Publié le 20 Jul 2024 - 23:23
DISTRIBUTION DE L'EAU POTABLE EN ZONE URBAINE ET PÉRI-URBAINE

Le Forum social sénégalais accule la multinationale Suez

 

Le coordinateur du Forum social sénégalais (FSS), Mamadou Mignane Diouf, a invité hier les autorités sénégalaises à publier le contrat d'affermage pour la gestion du service public de production et de distribution d'eau potable en zone urbaine et périurbaine, signé entre la multinationale française Suez et l'État du Sénégal. Si rien n’est fait pour clarifier cette situation, le FSS envisage d’organiser une marche contre la gouvernance de l'eau au Sénégal ainsi que contre Suez et les sociétés privées à l’échelle mondiale.

 

Lors d’un point de presse hier, le coordinateur du Forum social sénégalais (FSS) a demandé aux autorités publiques de publier le contrat d'affermage pour la gestion du service public de production et de distribution d'eau potable en zone urbaine et périurbaine, signé entre le Groupe Suez et l'État du Sénégal. "Nous demandons au gouvernement de réexaminer la situation du contrat d'affermage attribué à Suez et de corriger les injustices en cours à l’encontre des travailleurs, dont certains sont menacés de licenciement alors qu’ils ne font que leur travail de délégués", a exhorté le coordinateur du FSS. Il a également demandé au Gouvernement du Sénégal "de procéder à la publication de ce contrat avec Suez, qui vient également de perdre ses avoirs au Maroc que Veolia a rétrocédés au Gouvernement du Royaume".

Selon M. Diouf, la publication de ce contrat devrait permettre aux acteurs de comprendre la part du secteur privé ainsi que celle des sociétés privées présentes dans le capital, dans le cadre du contrat avec Suez. Pour inciter les autorités à se pencher sur la question, le FSS a annoncé la mise en place d’un plan d'actions. Il s'agit d'organiser une marche contre la gouvernance de l'eau au Sénégal et contre Suez et les sociétés privées à l’échelle mondiale, ainsi qu’une autre marche en collaboration avec les Asufors, les organisations syndicales, les organisations de consommateurs et autres. De plus, le coordinateur du FSS prévoit de saisir l'Assemblée nationale pour une enquête dans le secteur.

Toujours dans le cadre du plan d'actions, il envisage de remettre au Président de la République un mémorandum citoyen, qui pourrait, entre autres points, contenir l'urgence de la mise en place d'une Haute Autorité de l'Eau et de l'Assainissement au Sénégal. Mamadou Mignane Diouf propose également au président de la République de constitutionnaliser le Droit à l'eau et à l'assainissement à la place du Code de l'eau, comme c'est le cas dans certains pays africains et dans le monde.

"Un pillage systématique de la Sen'Eau par le groupe Suez"

Par la même occasion, Mamadou Mignane Diouf a rappelé que le groupe Suez assure la gestion de l'entreprise avec des expatriés occupant les plus grands postes de responsabilité, à savoir le Secrétariat général, les finances, la clientèle, la maintenance et la technique. Selon lui, "Il y a de quoi se poser des questions sur la gouvernance de l'eau au Sénégal, d'autant plus que dans l'actionnariat, si l'on tient compte des parts annoncées pour le Sénégal, Suez n'est pas majoritaire." Il a également rappelé que récemment, le Chef de l'État a parlé d'un avenant proposé par Suez, qui pourrait contenir une augmentation du prix de l'eau au Sénégal. "Avec tout ce qui se dit sur la facturation depuis les trois dernières années, comment peut-on envisager une augmentation du prix au mètre cube d'eau ? Est-ce à dire que le bilan financier de la gestion de Suez est déficitaire ?"

Selon le coordinateur du FSS, le bilan de la quatrième année est fortement attendu, et il espère que le nouveau régime prendra des décisions pour revoir le contrat avec Suez, qui a imposé au Sénégal un système de management. Il déplore qu'avec un tel système de management, il y ait "un pillage systématique de la Sen'Eau par le groupe Suez", car dans ce modèle, c'est bien Suez qui fournit tous les services à sa filiale sénégalaise, qui lui paye en retour tout travail effectué. Par exemple, explique-t-il, dans les missions d'assistance technique que le Groupe Suez effectue via ses multiples assistants techniques envoyés en mission à la Sen'Eau tout au long de l'année, il y a une faible valeur ajoutée pour l'entreprise, comme si le Sénégal ne disposait pas de ressources humaines compétentes.

