Publié le 17 Jan 2024 - 11:18
RECOURS DEVANT LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Ce qu’il faut savoir sur les procédures devant les sages

 

À presque un mois de la Présidentielle, alors que certains électeurs les attendent sur leurs offres de gouvernance, les candidats continuent de s’entredéchirer pour écarter de la course des adversaires potentiels.

 

Une démocratie atypique. À quelques petites semaines de la Présidentielle, le processus électoral est tenu en otage par les différents candidats. Chacun essayant d’écarter de la course des adversaires qui, pourtant, peuvent représenter des sensibilités importantes de la population.

Pour Thierno Alassane Sall, l’inclusion qu’il a tant prônée semble valoir pour tout le monde, sauf pour Karim Wade. Pour Amadou Ba et le régime, après avoir tout déployé pour empêcher Ousmane Sonko d’être candidat, ils semblent diriger leur fusil contre Bassirou Diomaye Faye, bien parti pour être le candidat porté par l’ex-Pastef.

Ce n’est là que les recours les plus médiatisés. Mais tout porte à croire qu’il y en a d’autres, en sus des réclamations contre le processus de vérification des parrainages. Quelles sont les chances de réussite de ces différents recours ? Dans quels délais le Conseil constitutionnel devra rendre ses décisions ? Autant de questions sur lesquelles les Sénégalais attendent des réponses.

D’emblée, il faut préciser une chose. ‘’Les décisions du Conseil constitutionnel, conformément à l’article 92 de la Constitution, ne sont susceptibles d’aucune voie de recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles’’.

Dans sa décision n°3-E-2019 Affaires n°13 à 24-E-19, le Conseil rappelle ce principe fondamental et précise la portée de la disposition électorale relative au contentieux sur les listes électorales.

Selon la haute juridiction, l’article 92 ‘’interdit toute voie de recours contre les décisions du Conseil constitutionnel’’.

Il résulte de cette disposition, explique la haute juridiction, que ‘’la réclamation, au sens de l’article L122 du Code électoral, ne peut avoir pour objet ou pour effet la réformation ou l’annulation de la décision fondée sur une erreur dans l’appréciation des circonstances de fait ou l’interprétation de la règle de droit’’. Elle ne peut non plus avoir pour objet ou pour effet ‘’la rétractation de la décision fondée sur ce qu’une partie n’aurait pas été entendue ou appelée, la procédure devant le Conseil constitutionnel n’étant pas contradictoire’’.

Selon les sept sages, la requête doit être rejetée lorsque les moyens sur lesquels elle est fondée ont pour objet de critiquer le raisonnement suivi par le Conseil constitutionnel ou la motivation de sa décision.

En sus de ces limites, la loi organique n°2016-23 du 14 juillet 2016 relative au Conseil constitutionnel dispose que la procédure devant la juridiction n’est pas contradictoire. C’est sans doute pourquoi le candidat Karim Wade, à travers son mandataire, est allé de son propre chef produire devant la juridiction les preuves qu’il ne serait pas français. Un document qui, d’après la loi organique, n’a qu’une valeur de simple renseignement.

Toutefois, le législateur précise que le Conseil ‘’prescrit toutes les mesures d’instruction qui lui paraissent utiles et fixe les délais dans lesquels ces mesures devront être exécutées’’.

Parrains non reconnus, manipulation des fichiers, vérification des documents physiques…

En 2019, ils ont été nombreux à saisir le Conseil constitutionnel, dans le but de faire des réclamations sur le processus de vérification des parrainages ayant abouti à l’invalidation de leurs candidatures. Presque tous les motifs invoqués cette année par les candidats ont été invoqués lors de la précédente présidentielle. Tous ont été rejetés par la haute juridiction qui a fini par confirmer sa liste. Ci-après les principaux griefs invoqués contre les opérations de contrôle des parrainages.

En 2024 comme en 2019, les candidats se sont plaints de ce qu’il est convenu d’appeler les parrains non reconnus par le fichier électoral. Si le Conseil invoque généralement des erreurs matérielles sur les données électorales, les candidats ont toujours eu à l’accuser d’être responsable de ces manquements. C’était le cas de plusieurs candidats dont Hadjibou Soumaré qui indexaient les informaticiens du Conseil constitutionnel.

