Publié le 12 Oct 2023 - 00:08
BILAN AMADOU BA 1 - POUVOIR D’ACHAT, EMPLOI, LOYER...

Le fardeau social

 

Alors qu’il avait reçu des instructions fermes relatives notamment à l’amélioration du pouvoir d’achat des Sénégalais, à l’emploi des jeunes… le gouvernement Amadou Ba 1 va mourir sans jamais relever les défis à lui assignés par le président de la République. Malgré les échecs, Ba se retrouve non seulement candidat, mais a aussi la latitude de composer un nouveau gouvernement.

 

Le 16 septembre 2022, en annonçant aux Sénégalais son intention de former un nouveau gouvernement à la suite des élections législatives du 31 juillet, le président de la République, Macky Sall, a été clair sur ce que devaient être les priorités de sa nouvelle équipe dirigée par Amadou Ba. Il citait, entre autres, l’amélioration du pouvoir d’achat, à travers notamment la réduction des prix des denrées, du loyer, des frais scolaires et universitaires, le soutien à l’emploi et à l’entrepreneuriat des jeunes…

Plus d’un an après, alors qu’un nouveau gouvernement est sur le point d’être porté sur les fonts baptismaux, ‘’EnQuête’’ jette un bref coup d’œil dans le rétroviseur pour apprécier la mise en œuvre des mesures.

Dans la foulée de la nomination du gouvernement, le chef de l’État appelait à de larges concertations au palais de la République et avait fait prendre une batterie de mesures dont la matérialisation devait permettre aux Sénégalais de vivre mieux.

Plus d’un an après, le mal-être des Sénégalais n’a presque pas faibli. D’aucuns diront qu’‘’Amadou Ba 1’’ a échoué en ce qui concerne le renforcement du pouvoir d’achat. Quelques exemples pour l’illustrer.

Alors que son prix a été porté de 700 à 500 F CFA à l’époque, l’oignon importé coute aujourd’hui autour de 800 F CFA le kilogramme sur le marché. Par moments, nous avons même connu des pics allant jusqu’à 2 000 F dans certaines localités. Il en est de même pour la pomme de terre, dont le kilogramme était fixé à 400 F CFA et qui a presque doublé.

Décidé à alléger le cout de la vie, le gouvernement s’était penché sur presque tous les prix. Le kilogramme de riz brisé à 325 F CFA, le litre d’huile passé de 1 200 à 1 100 F CFA, le kilo de sucre de 600 à 575 F CFA… Bref, du grand bluff, selon le président de l’Union nationale des boutiquiers du Sénégal.

Joint par téléphone, il déclare : ‘’Depuis le début, nous savions que ces mesures n’aboutiraient à rien du tout, parce qu’il n’y a jamais eu les mesures d’accompagnement nécessaires. L’exemple que nous donnons, c’est les prix de l’oignon et de la pomme de terre. Soixante jours après, ils ont fait un communiqué pour lever la mesure. Tout a été du saupoudrage pour faire plaisir aux populations.’’

Denrées alimentaires, loyers, frais scolaires, eau, électricité : le calvaire continue pour les Sénégalais

Selon le patron des boutiquiers, il est illusoire de vouloir fixer les prix pour un produit importé sur lequel nous n’avons aucune maitrise sur les fluctuations. ‘’C’est le marché qui détermine le prix, ce n’est pas le gouvernement. Regardez le prix de l’oignon. Il n’est plus concerné par les restrictions. A un moment, c’est allé jusqu’à 2 000 F, parce qu’il y avait pénurie. Aujourd’hui, c’est revenu à un niveau normal, parce qu’il est de nouveau disponible sur le marché. C’est aussi simple que ça. Il en est de même pour le sucre et les autres denrées. Pour l’huile par exemple, on avait dit 1 100 F. Aujourd’hui, il y a des boutiquiers qui le vendent à 1 000 F’’, a indiqué M. Diallo.

La seule bonne mesure, à l’en croire, c’est celle consistant à répertorier tous les points de vente et à les accompagner à se formaliser. Aujourd’hui encore, les boutiquiers attendent les résultats de cette enquête salutaire aussi bien pour l’État que pour les acteurs. Omar Diallo semble avoir trouvé le parfait responsable. ‘’Il y a, semble-t-il, un ministre du Commerce, mais on lui avait aussi confié le poste de porte-parole du gouvernement. On a l’impression que ce ministre se soucie plus de son rôle de porte-parole du gouvernement que du département du Commerce’’, regrette le président de l’Union nationale des boutiquiers qui parle d’un ‘’échec total’’.

On pourrait en dire autant pour les prix du poulet fixé à 2 500 F avec un plafond à 3 000 F CFA ; la viande de bœuf à 3 600 F CFA ; la viande de mouton à 4 300 F CFA, tandis que le lait végétal devait couter 2 750 F CFA le kilogramme. Sur le marché, ces tarifs sont royalement ignorés et l’État semble impuissant face à la dure réalité.