La vente de matériels et d’intrants et maintenance de logiciels

Mamadou Mignane Diouf a rappelé que le Groupe Suez se charge de la vente à la Sen'Eau et de la maintenance de ses propres logiciels (Aar-Sen'Eau, Gordon, etc.). Rien que le logiciel de gestion client Aar-Sen'Eau a coûté plus de deux milliards de FCFA au profit du Groupe Suez, a-t-il précisé. Ce logiciel, qui souffre de problèmes de performance, plombe la gestion des opérations clients, et de nombreux clients se plaignent. Selon M. Diouf, le Groupe Suez se réserve également la vente de matériels, de produits et d’intrants utilisés dans le traitement de l'eau, ce qui lui permet de réaliser plusieurs centaines de millions de FCFA sur les achats que la Sen'Eau est tenue de faire pour ces produits et matériels. Ce système de quasi-monopole, regrette-t-il, comporte des risques de gonflement des prix d'achat ou de doublement inutile des stocks de matériels, dont certains pourraient devenir obsolètes avec le temps.

De plus, a-t-il déploré, Suez se réserve également l'exclusivité de donner tous les gros contrats d'achat et de location de matériels (voitures, groupes électrogènes, maintenance du parc automobile) à des entreprises françaises, ainsi que le marché des dotations de carburant du parc automobile, des groupes électrogènes et des groupes motopompes, qui se chiffre à plusieurs milliards et est essentiellement réservé à une certaine société dans le secteur de l'énergie. Avec une telle gestion où tous les bénéfices vont vers l'extérieur, regrette-t-il, "on observe forcément une baisse des indicateurs clés de performance, une faible qualité du service client marquée par des retards dans les délais de branchement des clients, des retards dans le traitement des demandes de compteurs divisionnaires, ainsi qu’une surfacturation des clients due aux remplacements des anciens compteurs par de nouveaux compteurs qui sur-comptent."

Nominations et promotions sur fond de népotisme

Selon Mamadou Mignane Diouf, si les résultats sont négatifs, ce sont les travailleurs qui en pâtissent. Ainsi, dit-il, "à la place des recrutements habituels en contrats CDI ou CDD, la Sen'Eau procède depuis l'année 2023 à des recrutements d'intérimaires via un cabinet RH appelé Humainis Capital. Ce mode de recrutement serait actuellement presque généralisé dans tous les corps de métiers (releveurs, plombiers, agents de traitement, réceptionnistes, ingénieurs, etc.) et toutes les catégories (agents exécutants, agents de maîtrise, cadres)."

Selon le coordinateur du FSS, "les représentants des travailleurs ainsi que leur soutien et adhérents de leur syndicat subissent plusieurs formes de persécutions telles que : plaintes à la gendarmerie, à la police et au tribunal correctionnel ; demandes d'explications ; affectations arbitraires ; rétrogradations ; absence de promotion et d’avancement annuel ; mise au frigo ; privation de départ en missions ; retrait de véhicules de service ; mises à pied ; demandes de licenciement et convocations devant la commission de discipline." Il a également dénoncé le recrutement d'un inspecteur du travail au poste de DRH. Au lieu de recruter un DRH qualifié et expérimenté, a-t-il regretté, "la Sen'Eau aurait débauché un inspecteur régional du travail à Dakar, avec pour objectif principal de réprimer et de soumettre les travailleurs à un régime de privation au mépris des dispositions du Code du travail et des conventions collectives nationales interprofessionnelles."

Ce dernier, dit-il, procède à des mises à pied et des licenciements en masse tout en accentuant la répression des délégués du personnel. Dernièrement, a-t-il ajouté, les nominations et promotions internes aux postes de responsabilité sont basées sur le copinage et l’appartenance syndicale. Ces nominations et promotions, au détriment des personnes méritantes, contribuent à saper le moral des travailleurs et à plomber les résultats de l'entreprise.

FATIMA ZAHRA DIALLO

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