Publié le 4 Sep 2024 - 20:29
RELATION CHEIKH AHMADOU BAMBA ET NDAR

Une belle histoire d’amour

 

Une relation particulière lie la ville de Ndar au mouridisme et à son fondateur Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké. Le saint homme attachait une grande estime à la vieille cité et à ses populations. D’ailleurs, des sources mourides ont soutenu que le cheikh a visité à maintes reprises Ndar bien avant 1895, sur la route de son exil au Gabon, avec la célèbre prière des deux rakkas effectuée dans le bureau du gouverneur colonial de Saint-Louis, le 5 septembre de la même année. Un geste qui témoigne de l’engagement, de l’adoration et du courage de Khadim Rassoul. Ainsi, pour perpétuer cette date historique du 5 septembre 1895 pour la Oummah islamique, des talibés ont initié le Magal des deux rakkas depuis 1976, sous le ‘’ndiguel’’ de Cheikh Abdoul Ahat Mbacké, khalife général des mourides d’alors.

 

C’est une longue histoire d’amour qui lie la cité de Ndar à Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké.  D’ailleurs, le passage du cheikh dans la vieille ville, sur sa route de l’exil au Gabon en 1895, a marqué son époque. Serigne Touba portait la ville de Ndar dans son cœur et l’exprimait partout et à toutes les occasions. À en croire des conférenciers mourides, le fondateur du mouridisme disait souvent à ses proches talibés : ‘’Si seulement on connaissait réellement les bienfaits que le bon Dieu a gardés dans la ville de Ndar, personne n'aurait le courage de porter des chaussures pour y marcher.’’ 

Selon toujours les mêmes sources, Khadim Rassoul a effectué sa première visite à Ndar vers 1873, où il a rencontré des érudits de l’islam. De ce premier voyage est né un amour profond pour la ville qu’il revisita à plusieurs reprises, notamment en 1884 et lors de son voyage en Mauritanie.

Toutefois, la plus remarquée de ces visites dans cette partie du pays est celle effectuée entre les mois d'août et septembre 1895.

Ndar un jour, l’ombre de Khadim Rassoul et ses œuvres pour toujours

Ainsi, le 10 août 1895, Cheikh Ahmadou Bamba quitte Mbacké Baari pour répondre à une convocation du gouverneur ‘’toubab’’ à Ndar. Mais en cours de route, il se heurte, à Djéwol, à un important détachement de soldats envoyés par le gouverneur colonial pour l’arrêter. Selon de nombreuses sources mourides dont Serigne Fallou Mbacké, deuxième khalife général des mourides, témoin oculaire de cet évènement, les Blancs se sont basés sur une correspondance faussement paraphée avec le cachet de Samba Laobé Penda.

Dans cette lettre adressée aux autorités coloniales à l’insu de Khadim Rassoul et du Bourba Djoloff, le faussaire leur déclarait la guerre dans le seul but de nuire à Serigne Touba. Pourtant, par la plume de l’administrateur Angot, le colon lui reconnaissait une non-violence légendaire. Dans ses rapports déposés sur la table du gouverneur colonial de Saint-Louis en avril 1889, l’administrateur écrivait ceci : ‘’Au cours de ma mission, j’ai réalisé des enquêtes dans différents endroits sur les activités du marabout. Partout, je n’ai entendu que du bien à son sujet.’’

Après l’avoir interné dans différents sites hostiles à travers la ville, à la veille de l’audience du procès illégal, le 4 septembre 1895, il fut placé au Rognat Nord (actuel hôtel Rognat). Le jeudi 5 septembre 1895 vers 10 h, Cheikh Ahmadou Bamba est convoqué au palais du gouverneur situé à quelques mètres de son lieu de détention. La réunion du conseil privé décide de l’exiler par le PV n°1 à la délibération n°16. Un moment de courage qui a permis au saint homme de rappeler aux colons qu’ils ne sont rien et que la puissance n’est détenue que par Allah.

Ndar, ville mystérieuse et mystique

Avant de confirmer devant le gouverneur français les propos de son frère Mame Thierno Borom Darou : ‘’Vous n’êtes point le propriétaire de Ndar. Vous avez trouvé Ndar et après votre mort, Ndar continuera à exister.  Les gens qui vous flattent sont en train de vous berner. Votre créateur est le créateur de Ndar. C’est lui le propriétaire de Ndar.’’

Après avoir défié le gouverneur colonial dans son bureau, Serigne Touba fut incarcéré dans une petite cellule à l’intérieur du palais du gouverneur. Ce cachot demeure l’attraction des milliers de pèlerins mourides lors du Magal des deux rakkas. En réponse à la sanction de le déporter au Gabon, Khadimou Rassoul a écrit : ‘’Ceux qui, en me déportant à travers l'océan, cherchaient à me nuire, n'ont fait que contribuer à me rapprocher d’Allah.’’

Toujours dans ses écrits, Cheikh Bamba dit : ‘’J’étais seul dans une pièce et il faisait très sombre. Mais Allah, le Très-Haut, m’a sauvé de toutes ces ténèbres par sa grandeur et j’ai commencé à prier pour le Prophète (PSL). Après que je sois sorti de cette pièce, on m’a embarqué sur un petit bateau qui m’a conduit vers un grand navire. Mais Allah m’a offert ce jour-là son appui et m’a donné une constante extraordinaire jusqu’à ce que je sois arrivé sur ce navire et j’ai su que la parole d’Allah est la plus sublime.’’ Pour montrer son amour pour la ville de Saint-Louis, il écrivit : ‘’Ndar un jour, l’ombre de Serigne Touba Mbacké Khadim Rassoul et ses œuvres pour toujours.’’

Ainsi, pour perpétuer cela, chaque année, à la date du 5 septembre, des millions de talibés se donnent rendez-vous à la place Faidherbe pour y prier, sous le ‘’ndiguel’’ du khalife général des mourides.

 

IBRAHIMA BOCAR SENE (SAINT LOUIS)

 

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