui, eux,  souffrent d’un déficit de  tables-blancs, de tableaux et même d’enseignants. Et cela ne semble interpeller personne ni choquer grand monde à l’heure où ailleurs sur la planète, on investit dans les nouvelles technologies de l’information avec une optimisation des possibilités qu’offre l’Internet et l’intelligence artificielle afin de mettre à niveau le système éducatif et obtenir ainsi des gains dans l’acquisition de connaissance, meilleur atout pour être compétitif dans l’économie de l’intelligence qui fonde la nouvelle richesse des nations comme l’a, déjà, dit Adam Smith.

Le paradoxe sénégalais étant que la faune politique qui a accaparé les destinées du pays est constituée dans une très grande proportion d’enseignants qui ont des leçons à donner sur la gestion des affaires de la cité et des politiques publiques mais jamais ne formulent des propositions sur les réformes à mener pour faire de l’école sénégalaise une école adaptée aux exigences de son époque.

Tenez, avez-vous remarqué que si les enseignants (et surtout leurs syndicalistes) ont toujours des choses à dire sur la démocratie et les libertés dans le pays, peu d’entre eux sinon personne parmi eux ne nous proposent des ouvrages didactiques ou pédagogiques à destination de nos élèves dont tout le monde s’accorde à reconnaître la baisse de leur niveau.

Le cimetière de l’Atlantique

Les Sénégalais sont ingénieux et dégourdis, c’est connu. Mais tout de même,  il fallait une certaine perspicacité pour savoir que des conventions diplomatiques de libre circulation des personnes existent entre le Sénégal et le Nicaragua. Les nouvelles routes du Mbeuk-mi qui poussent notre jeunesse à aller à la recherche d’un eldorado au prix de leur vie viennent, ainsi, de remettre au goût du jour les routes du commerce triangulaire de la Traite Négrière. Traverser l’Atlantique par les airs pour essayer de rentrer aux Etats-Unis par la terre en passant par le Nicaragua et le Mexique n’est-ce pas un remake de la tragédie des Nègres marron cherchant la liberté à tout prix au point de subir les pires châtiments des esclavagistes et les conditions de vie les plus éprouvantes en cherchant liberté et refuge dans les îles volcaniques des Caraïbes ou dans les jungles meurtrières d’Amérique centrale et du Sud. Cette nouvelle route des Amériques qu’emprunte notre jeunesse n’est-elle pas un remake des routes de l’esclavage qui contribuent, ainsi et encore, à faire du Nègre le seul damné de la terre trois siècle après le début de la traite négrière et moins d’un siècle après la fin de l’esclavage.

Politiciens comme intellectuels, artistes comme membres de la Société civile regardent cette tragédie d’une jeunesse en quête de mieux-être qui a choisi de faire de l’Atlantique un cimetière comme une chose toute banale plutôt que de rester sur la terre de leurs ancêtres où l’espoir n’existe plus. Jusqu’où allons-nous continuer à nous vautrer dans la démission et la fuite en avant ? L’Afrique est malade des Africains.

La cour des miracles

Certes, le ridicule ne tue pas, aujourd’hui, dans notre pays mais la vanité, elle, est en passe de devenir la chose la mieux partagée par tous, partout et pour tout. N’est-ce pas un Général européen qui disait que l’ambition n’est pas un crime mais ne pas avoir les moyens de son ambition peut être un grand danger pour ceux sur qui cette ambition veut ou doit s’exprimer.

Il faut dire que ce crime tel que défini par ce vaillant défenseur du leadership est inconnu pour la classe politique sénégalaise. Chez nous n’importe quel quidam se croit autoriser à toutes les audaces et outrances sans retenue au point de valser entre le risible et le ridicule car usant de la transhumance et de la volteface au gré des situations et des conjonctures afin obtenir des sinécures. Le Sénégal, un pays de 201.000  Km2 avec 17 millions d’habitants, affiche plus de 400 partis politiques reconnus, une centaine de syndicats, une dizaine de centrales syndicales, une Assemblée nationale, un Haut Conseil, un Conseil économique et social, trois chambres accueillant  chacune plus de 150 personnes formant ainsi une caste politique entretenue grassement. Excusez du peu, il faudra y ajouter, dorénavant, une centaine de candidatures à la candidature suprême.

Si la Démocratie n’a pas de prix, elle a tout de même un coût. Et au Sénégal, la politique me paraît être d’un coût prohibitif et exorbitant par rapport aux moyens du pays, aux capacités de l’Etat et aux besoins et attentes des populations. Les affaires politiques entraînent énormément de dépenses, perturbent en permanence la vie sociale car l’activisme politique a lieu toute l’année même en dehors des périodes d’élection. Il faudra bien un jour procéder à l’évaluation de ce nous coûte la politique et examiner avec précision ce qu’elle nous rapporte.

Néanmoins, on peut être d’accord sur le fait que l’économie nationale paie un énorme tribut de l’overdose de l’activité politique. Pour février 2024, près de deux cent prétendants au pouvoir suprême mais, pourtant,  peu parmi eux peuvent se prévaloir d’avoir initié ou réussi une activité qui a été d’une utilité quelconque pour la communauté. Bien au contraire, on peut observer au sein de cette pléthore de candidats de nombreux hauts fonctionnaires et agents de l’Etat qui affichent des fortunes colossales et des moyens extraordinaires. De véritables nouveaux riches avec des comportements les plus ostentatoires faisant de certains d’entre eux des « jet-setteurs », coqueluches des musiciens en vogue et des animateurs des médias électroniques.

Le nombre de fonctionnaires appartenant aux régies financières de l’Etat (Trésor public, Impôts et Domaines, Douanes) affichant un train de vie de milliardaires est un fait notable à relever. Depuis l’alternance de 2000, force est de constater que la Fonction publique sénégalaise génère plus de nouveaux riches que le secteur privé national.

Présidents non grata

Sarkozy en France, Trump aux Etats-Unis, deux anciens présidents encore au pouvoir, il y a peu, font face à la justice de leur pays tout comme Daddis Camara vit pareille situation en Guinée depuis l’année dernière. Aly Bongo au Gabon et Mohamed Bazoum au Niger sont ou en résidence surveillée ou pris en otage comme Kaboré au Burkina et son tombeur Damiba est, lui, exilé de force au Togo. L’après pouvoir présidentiel paraît être une vie peu paisible. Mohamed Ould Abdel Aziz en Mauritanie doit méditer sur cela tout comme Uhuru Kenyatta qui a eu le malheur d’adouber comme dauphin et successeur celui que William Ruto a battu, lui aussi, vit les mêmes affres. Alors une question se pose : être un ancien président en vie est-il un risque ?

Abdoulaye Bamba DIALLO

 

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