Publié le 2 Dec 2023 - 22:31
DETTES, INDEMNITÉS, CONDITIONS DE TRAVAIL…

Une situation extrêmement tendue à l’ENAMC

 

Des travailleurs de l’École nationale des arts et métiers de la culture (ENAMC) se mobilisent pour dénoncer des problèmes de paiement des vacations et une ‘’discrimination’’ dans le versement des arriérés d’indemnités. Ils expriment également leur mécontentement face aux licenciements, aux conditions de travail et à la gestion de l’établissement. Ils menacent de saisir l'Ofnac. L'administration générale a formulé une réponse.

 

Une vive tension règne à l'École nationale des arts et métiers de la culture (ENAMC) où le collectif des agents administratifs accuse le directeur général Mamadou Diombéra de nombreux méfaits. Le débat a été relancé suite à une déclaration du ministre de la Culture et du Patrimoine historique, Aliou Sow, lors de l'examen du budget de son département à l'Assemblée nationale. Le ministre a affirmé : "Quand je suis arrivé, les bourses n'étaient pas payées, les heures de vacation n'étaient pas payées, les dettes étaient extrêmement élevées. Aujourd'hui, toutes les heures de vacation sont payées. Il n'y a pas de passif." Cette déclaration a suscité la stupéfaction parmi les membres du Collectif des agents administratifs de l'ENAMC qui continuent de réclamer le paiement des vacations.

En effet, les agents soulignent qu'ils n'ont toujours pas reçu leur rémunération et ils constatent que les membres de la fanfare qui donnent des cours de musique sont dans la même situation. Le président Matar Coundoul confie à ‘’EnQuête’’, en présence de ses collègues : "Depuis plus de deux mois, il a commencé à payer, mais étrangement, seuls mes collègues du collectif et moi-même n'avons pas encore été rémunérés. Nous l'avons interpellé à ce sujet et avons soumis deux demandes d'audience, il y a déjà deux mois. Mais nous n'avons toujours pas reçu notre paiement. Depuis lors, il prétend que les fonds sont en cours de traitement, mais cela fait plus de deux mois qu'il a payé les autres. Nous interprétons cela comme une tentative de retarder les choses et de jouer avec le temps pour refuser de nous payer."

Les membres du collectif réclament également le paiement des arriérés d'indemnités laissés par l'ancien directeur. De plus, ils se sentent exclus en raison de leurs réclamations. Monsieur Coundoul déplore : "Le directeur général refuse de payer, malgré les injonctions du ministre qui lui a demandé, lors de notre audience en mai, de payer et de consolider nos acquis, s'il ne peut pas les augmenter. Il nous a complètement exclus de la gestion. Hier (jeudi), il a convoqué une réunion pour la rentrée de cette année, en excluant  tous les agents administratifs : les surveillants, les chefs de division, les responsables du centre de documentation, les secrétaires, etc. Ils sont membres du collectif et réclament les arriérés, leurs paiements et une augmentation. C'est tout ce qu'ils demandent. Nous n'avons pas de problème avec lui, nous ne sommes pas en guerre contre lui. Nous demandons simplement plus de considération. Vous ne pouvez pas convoquer une réunion qui devrait être générale - toutes les composantes de l'école devraient y participer - et exclure uniquement les enseignants, alors que ce sont les agents administratifs qui exécutent les tâches. Pour nous, cela équivaut à nous déclarer la guerre."

De plus, selon M. Coundoul, lors du concours d'entrée, le directeur général a préféré recruter une équipe externe (des étudiants et anciens étudiants) pour effectuer le travail à la place de l'équipe interne. "Nous ne comprenons pas cette démarche. Soit il règle nos problèmes et assume pleinement son rôle de directeur général, soit il démissionne. On ne peut pas gérer l'école avec une partie seulement de l'équipe", a-t-il ajouté.

‘’… Qu’il démissionne’’

Le journal a contacté la Direction générale de l'ENAMC pour obtenir sa version des faits concernant toutes les questions soulevées. Le directeur des ressources humaines s'est montré plus à l'aise pour répondre aux questions que le DG. En ce qui concerne l'indemnité des vacataires, Madieng Sall a donné sa version des faits. Il souligne que le directeur général a découvert l'existence de dettes à son arrivée, mais qu'il ne disposait pas de preuves tangibles, car les transactions se faisaient principalement de manière informelle. Il a donc fallu du temps pour rassembler des preuves, les certifier et traiter ces dettes.

Madieng Sall explique : "En ce qui concerne les vacataires, qui sont des fonctionnaires venant enseigner à l'école, une fois que toutes ces preuves ont été rassemblées, ils ont été rémunérés. Toutes les dettes ont été régularisées. En réalité, il y a deux aspects distincts. Il y a les enseignants permanents et les vacataires. Les enseignants permanents réclament des indemnités liées à leur participation aux jurys. Lorsqu'un jury est formé, il y a d'abord un arrêté de nomination, puis une convocation et enfin les procès-verbaux du jury."

