Publié le 27 Nov 2024 - 18:22
SOUVERAINETÉS ET SÉCURITÉ EN AFRIQUE DE L’OUEST ET AU SAHEL

Le Cheds à l’avant-garde du combat

 

La question lancinante de la souveraineté et de la sécurité en Afrique de l’Ouest et au Sahel est au cœur de la deuxième édition du Colloque international du Centre des hautes études de défense et de sécurité (Cheds). Un appel a été lancé pour la refondation de l’Unité africaine et du Sahel.

 

"Souverainetés et sécurité en Afrique de l'Ouest et au Sahel : pour des solutions durables". C’est le thème de la 2e édition du Colloque international du Centre des hautes études de défense et de sécurité (Cheds), après la première édition tenue en 2023 sur le thème "Les enjeux et défis pour une sécurité collective en Afrique de l’Ouest : quelles solutions ?". 

Il s’agit, cette année, de pousser la réflexion sur la problématique de la sécurité en Afrique de l’Ouest et au Sahel, en rapport avec la souveraineté sous ses différentes formes, en vue d’identifier et de proposer des solutions qui se veulent réalistes.

"Dans un contexte marqué par la dissémination de menaces multiformes et les prémices de la fragmentation de notre communauté économique régionale, il urge de repenser la sécurité de nos États sous le prisme de la souveraineté," a déclaré, hier, le directeur général du Cheds, le général de brigade Jean Diémé, lors de la cérémonie officielle d’ouverture. Il a parlé de la souveraineté sous plusieurs formes : économique, financière, militaire, alimentaire ou encore technologique.

Sous ce postulat, il apparaît, à ses yeux, que la gestion de la sécurité humaine au sein des États, qui est une compétence régalienne, a des ramifications transnationales et communautaires. Celles-ci, dit-il, font écho à une plus grande responsabilité et à un engagement accru de la part de ces États. Autrement dit, il s'agit là de la prise en main du destin sécuritaire de l'Afrique par l'Afrique elle-même.

"Or, aujourd'hui, l'unité des États africains, tant souhaitée par les fondateurs de l'Union africaine et de la CEDEAO, est affectée par la scission de la CEDEAO et la création, en septembre 2023, de l'Alliance des États du Sahel (AES). Malgré les tentatives de négociation jusqu'ici infructueuses de la CEDEAO pour faire revenir nos frères maliens, nigériens et burkinabé, nous nourrissons bon espoir quant au retour à la normale dans la sous-région, notamment avec la nomination de Son Excellence Monsieur Bassirou Diomaye Diakhar Faye, président de la République du Sénégal, en qualité de facilitateur entre la CEDEAO et les pays de l'AES", a indiqué le général Diémé.

Il se dit convaincu que le développement de l'Afrique passera inéluctablement par la réconciliation des cœurs, des peuples et des États, pour une Afrique unie, résiliente et prospère.

La refondation de l’unité africaine et du Sahel

Le directeur général du Cheds rappelle qu’au sein de l'Afrique de l'Ouest, "la conscience de la nécessité" d'instaurer une union pour faire face aux différents défis qui ne manqueraient pas de se poser aux États nouvellement affranchis de la tutelle coloniale a conduit à la création de la CEDEAO, le 28 mai 1975. "Les débats n'ont cessé depuis lors de saluer cet effort de solidarité entre États confrontés aux mêmes préoccupations de développement économique, tout en relevant les limites et les insuffisances de ce projet, avec le péché originel qui lui est largement reproché d'avoir mis la charrue avant les bœufs, car ayant omis de mettre en avant le primat de l'unité politique avant celui de l'intégration économique. Quels sont les risques liés à la fragmentation des États de la sous-région ouest-africaine et du Sahel ? Que ne nous a-t-il pas dit ? Qu'avons-nous retenu de ses enseignements ?", a poursuivi le général de brigade Jean Diémé.

Il note que le professeur Cheikh Anta Diop, visionnaire, avait perçu très tôt les incohérences de la mise en place d'une union économique au détriment de celle politique. "De manière prémonitoire, comme l'oracle qu'il a toujours été dans beaucoup de domaines, il nous encourageait à privilégier les efforts de cohésion politique au détriment des intérêts égoïstes", a soutenu le général, qui renseigne que le Pr. Cheikh Anta Diop n'a cessé de préconiser la création d'un État fédéral à l'échelle continentale, fondé sur le consentement des différents États à lui confier des pans de leur souveraineté : défense, commerce extérieur, affaires étrangères.

