Publié le 13 Feb 2024 - 11:30
DIALOGUE NATIONAL

Une loi d’amnistie pour desserrer la pression populaire sur le régime

 

La loi d’amnistie générale qu’envisage de faire voter le gouvernement est au cœur de toutes les polémiques.  Beaucoup dénoncent une manœuvre de Macky Sall pour diviser l’opposition et faire baisser les tensions dans le pays, suite au report de la Présidentielle.

 

Le pouvoir de Macky Sall face à la montée de la contestation contre le report de la Présidentielle, entend lâcher du lest dans le dossier des prisonniers politiques.

Ainsi, le régime prévoit de déposer sur la table de l’Assemblée nationale un projet de loi garantissant l’amnistie générale pour les émeutes de mars 2021 et de juin 2023.

Du côté du palais de l’avenue Léopold Sédar Senghor, cette démarche entre en droite de ligne de la volonté de dialogue du président Macky Sall et dans sa quête d’aller vers des élections inclusives. Cette loi devrait être adoptée le 14 février 2024 devant le Conseil des ministres avant d'être soumise au Parlement. Au-delà des personnes arrêtées en marge des manifestations, la mesure devrait concerner des faits plus anciens, notamment ceux liés aux condamnations de Karim Wade et Khalifa Sall. Ces derniers ont été condamnés pour escroquerie aux deniers publics pour Khalifa Sall et d’enrichissement illicite pour Karim Wade.

Pour Seydi Gassama, directeur exécutif d’Amnesty International/Sénégal, toute amnistie relative à des crimes économiques et des prédations financières serait une violation de la bonne gouvernance de base de l'État de droit.

Selon lui, aucune loi ne doit servir à effacer d’un trait de plume les mauvaises gestions notées dans l’affaire Petrotim, Force-Covid-19 et Prodac.

Les différentes commissions parlementaires ont été reçues hier par le président de l’Assemblée nationale Amadou Mame Diop pour travailler sur cette question. Les modalités et le libellé de cette amnistie générale n’ont pas encore fuité, mais son essence vise à élargir des centaines de jeunes  manifestants qui croupissent dans les geôles sénégalaises depuis les émeutes de mars 2021 et de juin 2023. 

Amnistie ou la prime à l’impunité

Toutefois, cette mesure risque de s’attirer les foudres d’organisations des Droits de l’homme qui craignent que cette loi ne soit une prime à l’impunité des forces de défense et de sécurité. Depuis plus d’un an, Amnesty International réclame la tenue d’une commission d’enquête pour faire la lumière sur les décès survenus lors des manifestations violemment réprimées par les forces de sécurité. Des enquêtes préliminaires menées par des ONG et HRW ont pointé du doigt l’action des forces de l’ordre.

Cette nouvelle loi viendrait ainsi mettre fin au travail des familles de victimes et des organisations des droits humains qui réclament justice pour les manifestants tués lors de ces événements. ‘’Nous attendons justement de voir ce que comporte cette loi, mais elle ne doit pas porter sur des faits, sur des meurtres, des détentions arbitraires et des actes de torture. Les Sénégalais sont en droit d’attendre la justice par rapport à ces événements. Nous avons de jeunes manifestants sénégalais qui ont été tués par les forces de sécurité et des nervis sans qu’il y ait aucune poursuite judiciaire. Une loi d’amnistie ne doit pas être une prime à l’impunité’’, déclare Seydi Gassama.

Le droit de l'hommiste dit sa volonté d’accompagner les familles des 60 jeunes Sénégalais tués lors de ces émeutes à combattre pour obtenir justice jusqu’à la Cour de la CEDEAO et au Comité des Droits de l’homme des Nations Unies.