Selon Matar Coundoul, il y a une confusion. "Tous les vacataires ne sont pas payés. Ils veulent embrouiller les gens en mélangeant les choses. La question du paiement des vacataires est différente de celle des membres du jury. L'indemnité du jury dont ils parlent ne concerne pas tous les membres. Il y a seulement six personnes, dont les secrétaires. Moi j'ai été payé, car je suis fonctionnaire. Aujourd'hui, ils ne veulent plus que nous fassions partie du jury, mais ils devraient d'abord nous payer ce qu'ils nous doivent. La direction générale a les preuves en sa possession, depuis la cérémonie de passation entre l'actuel directeur général et son prédécesseur. Néanmoins, ils prétendent avoir rassemblé les procès-verbaux qu'ils vont déposer", réplique M. Coundoul.

Madieng Sall explique que, dans un premier temps, M. Coundoul et les autres demandaient plus de 9 millions, puis ils ont revu à la baisse autour de 2 millions pour six personnes. "Quand on leur a demandé pourquoi ils ont réduit le montant, ils ont dit que c'était juste pour faciliter, car l'école était en difficulté. Ils disent avoir préféré garder les enseignants permanents. Maintenant, on leur demande simplement de fournir des preuves. Dans notre situation de dettes, l'ENAMC n'a aucune dette", affirme M. Sall.

 Selon des informations, le collectif a finalement déposé les procès-verbaux pour les indemnités du jury.

Conditions de travail

Par ailleurs, parlant des conditions à l’ENAMC, Matar Coundoul et Cie ont soulevé un problème de manque de matériel dont des machines. Il y a aussi l’absence d’Internet depuis le mois de mars.  Au niveau de la direction générale, il a été signalé un manque d’eau depuis trois mois, obligeant le personnel à se débrouiller avec ses propres moyens pour s’en procurer. Pis, des disparités salariales sont aussi dénoncées.

‘’Récemment, ils ont recruté avec de très bons salaires. On a constaté que nos collègues qui sont là et qui ont des CDI, n’ont pas les mêmes salaires. La différence est énorme. Le DG est là depuis janvier. Bientôt, il va faire un an. On nous parle de 300 millions de budget. À chaque fois, il dit qu’on n’a pas d’argent. Nous n’avons pas vu un investissement du directeur dans cette école. Donc, nous demandons où sont passés ces 300 millions ? Nous n’hésiterons pas à saisir l’Ofnac pour demander des comptes, parce qu’il s’agit de l’argent du contribuable’’, prévient le collectif qui dénonce par la même occasion le non-renouvellement du contrat de deux de leurs collègues.  De plus, le collectif réclame trois tableaux de l’école que le DG avait pris.

Explications de la direction générale sur la situation de l'école

Sur ces points également, Madieng Sall a apporté des explications. Concernant le manque d’eau, cela s’explique, d’après lui, par le fait qu’il se trouve à un niveau élevé. Et qu’il y a eu un problème avec la pompe qui fait monter l’eau. ‘’Hier même, on a fait venir le plombier ; il a identifié le problème, il a dit que c'était une pièce qui coûte environ 27 000 F CFA. Il a essayé de l’avoir au niveau de la périphérie. Mais il ne l’a pas trouvée. Il a dit qu’aujourd’hui (hier) même, il partira en ville pour trouver la pièce’’, a-t-il soutenu.

En ce qui concerne le matériel, il dit : ‘’On nous a parlé de matériel de musique à réparer. J’ai contacté le menuisier. Il sera là-bas la semaine prochaine pour régler tous ces problèmes."

L'objectif est de permettre aux élèves de bien commencer l'année académique, car cette école doit ouvrir ses portes le 4 ou le 5 décembre prochain. "Nous avons déjà commencé à acheter du matériel et nous le ferons progressivement. Nous avons recueilli les besoins de l'ensemble du personnel. Donc, dans deux ou trois mois, je pense que tout le personnel sera occupé", ajoute Madieng Sall.

En ce qui concerne l'Internet, une équipe a été envoyée sur place pour évaluer la situation et que les travaux vont bientôt commencer. Au niveau de l'administration, nous avons pu constater de nos propres yeux que le câblage a déjà été réalisé.

En ce qui concerne la question des tableaux, M. Sall trouve cela amusant et estime que les choses ne se sont pas déroulées ainsi. Selon lui, il est normal que le directeur général puisse emprunter des œuvres d'art de l'école dans le but de promouvoir l'établissement lors de manifestations extérieures ou lorsqu'il est invité. Il précise : "Dans le but de promouvoir l'image de l'école, en tant que directeur général, il avait emprunté des tableaux pour les exposer. Je crois qu'il en a offert un ou deux à un ambassadeur pour montrer qu'il y a du talent dans cet établissement. Ce n'est pas quelque chose de nébuleux, comme ils le disent. Le directeur l'a fait en toute transparence."

En ce qui concerne les écarts salariaux, le directeur des ressources humaines explique que cela est arrivé, suite à une audience avec le personnel. "À son arrivée, le directeur général a cherché à entendre tout le monde. Il a demandé à chacun quelles étaient ses compétences et où il se sentirait le mieux. C'est sur cette base que nous avons procédé à une sorte de réorganisation des effectifs", précise-t-il.

BABACAR SY SEYE

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