Une étude dévoile le mal-être des auteures de ce crime
Huit femmes sur dix-neuf ayant commis l’infanticide au Sénégal ont entre 25 et 30 ans, selon une étude effectuée par African Population and Health Research Center (APHRC) en collaboration avec Population Council et lbis Reproductive Health. Les travaux ont été partagés, hier, à Dakar, au cours d’un atelier de partage avec des acteurs de la presse sénégalaise.
African Population and Health Research Center (APHRC) a partagé hier, avec la presse, les résultats d’une recherche sur l’infanticide au Sénégal. Elle a été réalisée, en collaboration avec Population Council et Ibis Reproductive Health, entre mai 2021 et janvier 2022. Au cours de l’atelier qui s’est tenu à Dakar, les expériences et mécanismes de pénalisation ont été évoqués.
Selon l’étude, l’infanticide figure parmi les cinq premiers motifs d’incarcération des femmes au Sénégal, soit 22,13 %. L’expérience de 19 femmes et filles dans les prisons a été partagée. L’étude a également permis de recueillir des renseignements auprès de 11 proches et partenaires de victimes ainsi que 26 acteurs des milieux institutionnels (palais de Justice, commissariat de police, structures sanitaires).
Pour la plupart, les femmes qui commettent l’infanticide ont entre 25 et 30 ans. S’agissant de leur niveau d’études, certaines ont abandonné les salles de classe au primaire, d’autres ont reçu l’enseignement coranique. Sur les 19 femmes sur lesquelles l’étude s’est basée, la majeure partie est célibataire.
Vindicte populaire
L’étude a aussi démontré qu’à cause de ces grossesses non désirées, ces femmes sont exposées à la vindicte populaire. Parfois, elles peuvent causer la fragilité des liens sociaux et familiaux chez la plupart des participantes issues de familles de polygame. Ce sont des femmes qui sont également victimes de violences sexuelles et de maltraitances qui optent souvent pour le silence et dans la dénonciation des violences.
L’absence de méthodes contraceptives a été relevée par l’étude. Ceci est dû le plus souvent à un manque d’informations sur les méthodes de contraception, avec une crainte des effets tels que la stérilité, stigma associé à l'utilisation de la contraception par les jeunes, un manque de moyens financiers pour accéder aux méthodes contraceptives, entre autres.
S’agissant de l’expérience de l'accouchement, l’étude indique que les participantes étaient partagées entre solitude et peur. Les résultats renseignent qu’elles accouchent généralement seules et sans assistance, à domicile ou seules dans les centres de santé.
En ce qui concerne les poursuites judiciaires, l’étude fait état de deux condamnations de 5 à 10 ans de réclusion criminelle. Ces dernières ont finalement bénéficié d’une grâce. Toutefois, 11 détenues sont en attente de jugement et une a bénéficié d’un acquittement. En outre, dans leur vie carcérale, les victimes ont témoigné d’un vécu jugé lourd et difficile à porter avec souvent une rupture des liens et un sentiment d'abandon par les proches, parfois même avec des épisodes de dépression.
Les objectifs du dialogue initié avec les acteurs de médias, notamment les journalistes, sont de partager les histoires et perspectives derrière les cas d'infanticide, afin de mettre en lumière les complexités entourant l'infanticide. C’est aussi d’engager une discussion constructive avec les journalistes pour une couverture médiatique plus responsable, empathique et éclairée de l'infanticide, humaniser la question de l'infanticide et des violences sexuelles dans les médias, afin de susciter de l’empathie et une compréhension plus complète des facteurs en jeu.
MAGUETTE NDAO