Une diplomatie en mouvement
Annoncé pour la troisième fois à Paris en deux mois, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, qui tente de dessiner les nouveaux contours de la coopération avec la France, est attendu au mois de septembre en Chine et aux États-Unis.
Pendant que le Premier ministre ne rate presque jamais une occasion de tirer à boulets rouges sur Paris, le président de la République, lui, semble plus enclin à une normalisation des rapports. Tout en se montrant ferme dans sa volonté de préserver les intérêts du Sénégal, Diomaye répond à presque toutes les invitations d’Emmanuel Macron.
Depuis son accession à la magistrature suprême, c’est la troisième fois qu’il est annoncé dans la capitale française, répondant à l’invitation de son homologue français.
Après les sommets sur la souveraineté vaccinale (juin) et sur le sport (juillet), le successeur de Macky Sall sera cette fois en France dans le cadre de la célébration du débarquement en Provence prévue le 15 août. S’il honore ce rendez-vous, ce sera la troisième fois en si peu de temps. À ceux qui seraient tentés de se demander ce qu'il va encore faire en terre française, un de ses collaborateurs apportait une précision dans les colonnes du média français ‘’Le Monde’’.
‘’Si le président vient, c’est pour faire un discours fort sur Thiaroye et le colonialisme, pas pour rester assis aux côtés d’autres présidents africains’’, lit-on dans un article publié le 31 juillet dernier.
Alors que jusque-là les préparatifs se déroulaient comme sur des roulettes, un élément imprévu est venu perturber un peu les schémas initialement mis en place. Il s’agit de la publication de l’information selon laquelle six tirailleurs sénégalais ont été reconnus ‘’morts pour la France’’. Une information qui est loin de plaire au tout-puissant Premier ministre du Sénégal, Ousmane Sonko.
En sa qualité de président du Pastef, le n°2 du régime est monté au créneau pour protester de manière vigoureuse. ‘’Je tiens à rappeler à la France qu’elle ne pourra plus ni faire ni conter seule ce bout d’histoire tragique. Ce n’est pas à elle de fixer unilatéralement le nombre d’Africains trahis et assassinés, après avoir contribué à la sauver, ni le type et la portée de la reconnaissance et des réparations qu’ils méritent’’, fulminait-il sous le manteau de président de parti.
L’affaire semble d’autant plus gênante que l’information devait être rendue publique, selon ‘’Le Monde’’, dans le cadre de la visite prochaine du président Diomaye Faye. ‘’Selon plusieurs sources, écrit le média, cette avancée devait être rendue publique le 15 août, à l’occasion des cérémonies de commémoration du débarquement en Provence des soldats des colonies, auxquelles Bassirou Diomaye Faye devrait se rendre. Mais la publication de l’information par Armelle Mabon sur son blog le 11 juillet – l’historienne venait de la recevoir du ministère des Armées – a changé le calendrier’’.
Dans tous les cas, la virulence du propos du PM n’a pas échappé à Paris qui s’est toutefois refusé à répondre officiellement à un président de parti, informe ‘’Le Monde’’ qui cite le secrétariat d’État français chargé des Anciens combattants et de la Mémoire. Dans un courriel adressé au média, ce dernier a expliqué ‘’le choix d’octroyer la mention ‘Mort pour la France’ à seulement six soldats’’ par le fait que ‘’ce sont des personnes nommément identifiées […] dont les dossiers, en possession du Service historique de la défense, mentionnent qu’ils sont décédés à la suite du massacre de Thiaroye’’. La source de poursuivre que ‘’l’attribution de cette mention n’a pas vocation à être limitée à ces six premiers tirailleurs’’.
Le sujet vient ainsi s’ajouter à ceux qui étaient déjà abordés lors des précédentes visites, à savoir : la souveraineté vaccinale, le sport et le développement durable, la question des bases militaires…
Ces différentes visites ne laissent pas indifférente l’opinion publique nationale. Alors que les détracteurs du régime dénoncent ce qu’ils considèrent comme une ‘’incohérence’’ en rappelant le discours ‘’anti-France’’ des nouveaux gouvernants, leurs partisans bottent en touche et préfèrent mettre en avant la volonté du nouveau président de redéfinir les termes du partenariat.
Parmi tous les sujets, un revient sans cesse au-devant de la scène. Il s’agit de la coopération militaire entre les deux pays. Interpellé sur la question dans une interview avec des médias locaux à l’occasion des 100 jours de son gouvernement, le président Faye, tout en reconnaissant que la coopération militaire a été abordée avec Macron, précisait : ‘’Je ne veux pas qu’on fasse de fixation sur un pays ; que ça soit la France, la Russie, la Chine ou quelque autre pays. Tout le monde sait que nous sommes des souverainistes et dans la quête de ces souverainetés (économique, alimentaire, pharmaceutique, numérique, militaire...), on ne ménagera aucun effort.’’
Le président de la République, qui avait insisté sur la nécessité de définir une nouvelle doctrine militaire avec les hauts officiers, avait clairement souligné que cette doctrine va être présentée à tous les partenaires potentiels. ‘’Les hauts officiers sont en train de travailler sur une loi sur la défense et la sécurité nationale… La doctrine militaire, elle sera définie pour nous et par nous. Et elle sera présentée à tous les autres partenaires susceptibles d’être intéressés…’’, affirmait-il avec force.
D’ailleurs, après la part belle des visites réservées à la France, le président de la République est attendu au mois de septembre, d’abord en Chine, pour le Sommet Chine-Afrique, ensuite aux États-Unis pour l’Assemblée générale des Nations Unies. Ce sera sans doute l’occasion de rencontrer les officiels de ces pays et de poser les nouveaux contours de la politique diplomatique et économique du Sénégal.
L’on nous signale, par ailleurs, que le président Bassirou Diomaye Faye devrait retourner à Paris au mois d’octobre, sans précision sur l’objet de ce qui serait sa nième visite, si elle est confirmée.
Par Amadou Fall