Le Forum Galien s’attaque aux ‘’tueurs silencieux’’
Le Forum Galien Afrique en est à sa la 6e édition. Il s’intéresse, cette année, aux maladies non transmissibles, ces ‘’tueuses silencieuses’’ qui écument les populations africaines et appauvrissent les familles.
La cérémonie d'ouverture de la 6e édition du Forum Galien Afrique qui s’intéresse, cette année, aux maladies non transmissibles, a été présidée hier par le Premier ministre. Occasion saisie par Amadou Ba pour rappeler que le Sénégal a fait le pari de donner un cachet particulier au Forum Galien Afrique, en accordant aux jeunes une place de choix pour qu’ils soient les meilleurs étudiants de fin de cycle en Médecine, Pharmacie et Chirurgie dentaire ou des leaders communautaires et des innovateurs.
Le chef du gouvernement souligne que la cible du Sénégal a d’abord été les pays de la CEDEAO. Puis, elle s’est progressivement étendue au reste de l’Afrique. Il souligne que les femmes également sont mises en exergue en raison de leur rôle d’avant-garde dans le domaine de la santé, aussi bien préventive que curative.
Deux journées scientifiques vont clôturer le forum. Elles vont mobiliser experts, chercheurs, décideurs politiques, secteur privé et société civile, majoritairement d’Afrique, mais aussi d’ailleurs. ‘’Cette année, le thème est relatif aux maladies non transmissibles généralement à soins couteux dont l’impact partout dans le monde est reconnu. Cette préoccupation est portée par l’Afrique, notamment l’Union africaine, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et d’autres institutions régionales. En réalité, les maladies non transmissibles constituent, avec les maladies infectieuses, un double fardeau pour les populations africaines : elles rendent encore plus fragiles leurs systèmes de santé et retardent notre développement’’, souligne le Premier ministre.
Amadou Ba de rappeler qu’au Sénégal, le ministère de la Santé et de l'Action sociale vient de lancer son Plan stratégique d'accélération de la lutte contre les maladies non transmissibles et s'apprête à mener sa 2e enquête nationale sur les maladies non transmissibles qui permettra de connaître la prévalence nationale de ces maladies et d’identifier les vrais facteurs de risque.
"Il est aujourd'hui clair que pour préserver la santé et l'améliorer, une action multisectorielle sur les déterminants socioculturels et économiques est indispensable. À cet égard, nous savons tous que la meilleure façon de lutter contre le choléra, par exemple, ou même de l'éradiquer, ce n'est pas seulement de renforcer le système de santé, mais c'est surtout d’assurer la mise à disposition et l’accès universel à l’eau potable, à un environnement salubre et une bonne hygiène. Les scientifiques sont unanimes à reconnaître que la lutte contre la sédentarité, le changement de comportement et d’habitudes alimentaires contribuent à faire baisser drastiquement la charge de morbidité et les décès prématurés liés aux maladies non transmissibles’’, fait remarquer le PM.
Ainsi, il espère que le forum va proposer des stratégies adaptées à nos pays et à notre contexte pour lutter efficacement contre cette tueuse silencieuse. ‘’J'en appelle à la mobilisation de tous les acteurs et de tous secteurs de développement pour la lutte contre les maladies non transmissibles," a lancé Amadou Ba aux experts présents dans la salle.
Pr. Awa Marie Coll Seck : ‘’Si mille personnes sont dialysées, il y a deux mille autres qui tapent à la porte.’’
Il faut aussi noter que l’un des temps forts du forum est la remise du Prix Galien Afrique. Amadou Ba souligne qu’il s’inscrit dans cadre du Prix Galien international qui se positionne dans le monde comme l'équivalent du Prix Nobel en recherche biopharmaceutique. Dans le sens où il met en avant les innovations majeures dans le domaine de la santé.
En effet, la recherche scientifique et l’innovation constituent, aux yeux d’Amadou Ba, un puissant moteur de développement. C’est pourquoi il milite pour qu’elles soient soutenues davantage dans le continent africain qui regorge d’énormes potentialités et de chercheurs émérites. ‘’Le ministère en charge de l’Enseignement supérieur du Sénégal vient de valider son plan décennal pour la promotion de la recherche et de l'innovation. C'est dire que le Sénégal, à l'instar de la communauté internationale, est conscient du rôle important que jouent la recherche scientifique et l'innovation dans toute politique de développement. Et c’est la raison pour laquelle le président de la République, Macky Sall, a institué le Prix du Chef de l'État pour récompenser les chercheurs et l'innovation aussi bien au Sénégal qu'au niveau de l'espace Cames’’.
Il ajoute : ‘’Le Prix Galien Afrique trouve tout son sens dans cette dynamique impulsée à l’échelle nationale et continentale. Pour sa part, le Sénégal réitère son engagement à poursuivre l’organisation des prochaines éditions du Forum Galien Afrique et de suivre avec intérêt les recommandations."