Pour ce qui est de la défense, d’après M. Diémé, Cheikh Anta envisageait la création de forces armées panafricaines, dont les membres seraient issus de tous les pays du continent. Et en ce qui concerne le commerce extérieur, la jonction des forces allait permettre, à ses yeux, d'accorder au continent une position de force dans les négociations relatives à l'exploitation des ressources naturelles. "La refondation de l'unité, plus spécifiquement en Afrique de l'Ouest et au Sahel, devra avant tout débuter par une introspection et une réforme de nos organisations communautaires, en vue de les adapter aux réalités sécuritaires et exigences du moment", a invité le général de brigade Jean Diémé.

En effet, souligne-t-il, l'Afrique de l'Ouest et le Sahel sont confrontés à plusieurs défis sécuritaires qui concourent à l'instabilité des États. Ces derniers, mus par la dynamique des menaces auxquelles ils sont confrontés, ont un devoir d'adaptation systématique et indispensable.

Ainsi, en organisant ce colloque, le Cheds ambitionne de créer un cadre de dialogue et d'échange devant permettre de trouver des pistes de solutions durables tenant compte de la dualité inextricable entre la souveraineté et la sécurité.

Les activités préoccupantes des groupes djihadistes

La situation sécuritaire en Afrique de l'Ouest et au Sahel, où plusieurs États sont encore affectés par les activités de groupes djihadistes, reste préoccupante, selon le Cheds. De plus, il y a le phénomène migratoire, à travers des canaux peu conventionnels, mettant en péril l'avenir de la jeunesse africaine. "Cette jeunesse, désœuvrée, confrontée à des facteurs politiques, socioéconomiques et environnementaux complexes, animée par un fervent désir de réussite, et croyant fermement aux mirages de l'eldorado occidental, périt sur les routes et dans le désert ou bien se retrouve engloutie par milliers dans les abysses de l'océan Atlantique et de la mer Méditerranée," regrette le général Diémé.

Il faut également noter que les questions liées au changement climatique et à la gestion des ressources naturelles ont une place importante au niveau du colloque international du Cheds. Pour le Cheds, la nécessité d'une bonne gouvernance des ressources naturelles est un impératif à la stabilité des États.

De même, selon le général de brigade Jean Diémé, avec son potentiel en énergies renouvelables, l'Afrique devrait jouer un rôle de premier plan dans la préservation de l'environnement mondial.

"Toutefois, ces ambitions ne pourront se réaliser qu'avec des politiques adaptées répondant au mieux aux attentes des populations. Il convient ici, dans l'intérêt de tous, de mettre en relief la question de la négociation et de la renégociation des contrats conclus dans le cadre de l'exploitation des ressources naturelles de l'Afrique, en vue de parvenir à des coopérations équilibrées" a-t-il prévenu.

Pour sa part, le ministre des Forces armées, le général Birame Diop, considère qu’il faut repenser la souveraineté des États de l’Afrique de l’Ouest et du Sahel, non pas en autarcie, mais dans le cadre d’une coopération renforcée, avec des initiatives régionales adaptées aux besoins et aux aspirations des peuples. L’Afrique de l’Ouest et le Sahel sont confrontés, aujourd'hui, à des défis multiples qui interpellent leur souveraineté.

"Nos pays, bien que riches de leur diversité et de leurs ressources naturelles, restent tributaires de diverses pressions extérieures. Depuis notre indépendance envers les puissances étrangères, aggravée par une compétition géopolitique exacerbée, elles limitent la capacité de nos États à assumer pleinement leur souveraineté. Leurs influences extérieures, qu’elles soient économiques, politiques ou sécuritaires, redéfinissent nos priorités, redéfinissent nos priorités et fragilisent notre autonomie", a-t-il déclaré.

Cette dépendance, en partie héritée des structures économiques mondiales, s’est intensifiée sous l’effet des nouvelles réalités du multilatéralisme, d’après lui. "Les contraintes imposées par les réseaux d’échanges globaux et les enjeux de pouvoir des pays développés pèsent sur nos choix et, très souvent, imposent des concessions qui réduisent notre marge de manœuvre", a dit le ministre des Forces armées, appelant au renouvellement des engagements des États de l’Afrique de l’Ouest et du Sahel en faveur d’une souveraineté africaine solide qui repose sur des décisions endogènes, en adéquation avec leurs réalités et leurs aspirations.

BABACAR SY SEYE

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