Pendant ce temps, les locataires continuent de pleurer. Président de l’Association pour la défense des locataires du Sénégal, Elimane Sall tire un bilan mitigé : ‘’Les mesures ont été effectives pendant un moment. Mais actuellement, nous notons d’énormes difficultés dans le secteur. Les problèmes qui existaient en 2014 refont surface. Et pourtant, on avait attiré l’attention sur ces problèmes en insistant sur la nécessité de mettre sur pied une commission de régulation. Malheureusement, cette commission a été créée, mais elle n’a pas été dotée de suffisamment de moyens. Ils reçoivent les plaintes, mais ils n’ont pas tous les moyens qu’il faut pour traiter l’ensemble des dossiers avec efficacité.’’

Revenant sur les subterfuges des bailleurs pour se débarrasser des locataires indélicats, il indique : ‘’Certains bailleurs demandent aux locataires qui exigent le respect de la mesure de quitter la maison sous le prétexte qu’ils vont en faire un usage personnel. Quand vous allez devant la commission, celle-ci ne peut qu’essayer de vous concilier. Parfois ça passe, mais parfois cela reste infructueux. Et beaucoup de locataires sont obligés de se plier au lieu d’aller devant la commission dont les mesures n’ont aucune force contraignante. Je dois reconnaitre que la commission fait beaucoup d’efforts, mais ses moyens sont limités.’’

Une chose est sûre, malgré le grand enthousiasme suscité à l’époque, le calvaire des locataires continue.

Ba 2 appelé à réaliser en cinq mois ce que Ba 1 n’a pu faire en 11 mois

À l’avènement d’Amadou Ba, il était aussi question de baisse des frais scolaires et universitaires, aussi bien dans le privé que dans le public. Dans le public, le président de la République avait instruit ses hommes d’instaurer la gratuité pour l’élémentaire et le préscolaire ; maximum 3 000 F CFA dans le moyen secondaire, avec un maximum de 5 000 F CFA sous autorisation du conseil d’administration de l’école. Pour l’enseignement privé, une baisse de 10 % a été effectuée sur les frais d’inscription du préscolaire jusqu’au secondaire, avec une interdiction de regrouper les paiements en début d’année. Pour le supérieur, une baisse allant de 5 à 10 % est opérée sur les frais de scolarité d’enseignement privé supérieur. Aujourd’hui encore, les parents d’élèves se plaignent de la cherté des frais scolaires dans le privé, alors que le public ne fait plus rêver.  

Relativement à la jeunesse qui a également semblé être une surpriorité pour le gouvernement d’Amadou Ba, l’exemple le plus éloquent de l’échec des politiques publiques, c’est les vagues d’émigration irrégulière vers l’Europe comme les États-Unis d’Amérique via le Nicaragua avec leurs lots de morts et d’humiliation. Malgré les nombreuses initiatives prises par le gouvernement, les jeunes, désespérés, continuent de fuir le pays pour des lendemains meilleurs, au moment où plusieurs opérateurs économiques menacent faillite avec la situation de quasi-blocage notée au niveau du très stratégique Port autonome de Dakar. Lequel blocage avait été cité parmi les raisons du départ de l’ancien directeur général Aboubacar Sédikh Bèye.

Last but not least, le Sénégal ne verra pas son premier baril en 2023 et les perspectives économiques ne semblent pas être à leur meilleur niveau. C’est du moins ce que faisait ressortir le FMI au mois de septembre, à la suite d’une mission à Dakar. ‘’La situation sociopolitique tendue a pesé sur l'activité des secteurs du commerce et des services au cours du premier semestre de cette année, ce qui a conduit à une révision à la baisse des prévisions de croissance du PIB, qui sont passées de 5,3 % à 4,1 %. L'inflation en glissement annuel est tombée à 5,7 % en juillet, mais de nouvelles pressions inflationnistes provenant de certains produits alimentaires de base (riz, oignon, sucre) sont apparues récemment et les prévisions pour l'inflation moyenne en 2023 ont été révisées à la hausse, passant de 5 % à 6,1 %. Les conditions financières sur le marché régional demeurent tendues. L'exécution du budget jusqu'à la fin du mois de juin a été globalement conforme aux objectifs du programme. Toutefois, l’atteinte des objectifs du programme de fin décembre nécessitera des efforts supplémentaires en matière de mobilisation des recettes’’, peut-on lire dans le communiqué de l’institution de Bretton Woods.

C’est donc dans ces conditions que Ba 2 va naitre avec pour mission de réaliser en moins de cinq mois ce que Ba 1 n’a pu faire en 11 mois.

MOR AMAR

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