‘’… Il y a eu manifestement modification de son contenu lors de la copie par l’informaticien du Conseil constitutionnel’’ soutenait le candidat qui sollicitait une nouvelle vérification. La réponse du Conseil : ‘’Les dysfonctionnements et actes de malveillance que le requérant invoque pour expliquer l’invalidation de certains parrainages ne sont pas établis ; qu’il s’agit de simples allégations…’’

Le raisonnement était le même pour les requérants qui invoquaient des dysfonctionnements au niveau de la Daf à l’appui de leurs réclamations. ‘’Considérant que les dysfonctionnements et actes de malveillance que le requérant invoque pour expliquer l’invalidation de certains parrainages, ne sont pas établis ; qu’il s’agit de simples allégations’’, affirmaient les sages à propos des parrains non reconnus.

Par ailleurs, aux candidats qui lui reprochaient de ne pas recourir aux documents physiques pour vérifier si les données sont exactes ou fausses, le Conseil répondait en ces termes : ‘’S’agissant des erreurs matérielles, il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de confronter les deux fichiers déposés par le candidat, pour compléter les insuffisances de l’un par les mentions de l’autre.’’

Sur les doublons externes et ceux qui demandaient une autre notification aux fins de correction, la haute juridiction est également formelle. Elle opposait les rigueurs de la loi qui ne prévoit la correction que dans un délai de 48 heures à partir de la notification.

 Quelle est la suite ?

Malgré le mince espoir, nombre de candidats ont introduit des recours devant le Conseil constitutionnel. Maintenant que la période impartie pour déposer les réclamations est épuisée, le Conseil constitutionnel va statuer sans délai, en vue de publier la liste définitive des candidats pour l’élection présidentielle de février 2024.

Il n’est toutefois pas tenu par les délais. À la fin de ce contentieux, la haute juridiction pourra faire procéder à toute autre publication qu’elle juge opportune.

Rappelons que même si ses compétences en matière électorale font le plus de bruit, le champ de compétence du Conseil ne se limite pas aux élections. 

Selon la loi organique susvisée, ‘’le Conseil se prononce sur la constitutionnalité des lois, sur le caractère réglementaire des dispositions de forme législative, sur la recevabilité des propositions de loi et amendements d’origine parlementaire, sur la constitutionnalité des engagements internationaux, sur les exceptions d’inconstitutionnalité soulevées devant la Cour d’appel ou la Cour suprême, sur les conflits de compétence entre le pouvoir Exécutif et le pouvoir Législatif’’, entre autres domaines de compétence. 

‘’Conformément aux dispositions des articles 29, 30, 33, 34, 35, 36, 37, 41 de la Constitution, précise l’article 2 de ladite loi, le Conseil constitutionnel reçoit les candidatures à la présidence de la République, arrête la liste des candidats, statue sur les contestations relatives aux élections du président de la République, des députés à l’Assemblée nationale et des hauts conseillers et en proclame les résultats. Il reçoit le serment du président de la République et constate sa démission, son empêchement ou son décès ainsi que la démission, l’empêchement ou le décès des personnes appelées à le suppléer dans ces cas’’.

Par rapport à son organisation, l’organe juridictionnel comprend sept membres nommés par décret pour six ans non renouvelables, dont un président et un vice-président. ‘’Les membres du Conseil constitutionnel sont choisis parmi : les magistrats ayant exercé les fonctions de Premier président de la Cour suprême, de procureur général près la Cour suprême, de président de chambre à la Cour suprême, de premier avocat général près la Cour suprême, de président de Cour d’appel et de procureur général près une Cour d’appel ; les professeurs titulaires de droit ; les inspecteurs généraux d’État ; les avocats. Les personnalités visées, en activité ou à la retraite, doivent avoir au moins vingt ans d’ancienneté dans la Fonction publique ou vingt ans d’exercice de leur profession’’, prévoit la loi y relative.

Mor AMAR

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