Les pistes de solutions du général Birame Diop
Pour faire face à des menaces multiformes dans une situation extrêmement préoccupante en Afrique de l'Ouest et au Sahel, il est urgent d’adopter une approche globale qui prend en compte les aspects économiques, sociaux, politiques et diplomatiques de la crise actuelle, selon le ministre des Forces armées conscient que les États doivent apporter une réponse à une équation délicate.
Le colloque de l'Association sénégalaise de la communauté du centre d'études stratégiques de l'Afrique s’est tenu sous le thème ‘’La démocratie à l'épreuve des défis sécuritaires en Afrique de l'Ouest et au Sahel’’. Venu présider la rencontre, le ministre des Forces armées, le général Birame Diop, a fait remarquer que l'Afrique de l'Ouest et le Sahel sont aujourd'hui confrontés à une convergence de défis sécuritaires complexes qui ont pour noms terrorisme, extrémisme violent, trafics illicites, migration irrégulière. À cela s’ajoutent les difficultés économiques et les crises environnementales aiguës qui affectent ces pays et alimentent une instabilité politique chronique.
Ces menaces, selon le ministre, ne mettent pas seulement en danger nos frontières nationales, elles frappent au cœur même de nos institutions politiques et sapent les fondements de la démocratie et de l'État de droit. De ce fait, dans un monde interconnecté, le général Diop préconise que les dirigeants ne perdent pas de vue que ces menaces ont des ramifications internationales considérables.
Pour y faire face, il invite les dirigeants à prêter attention à quatre points : les défis sécuritaires, la démocratie face à l'insécurité, le rôle des forces de défense et de sécurité, et la coopération internationale.
S'agissant des défis sécuritaires, il fait remarquer que l'Afrique de l'Ouest et le Sahel sont aujourd'hui le théâtre de violences sans précédent, alimentées par des groupes terroristes et des réseaux criminels qui exploitent la faiblesse des États, les inégalités sociales et les frustrations des populations. ‘’Ces menaces ne connaissent ni frontières ni nationalités : elles traversent les pays et affectent la sécurité collective de la sous-région. L'extension constante des zones d'insécurité et la difficulté pour les forces de défense et de sécurité de contrôler des espaces vastes et complexes montrent que la réponse militaire seule ne peut suffire’’, prévient-il.
Il préconise donc d’adopter une approche globale qui prend en compte les aspects économiques, sociaux, politiques et diplomatiques de la crise actuelle. Pour cela, il souligne que la sécurité et la démocratie ne doivent pas être perçues comme des objectifs contradictoires.
‘’En effet, la démocratie peut difficilement prospérer sans sécurité. Mais, dans le même temps, sans démocratie, il ne peut y avoir de sécurité durable. Pourtant, nous constatons qu'en période de crise, les institutions démocratiques sont souvent les premières à vaciller sous la pression des urgences sécuritaires. La tentation de privilégier les solutions sécuritaires au détriment des libertés fondamentales est forte. Ces évolutions posent une question centrale : comment renforcer la sécurité tout en préservant l'État de droit ? Nous devons éviter que la réponse sécuritaire légitime ne soit vue comme une menace pour les libertés publiques. La démocratie n'est pas un luxe auquel nous pouvons renoncer en période de crise, mais une condition indispensable à la stabilité durable’’, déclare-t-il.
Le général Birame Diop est ainsi convaincu que ‘’des institutions fortes, inclusives et transparentes constituent notre meilleure arme contre l'extrémisme et la radicalisation’’. C’est pourquoi il demande de privilégier une approche fondée sur la sécurité humaine qui intègre les droits sociaux, économiques et politiques de nos populations. ‘’Nous devons résolument lutter contre l'érosion de la confiance dans les institutions démocratiques qu'exacerbent les difficultés de nos États à assurer la sécurité et la stabilité auxquelles aspirent nos populations’’.
Dans ce chantier, les forces de défense et de sécurité, à ses yeux, jouent un rôle crucial. Il s’explique : ‘’Elles ne sont pas seulement des acteurs de la sécurité, mais aussi des garants des institutions et du respect des principes démocratiques. Il est fondamental que leur action se fasse dans un cadre respectueux des droits humains et sous le contrôle d'institutions civiles légitimes. Le Sénégal en est une illustration. Nos forces armées ont toujours su conjuguer professionnalisme et respect des institutions, et leur engagement au service de la paix s'est manifesté aussi bien sur le plan national que dans les opérations de maintien de la paix dans le monde’’.
‘’Nos défis sont transnationaux et nos réponses doivent être transnationales’’
Ainsi, pour répondre aux défis qui assaillent la sous-région, le ministre opte pour une approche régionale et internationale, placée sous le sceau de la coopération et du partenariat. Car il pense qu'aucun pays ne peut, à lui seul, venir à bout des menaces sécuritaires qui frappent le Sahel et l'Afrique de l'Ouest. ‘’Nos défis sont transnationaux et nos réponses doivent être transnationales. La coopération régionale au sein de l'UEMOA et de la CEDEAO est donc indispensable pour coordonner nos efforts et mutualiser nos moyens. Il s'agit-là de l'option diplomatique prônée par l'État du Sénégal, qui consiste à relancer le chantier de la coopération régionale, dans le respect de la dignité et de la souveraineté de tous les États membres’’.
Ce n’est pas tout, le général Diop pense aussi qu’il faut renforcer le partenariat avec la communauté internationale pour asseoir une coopération technique et financière nécessaire à la lutte contre le terrorisme et l'instabilité.
CHEIKH THIAM