Sonko dit ‘’niet’’ au dialogue national

‘’Il vient aujourd’hui chercher des alibis, chercher l’onction d’Ousmane Sonko, alors que quand il le mettait en prison, les gens avaient alerté et lui avait déconseillé de l’emprisonner, de le persécuter, mais il n’avait écouté personne. Il avait préféré rester dans son schéma politique. Aujourd’hui qu’il est tombé dans son propre piège, il veut amnistier. Ousmane Sonko n’a rien demandé. Il est au Cap manuel. Personne ne sait ce qu’il dit ou pense’’, a déclaré Cheikh Tidiane Dièye, candidat à la Présidentielle de 2024.

Cette affirmation vise déjà à éviter toute instrumentalisation de la part du pouvoir du cas de Sonko. Le chef de l’État subit d’intenses pressions sur le plan interne et à l’étranger, suite au report du scrutin. La libération de son adversaire le plus irréductible et très populaire chez les jeunes serait ainsi interprétée comme la démonstration de sa sincérité et de sa volonté à mener des concertations avec toutes les forces vives de la nation. Le pouvoir chercherait aussi, en libérant le leader de  l’ex-Pastef, désarmer une partie de la contestation qui n’a pas digéré la répression politique contre cette formation.

Selon plusieurs spécialistes, cette loi comporte un piège qui pourrait réduire à néant le narratif du maire de Ziguinchor qui s’est toujours positionné comme le candidat antisystème et anticorruption. Cette amnistie dont les contours seront connus dans les prochains jours devrait aussi comporter le volet économique qui permettrait d’absoudre toutes les personnes incriminées pour des faits de crimes économiques et financiers sous le magistère de Macky Sall. 

Même si la loi  qui sera votée permettra de sauver les responsables ‘’pastéfiens’’ emprisonnés, elle pourrait aussi détruire le message de changement et de rupture que tente d’incarner l’ex-Pastef.  La répression policière qui s’est abattue sur leur formation politique avec l’arrestation de plusieurs cadres et militants emprisonnés destructurant fortement ce parti. Un élargissement d’un grand nombre de ‘’pastéfiens’’ pourrait donner un nouvel élan au parti. 

Les cas Sonko et Diomaye Faye toujours en suspens

Ainsi, Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye, poursuivis pour terrorisme, appel à l’insurrection et troubles à l’ordre public, pourraient-ils voir leurs charges abandonnées ? Pourraient-ils bénéficier de cette loi d’amnistie ? Le professeur Iba Barry Camara appelle à la prudence, dans la mesure où les contours de cette loi ne sont pas encore connus.

Mais, ajoute-t-il, l'amnistie, a la base, a été conçue pour résoudre des infractions politiques et porte sur des faits précis, sur une périodicité bien définie. ‘’L’amnistie concerne des infractions commises qui ont été jugées ou non. Dans le cas de Sonko et de Diomaye, les faits ont été requalifiés en crimes et placés sous mandat de dépôt. Ils n’ont même pas été entendus par le juge d’instruction. Les dispositions que comporte cette loi, si elle est adoptée par l’Assemblée nationale, nous permettront de savoir s’ils seront concernés par la loi d’amnistie’’, déclare l’enseignant en droit public à l'Ucad.

Pour l’heure, l’État entend se servir de cette perspective d’une possible libération de Sonko pour calmer la rue. Macky Sall espère ainsi désamorcer les tensions politiques à l’approche du 2 avril 2024 date limite de la fin de son mandat. La question de sa fin de mandat et les risques de troubles ne sont pas à exclure dans les prochains jours.

Pour rappel, Ousmane Sonko avait été condamné à deux ans ferme pour corruption de jeunesse et à six mois de sursis pour diffamation dans l’affaire l’opposant au ministre Mame Mbaye Niang. Une condamnation qui, sur le plan du Code électoral, le rend inéligible au regard de l’article 29. La Cour suprême a confirmé le jugement le jeudi 4 janvier dernier. La pertinence du dialogue initié par Macky Sall passe par une participation du chef de file de l’opposition Ousmane Sonko qui est toujours le politicien le plus populaire auprès des jeunes. Le maire de Ziguinchor pourrait ainsi symboliser l’inclusivité dans ce processus électoral tant décrié par l’opposition.

Mamadou Makhfouse NGOM

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