Les assurances du garde des Sceaux
Face aux défis juridiques liés aux crimes graves contre l’humanité, le Sénégal, selon le garde des Sceaux, ministre de la Justice, est en mesure de donner des réponses favorables.
"La justice pénale internationale, à travers la Cour pénale spéciale centrafricaine et les Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises : enseignements et perspectives". Tel est le thème d'une conférence internationale organisée hier au Centre de formation judiciaire (CFJ).
Venu présider la cérémonie d'ouverture, le garde des Sceaux, ministre de la Justice a soutenu que des souffrances causées par les conflits armés et les crises humanitaires qui se multiplient à travers le monde et particulièrement en Afrique sont constatées. ‘’Ces événements tragiques, d'après Ousmane Diagne, sont souvent accompagnés de violations massives des droits humains qui restent, très souvent et malheureusement, impunies. La justice pénale internationale se présente alors comme un rempart essentiel contre ces crimes de masse odieux’’, a-t-il dit.
La création de la Cour pénale internationale (CPI), a-t-il poursuivi, ‘’a marqué un tournant historique en offrant un cadre juridique solide pour poursuivre les auteurs de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et de génocide’’.
Toutefois, insiste-t-il, ‘’de nombreux défis persistent. C'est dans ce contexte que cette conférence se révèle particulièrement opportune, car, selon lui, elle offre l'occasion d'échanger sur les meilleures pratiques, d'identifier les obstacles à surmonter et de définir de nouvelles orientations pour renforcer l'efficacité de la justice pénale internationale’’. Aussi, ‘’l'adoption du statut de la Cour pénale internationale en 1998 a instauré une nouvelle ère, en offrant un précieux complément aux juridictions nationales dans leur bataille contre les crimes internationaux. La conférence de ce matin se propose, justement, d'approfondir cette vocation de complémentarité. Par nature, les autres juridictions spéciales internationales comme le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, le Tribunal spécial résiduel pour la Sierra Leone ou encore les Chambres africaines extraordinaires au Sénégal ne se substituent pas aux systèmes nationaux, mais les renforcent par leur support et leur expertise’’. D’ailleurs, concernant les Chambres africaines extraordinaires, Ousmane Diagne a dit qu’elles ‘’ont joué un rôle significatif dans le paysage juridique et judiciaire sénégalais, voire africain, dans le renforcement de la justice pénale internationale sur le continent".
Selon lui, le succès de ce mécanisme judiciaire résulte du soutien politique de l’État du Sénégal et de sa volonté affirmée de lutter contre l’impunité des crimes internationaux.
‘’À travers ce modèle de justice qui peut constituer une référence pour d’autres pays africains, notre pays, selon lui, a démontré qu’il est fort possible de répondre aux défis juridiques liés aux crimes graves contre l’humanité et, par conséquent, de juger en Afrique, par des Africains, des crimes commis sur le continent’’, a dit M. Diagne.
Quant à la Cour pénale spéciale pour la République centrafricaine, elle constitue également, à ses yeux, un réel motif de satisfaction au regard de son apport considérable dans la mise en œuvre du processus de justice transitionnelle en Centrafrique. "L'enjeu de notre rencontre est donc de réexaminer, à la lumière de nos avancées collectives et des perspectives à venir, les cadres juridiques et institutionnels qui régissent la justice pénale internationale. En droite ligne de ses missions, le Centre de formation judiciaire du Sénégal souhaite créer un creuset de partage des bonnes pratiques et de remédiation des faiblesses", a promis le ministre.
Selon le directeur général du Centre de formation judiciaire, certains se demandent si le qualificatif ‘’international’’ n’enlève pas à la justice pénale ses attributs de véritable pouvoir, au regard des nombreux griefs relevés contre les juridictions internationales telles que l’absence de forces de police chargées d’exécuter les décisions des juridictions internationales, les suspicions, légitimes ou non d’instrumentalisation par les puissances politiques, la lenteur des procédures et le coût jugé exorbitant de leur fonctionnement. Souleymane Teliko de préciser que ‘’s’il faut admettre le caractère bien-fondé d’une partie de ces critiques, rien ne peut pour autant justifier que soit remise en cause la légitimité d’un édifice que des esprits éclairés et volontaristes ont mis si longtemps à bâtir. Autrement, ce serait, d'après lui, perdre de vue que la justice ne se réduit pas aux institutions qui l’incarnent et qu’elle représente avant tout un symbole, un idéal qui transcende les frontières et les époques’’.
Les dysfonctionnements notés dans la marche de ces TPI, a-t-il confié, ‘’ont conduit la communauté internationale à imaginer d’autres types d’organes juridictionnels. C’est tout le sens de la création des juridictions hybrides que sont le Tribunal spécial pour la Sierra Leone en 2002, le Tribunal spécial du Liban en 2007, les Chambres africaines extraordinaires en 2012 et la Cour pénale spéciale de Bangui en 2015. Dans cette galaxie de juridictions dites de troisième génération, deux se distinguent par leur lien affectif et territorial avec l’Afrique : il s’agit de la Cour pénale spéciale de Bangui, chargée de juger les auteurs de crimes graves commis sur le territoire centrafricain depuis 2003, et des Chambres africaines extraordinaires, chargées d’enquêter, d’instruire et de juger les crimes internationaux commis sur le territoire tchadien entre 1982 et 1990. Par leur composition et leur mode de fonctionnement, les juridictions hybrides ont vocation à renforcer les systèmes judiciaires nationaux auxquels elles sont rattachées, à travers la formation d’une expertise nationale et la mise en conformité des procédures judiciaires avec les standards internationaux d’une justice indépendante et impartiale’’.
C’est précisément pour cette raison, selon le juge Teliko, que ‘’le CFJ a entrepris, à travers l’organisation de cette rencontre et avec l’appui fort appréciable du ministre de la justice, de créer ce cadre de réflexion et de partage pour favoriser les conditions d’une meilleure appropriation par les différents acteurs de la justice, des règles et pratiques judiciaires que ces deux juridictions ont eu le mérite de consacrer’’.
CHEIKH THIAM