Amadou Ba arrêté
Le cadre de l’ex-parti Pastef a passé le weekend en garde à vue à la Section de recherches de Colobane. Les motifs de son interpellation, après son passage vendredi soir sur la SenTV, sont encore inconnus.
C’est à croire que les Sénégalais qui ont demandé, ce 27 octobre 2023, la libération des détenus politiques ont eu une réponse des autorités. Vendredi dernier, la société civile a organisé, à cet effet, une manifestation largement suivie à Dakar. Quelques heures plus tard, Amadou Ba, membre du directoire de l’ex-parti Pastef, a été arrêté au sortir d’une émission de télévision. Une information confirmée par son avocat Maître Ciré Clédor Ly.
Le message est capté par un membre influent de la société civile. Alioune Tine, fondateur du groupe de réflexion AfrikaJom Center, a estimé, quelques heures après l’annonce, que ‘’l’arrestation et la détention d’Amadou Ba met un grain de sable aux petits pas vers la décrispation et le retour de la paix sur quoi on travaille quotidiennement pour la libération de tous les détenus politiques’’.
Il faut rappeler que depuis mai 2023, aucune manifestation de la société civile ou de l’opposition politique n’avait été autorisée.
Alioune Tine : ‘’Un grain de sable aux petits pas vers la décrispation.’’
Bien que le feu vert n’ait été donné que 3 heures avant le début de la manifestation, Amnesty International/Sénégal, la Rencontre africaine pour la défense des Droits de l’homme (Raddho), la Ligue sénégalaise des droits humains (LSDH) et Article 19 Afrique de l’Ouest/Sénégal ont réussi à mobiliser beaucoup de personnes pour réclamer la libération des détenus politiques dont des figures de la société civile.
Mais le répit aura été de courte durée. D’autant plus que l’on ignore encore ce qui est reproché au membre du cabinet politique d’Ousmane Sonko.
Selon Maître Ciré Clédor Ly, Amadou Ba était toujours, samedi, ‘’à la Section de recherches où jusqu'à présent, les motifs de son interpellation ne lui sont pas encore notifiés par les gendarmes qui ont exécuté l’ordre d’une autorité sans murmurer’’.
L’avocat dénonce une garde à vue ‘’juridiquement illégale et attentatoire à la liberté’’, car selon lui, ‘’l’Etat du Sénégal a, comme à ses habitudes, violé l’article 5 du règlement n°5 de l’UEMOA, son droit interne et sa Constitution’’.
‘’Violation des droits d’un opposant’’
Le règlement n°5 de L'UEMOA est relatif au droit d'assistance par un avocat dès l'interpellation. Il dispose que les avocats assistent leurs clients dès leur interpellation, durant l'enquête préliminaire, dans les locaux de la police, de la gendarmerie ou devant le parquet. Et qu’à ce stade, aucune lettre de constitution ne peut être exigée de l'avocat.
L’interpellation d’Amadou Ba pourrait avoir des soubassements politiques. C’est l’avis de Maître Ciré Clédor Ly, qui fait remarquer que la privation de liberté de M. Ba, mandataire de Bassirou Diomaye Faye (secrétaire général du Pastef, arrêté depuis avril 2023) pour l’élection présidentielle du 25 février 2024, ‘’participe de la décision de l’Etat d’étouffer et de détruire tout ce qui pourrait empêcher au successeur choisi par le chef de l’Etat de réussir le coup d’Etat constitutionnel savamment mûri, mais brutalement mis à exécution’’.
La liste des cadres de l’ex-Pastef arrêtés s’allonge avec Amadou Ba. Ce dernier a récemment parcouru les médias pour défendre les positions du parti d’opposition, notamment dans le refus de la Direction générale des Elections (DGE) de tirer les conséquences de l’ordonnance du président du tribunal d’instance de Ziguinchor qui a ordonné la réinscription d’Ousmane Sonko sur les listes électorales, après sa radiation par le ministère de l’Intérieur.
MAME MBAYE NIANG, SUR LE RECOURS DE SONKO A LA CEDEAO ‘’Ils vont perdre leur temps’ D’ailleurs, l’avocat d’Amadou Ba renseigne que c’est son client qui devait se rendre à Abuja (Nigeria) déposer le dossier physique dans la procédure opposant Ousmane Sonko et le parti Pastef contre l’État du Sénégal. Cette audience est programmée pour demain mardi 31 octobre 2023. Une autre raison qui pousse Me Ly à demander la libération ‘’immédiate’’ du membre du cabinet de Sonko. Il y a un mois, les avocats du maire de Ziguinchor ont déposé trois requêtes auprès de la Cour de justice de la CEDEAO réclamant la condamnation de l’État du Sénégal. Les conseils demandent la suspension de la dissolution du Pastef, le rétablissement des droits politiques du parti et de ceux de son candidat Ousmane Sonko en vue de l’élection présidentielle du 25 février 2024. Pour non-respect des droits des détenus politiques, dans le cas des affaires Karim Wade et Khalifa Sall, il est déjà arrivé que le Sénégal soit condamné par la Cour de justice de la CEDEAO sans que les décisions soient exécutées. En se fiant aux déclarations du ministre du Tourisme, Mame Mbaye Niang, l’on s’achemine vers cette possibilité. Interrogé sur le recours déposé par Sonko au niveau de la CEDEAO, le ministre assure que les avocats ‘’vont perdre leur temps, parce qu’ils ont recopié les mêmes documents déposés par Karim Wade. Donc, cela va produire les mêmes effets’’. |
Lamine Diouf