Publié le 3 Jun 2024 - 12:25
KEUR NDIAYE LO

Les chars et engins de l’ONU sèment la psychose

 

Débarqués du Mali, des équipements militaires lourds des Nations Unies sont parqués depuis des mois dans la paisible cité Dabakh, à Keur Ndiaye Lo, dans le département de Rufisque, au milieu des habitations et préoccupent les populations qui soupçonnent la présence de munitions et de bombes à l’intérieur des containers.

 

 

La présence de chars de combat et autres engins de guerre en plein cœur de leur quartier indispose plus d’un riverain à la cité Dabakh de Keur Ndiaye Lo, dans le département de Rufisque. La quarantaine révolue, Mamadou Mbengue ne dort plus du sommeil du juste. Chaque nuit, confesse-t-il avec amertume, les bruits des engins les empêchent de dormir tranquillement. ‘’C’est un tapage nocturne perpétuel que nous vivons. Nous n’arrivons plus à dormir à cause des engins, mais le gérant est insensible à cette situation. Il dit partout que nous ne pouvons rien contre lui, parce qu’il a un titre foncier, alors que nous n’avons que des délibérations. C’est vraiment narguer les populations que de nous balancer qu’il a plus de droits que nous’’, peste M. Mbengue, visiblement exaspéré par cette cohabitation.

Selon lui, en construisant le mur de son hangar, l’entreprise n’a même pas respecté la distance réglementaire devant séparer leurs murs mitoyens. ‘’Au lieu des 4 m, ils ont pris tout l’espace pour ne laisser que 90 cm entre nos deux murs. Cela n’est même pas sûr parce qu’un individu malintentionné peut se cacher entre ces deux murs et commettre son forfait. J’ai dû également payer beaucoup plus cher pour avoir les branchements de la SDE, parce que les agents avaient trouvé l’espace trop exigu pour faire le travail’’.

Embouchant la même trompette, Pape Oumar Diallo s’insurge contre une transformation brutale des activités du hangar. Espace de stockage d’oignons et de pommes de terre au début, le site est devenu peu à peu un endroit où l’on parque du matériel de guerre appartenant aux Nations Unies.

Quand les Nations Unies collaborent avec une entreprise ‘’irresponsable’’

Sur place, on aperçoit à l’intérieur du site bien clôturé des containers et des engins de tous types. La situation était bien plus inquiétante, précisent les riverains. À un moment, insistent-ils, le hangar était tellement rempli que les engins étaient stationnés le long de la seule voie qui entre dans le quartier en provenance de la route principale de Sangalkam. ‘’Il y avait vraiment de quoi avoir peur, d’autant plus que nous ne sommes informés de rien. Nous n'avons pas de problème particulier avec l'entreprise, mais c’est louche de voir les locaux être transformés comme ça, du jour au lendemain, en un entrepôt de stockage d’équipements lourds militaires. Nous sommes d’autant plus inquiets que nous ne sommes informés de rien’’, prévient Pape Oumar Diallo.

Au-delà des engins, ce qui effraie le plus les riverains, c’est les containers scellés entreposés au milieu de leur quartier. Ces mouvements de containers et des chars, à les en croire, ont commencé depuis le départ des forces de la Mission des Nations Unies au Mali. ‘’C’est durant cette période que nous avons commencé à voir l’arrivée de ces équipements. Depuis lors, ils sont là et perturbent la tranquillité de notre cadre de vie’’, dénonce Mamadou Mbengue. Il peste : ‘’Nous ne savons même pas non plus ce qu’il y a à l’intérieur des containers.’’

Face à ce manque d’information, les rumeurs les plus folles courent dans le quartier. Certains n’hésitant pas à avancer que les containers contiendraient des bombes et des munitions.

Venu s’enquérir de la situation, le maire de Sangalkam, à la suite d’une visite du hangar, s’est adressé à ses administrés. Il est largement revenu sur les soupçons de présence de bombes dans le hangar. ‘’J'ai fait le tour du hangar, j’ai même pu prendre des vidéos. Ce que je puis vous dire, c’est qu’il y a 1 500 véhicules et des containers. Par contre, je n’ai pu vérifier ce qu'il y a à l'intérieur des containers, parce qu’ils sont sous scellés. Je ne peux donc vous dire s'il y a des bombes ou pas. Mais normalement, lundi (aujourd’hui), je dois revenir ici avec le sous-préfet et le commandant de la gendarmerie. Nous aurons sans doute plus de détails sur le contenu de ces containers’’.