Présidente du forum qui se tient à Dakar, la Pr. Awa Marie Coll Seck a, elle, insisté sur la prévention pour mieux faire face aux maladies non transmissibles. "Il faut freiner les maladies non transmissibles, car elles constituent des tueuses silencieuses. Si mille personnes sont dialysées, il y a deux mille autres qui tapent à la porte. L'État investit d'énormes moyens pour faire face à cette épidémie, mais ce n'est pas suffisant. D'où l'urgence d'appuyer le gouvernement à travers des travaux de prévention", indique la Pr. Seck.
Le diagnostic et les solutions de la directrice régionale de l’OMS Afrique
La directrice régionale de l’OMS Afrique de renchérir que les principales maladies non transmissibles telles que les maladies cardiovasculaires et les accidents vasculaires cérébraux, le diabète et les cancers entraînent une charge de morbidité et de mortalité croissante dans nos communautés. ‘’La santé mentale est également une cause de morbidité et ne doit pas être négligée. En effet, l’Afrique supporte une charge inégale de ces maladies. L’impact n’est pas ressenti seulement sur la santé, mais également sur l’économie de la région. À titre d’exemple, on estime en Afrique du Sud que les couts associés au diabète de type 2 avoisineront 1,9 milliard de dollars US, d’ici à 2030, si aucune mesure n’est prise pour réduire considérablement le nombre de cas’’, renseigne la Dr Matshidiso Moeti.
Elle a ensuite fait part à l’assemblée d’une leçon importante qu’ils ont apprise au fil des décennies. Il s’agit de la corrélation qui existe entre les situations d’urgence et les maladies transmissibles et non transmissibles, comme cela a été démontré de façon singulière pendant la pandémie de Covid-19, lorsque les personnes souffrant de comorbidités étaient les plus exposées au risque de développer une forme grave de la maladie et d’en décéder.
Ainsi, ‘’plutôt que de parler du fardeau que représentent ces maladies, permettez-moi d’évoquer la façon dont nous allons procéder pour les combattre. Nous savons ce que nous devons faire. Nous comprenons l’importance de la prévention, du diagnostic précoce et des soins et traitements appropriés. Au bureau régional, nous utilisons ces connaissances pour renforcer les capacités en matière de soins de santé primaires dans le cadre de l’ensemble OMS d’interventions essentielles pour lutter contre les maladies non transmissibles, soutenu jusqu’à présent par 27 de nos États membres’’, renseigne-t-elle.
En outre, les cancers, poursuit la Dr Matshidiso Moeti, constituent une autre source d’inégalités en Afrique. ‘’Les femmes de la région supportent la plus lourde charge mondiale due au cancer du sein et au cancer du col de l’utérus. Nous devons porter l’attention sur la nécessité immédiate de combler les lacunes en matière de prévention, de dépistage et de prise en charge du cancer. Pour y parvenir, nous devons adopter une approche intégrée qui comprend l’intensification des programmes de vaccination contre le papillomavirus humain. Sur ce chapitre aussi, des progrès ont déjà été accomplis. Le Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique fournit un appui technique et financier à l’intégration des services de dépistage et de traitement du cancer du col de l’utérus dans la santé sexuelle et reproductive, et les droits connexes dans les États membres, y compris dans le cadre des programmes de lutte contre le VIH, comme observé en Zambie’’, informe-t-elle.
S’agissant des enseignements tirés au fil des années de leur expérience de la gestion de multiples flambées épidémiques et situations d’urgence et, plus récemment, de la pandémie de Covid-19, la patronne de l’OMS en Afrique de l’Ouest indique que le leadership et le plaidoyer au plus haut niveau sont essentiels, tout comme l’action multisectorielle. ‘’Cela est crucial pour que nous puissions faire avancer le processus de renforcement des systèmes de santé et accroître les capacités au niveau des soins de santé primaires, afin de sensibiliser nos communautés aux maladies non transmissibles et à leurs facteurs de risque, pour que ces communautés cherchent à se faire diagnostiquer et soigner au tout début de la maladie’’.
Pour cela, dit-elle, ‘’mes messages clés sont les suivants : premièrement, les États membres de la région doivent financer des plans d’action multisectorielle de lutte contre les maladies non transmissibles. Deuxièmement, en notre qualité de dirigeants en Afrique, nous devons toutes et tous faire de la coordination multisectorielle une réalité, comme nous l’avons fait avec succès lors de la riposte à la Covid-19. Troisièmement, nous devons investir dans la promotion de la santé, afin de réduire le nombre de facteurs de risque connus de maladies non transmissibles telles que le tabagisme, l’usage nocif de l’alcool, la consommation d’aliments ultra- transformés et la sédentarité. Quatrièmement, nous devons établir un lien entre les interventions de lutte contre les maladies non transmissibles et les financements d’initiatives mondiales pour la santé, en adoptant une approche centrée sur la personne’’.
CHEIKH THIAM