Le maire confirme la présence de 1 500 véhicules en provenance du Mali, mais reste circonspect sur les bombes et les munitions.

Avant cette visite accélérée par l’annonce de la visite du député Guy Marius Sagna, le maire dit avoir reçu les parties au niveau de l’hôtel de ville. Il tente de rassurer ses administrés : ‘’Il y avait non seulement le gérant de l’entreprise, mais aussi les représentants des populations. Devant les notables, je lui (le gérant) avais demandé s’il y avait des bombes et il avait répondu par la négative. Il avait aussi assuré que ce matériel, qui vient du Mali, est déposé ici par Bolloré et qu’il détiendrait tous les documents nécessaires, notamment ceux délivrés par la douane.’’

À en croire le maire qui cite le gérant de l’entreprise, ces équipements doivent être acheminés vers d’autres destinations, dont le Nigeria et que d’ici le mois de juillet, ils devraient tous être évacués. Pape Sow tente de calmer la colère des riverains : ‘’Nous nous battons pour vous ; j'habite ici à 300 m. S'il y a des dégâts, je ne serai pas épargné. La sécurité des lieux nous tient donc à cœur.’’ 

Par ailleurs, les riverains ont aussi dénoncé la dégradation de la voie qui mène vers le quartier à cause de ces camions et autres engins de l’entreprise Istamco. Mère de  famille, Sambou Sarr plaide pour une réhabilitation de la route impraticable à chaque hivernage. ‘’L'activité de cette entreprise entrave sérieusement la liberté d'aller et de venir des citoyens que nous sommes, particulièrement les enfants qui doivent cohabiter avec les gros engins sur le chemin de l'école ainsi que les dames.  Mais les problèmes sont surtout exacerbés durant l’hivernage. Moi, j’ai une 207 que je suis obligée de garer quand il pleut. Soit on patauge soit on prend des charrettes, si l’on n’a pas de 4x4. C’est vraiment un calvaire. Nous demandons à l’État de nous aider pour refaire la route’’.

Les questions de Guy Marius Sagna au gouvernement 

Tout en dénonçant la transformation de la vocation du site passé de hangar d’oignons et de pommes de terre à dépôts d’équipements militaires, Guy Marius Sagna déplore davantage la méthode. ‘’Il y a quelque chose qui s'est passé à partir du 24 mars et il faut l’intégrer une bonne fois pour toutes. On ne peut plus traiter cette population comme des mineurs, comme des gens avec qui on ne discute pas, comme des gens qu'on n’associe pas, comme des gens qu'on ne consulte pas. Je pense que si les populations avaient été consultées en amont avant même l'arrivée de ces équipements, on aurait pu éviter ce genre de situation. Il faut que les gouvernants apprennent à consulter les citoyens ; je pense qu’on devrait même pouvoir les autoriser à entrer et visiter les containers. Je ne vois pas où est le problème’’.

Cela dit, le député de Yewwi Askan Wi souligne avoir écrit au gouvernement pour de plus amples informations à propos de ce dépôt. À la question de savoir si c’est la présence des chars qui le préoccupe ou simplement le déficit de communication, il peste : ‘’Je suis choqué par le tout. Le déficit de communication est juste un facteur aggravant. Pour le reste, il faut d’abord clarifier si la société en question est habilitée à exercer ce genre d’activité. Est-ce qu'un matériel pareil doit être parqué au milieu des habitations, au milieu des populations ? Quel est le contenu même de ces containers ? Nous avons saisi les autorités compétentes et attendons leur réponse’’, a-t-il répliqué.

Pour lui, ‘’s'il y avait un autre endroit plus sûr, plus éloigné des populations, il vaudrait mieux y acheminer le matériel’’.  

À l’en croire, il ne doit plus y avoir  de détournement d'objectif. ‘’Si le hangar a été fait pour recevoir des oignons et des pommes de terre, il ne doit pas recevoir du matériel de guerre. Et quand bien même il doit y avoir un changement, les populations doivent bien en être informées’’.

MOR AMAR

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