Les grandes orientations du gouvernement
Maillon essentiel dans la mise en œuvre de l'Agenda 2050, le ministère du Pétrole, de l'Énergie et des Mines est en conclave pour réfléchir sur la feuille de route qui doit lui permettre de jouer pleinement son rôle. Lors de l'atelier de lancement qui s'est déroulé vendredi, les participants ont particulièrement insisté sur la transformation et la valorisation des ressources. Le ministre est aussi revenu sur l'engagement du gouvernement à faire baisser les prix de l'électricité, malgré les pressions du FMI.
Transformer et valoriser les ressources extractives. C'est l'une des grandes ambitions du ministère du Pétrole, de l'Énergie et des Mines, sur lequel repose en grande partie la réussite du nouveau référentiel économique Agenda 2050. Lors d'un atelier tenu vendredi dernier, réunissant tous les acteurs de cette administration, le ministre Birame Souleye Diop l'a réaffirmé avec force : “Notre ambition est de faire en sorte que les ressources soient transformées sur place. Nous avons du phosphate, au lieu de continuer de le vendre en l'état pour ensuite importer de l'engrais, pourquoi ne pas transformer cette ressource en engrais. Nous comptons travailler dans ce sens pour la plupart de nos ressources. Aussi bien pour le phosphate, le basalte et toutes les autres ressources.”
Trois produits ont été au cœur des discussions. D'abord, le phosphate pour faire de l'engrais. Ensuite, les matériaux de construction, dont le fer, qui devront servir à la construction d’infrastructures, mais aussi à la baisse des prix pour les Sénégalais et enfin l'énergie à travers l'utilisation du gaz domestique. Cela suppose, selon nombre de participants, de favoriser l'exploitation de ces ressources par les nationaux, tant que c'est possible. “Il est vrai qu’on ne peut pas tout exploiter par nous-mêmes, mais des substances comme le phosphate, les matériaux de construction, on peut bien les exploiter dans notre pays et avec des acteurs nationaux. Parce que c'est des produits sur lesquels nous avons une certaine expérience, nous les exploitons depuis 1960”, a plaidé un intervenant.
Dans la mise en œuvre de cette stratégie, certains acteurs, et non des moindres, ont soulevé quelques inquiétudes. C'est le cas du directeur des Mines et de la Géologie qui s'interroge sur l'option consistant à mettre le curseur sur le phosphate de Matam. “À travers les présentations, on fait focus sur la transformation du phosphate de Matam. Mais j’ai une inquiétude particulière par rapport à ce process. Dans le Matam, sur le plan géologique, avant d’atteindre la couche de phosphate, il faut traverser d’autres couches qui sont aussi importantes et qui constituent des minéraux industriels. Nous n’avons pas une certaine visibilité sur la stratégie et sur ce que nous comptons faire de ces couches”, a mis en exergue Ibrahima Gassama.
Phosphate et matériaux de construction, ces piliers de la politique industrielle
Dans le même sillage, le directeur des Mines et de la Géologie a insisté sur la nécessité d'avoir la maitrise sur les données. “Si l’on veut faire de ce secteur un levier important pour le référentiel, il y a un secteur à prendre en compte. C’est le volet acquisition de données géologiques à travers la recherche. Il nous faut une banque nationale de données fiables pour une meilleure stratégie et vision dans ce secteur. Et pour ce faire, je ne pense pas qu’il soit utile de créer de nouveaux services. Il faut juste un meilleur mécanisme de coordination avec des prérogatives bien définies pour chaque entité”, a-t-il relevé. Selon lui, malgré toutes ses potentialités, le Sénégal ne dispose pas d'un laboratoire national permettant de faire l’analyse. “On a des millions de tonnes d’échantillons qui sortent des sites miniers en direction de Bamako, du Burkina Faso, pour des analyses en or et autres. Ils ne reviennent pas. Juste à travers ces analyses, on peut capitaliser et avoir énormément de données géologiques jusqu’à des profondeurs qui sont proches d'un kilomètre. Cela nous permettrait d’avoir une banque de données géologiques. À partir de là, on peut définir une stratégie efficace de gestion du secteur”, souligne le directeur de la Géologie et des Mines.
Dans son intervention, l'expert Abdou Karim Sock a mis l'accent sur la nécessité d'avoir une approche secteur et une démarche inclusive pour la réussite du projet. “Aujourd’hui, il y a plus de participants issus de l’administration ou du secteur parapublic. Je ne pense pas qu’il y ait ici les la société civile, les sociétés minières, les consommateurs qui sont aussi parties prenantes du secteur. Il faut une approche inclusive. Sinon on donnerait l’impression d’élaborer une politique par nous et pour nous de l’administration. Or, notre intervention est orientée vers les populations et en interaction avec les autres parties prenantes qui sont les entreprises privées et qui jouent un rôle extrêmement important”, constate M. Sock pour le regretter.
Le ministre annonce une baisse imminente des prix de l'électricité
Par rapport la politique énergétique du gouvernement, le ministre Birame Souleye Diop a été très ferme. Il est hors de question, selon lui, d'envisager une augmentation des prix de l'électricité, comme certains l'ont prétendu. Sur ce point, le gouvernement Sonko n'entend pas du tout céder à la pression du Fonds monétaire international (FMI). “Depuis que nous sommes arrivés au pouvoir, nous travaillons avec nos équipes dans le sens d'une réduction des prix de l'électricité. Avec la transformation de nos centrales qui vont pouvoir utiliser le gaz domestique, nous aurons plus de marge. En attendant, il a fallu travailler sur les couts de production de l'électricité pour faire baisser les prix”, a indiqué M. Diop.
Ce travail, précise le ministre de l'Énergie, est presque fini, il ne reste que les derniers réglages. Et d'insister : “Nous ne travaillons pas à une hausse du prix de l'électricité. Le gouvernement est résolument engagé dans la diminution des prix et les jours à venir, nous donnerons des réponses précises sur ce point.” L'autre point important par rapport à la feuille de route énergétique, c'est faire en sorte que la ressource soit accessible à tous. “Vous n'êtes pas sans savoir que nous comptons utiliser le gaz du Sénégal pour nos centrales. Et le premier gaz est attendu en fin décembre, début janvier. Progressivement, la Senelec va utiliser ce gaz domestique pour aller vers l'accès universel et à des couts abordables. La Sar est également appelée à jouer un rôle important dans ce cadre”.
Par rapport aux modalités sur la baisse des prix, le ministre a laissé entendre qu'il y aura non seulement une augmentation de la tranche sociale, mais également une réduction du prix du kWh. Il faut rappeler que les dernières missions du Fonds monétaire international au Sénégal avaient particulièrement insisté sur la nécessité de revoir les grilles tarifaires de la Senelec, en vue de mettre moins de subvention de l'État. Beaucoup en avaient déduit une possible augmentation des prix de l'électricité. Mais le ministre a tenu à rassurer sur ce point. “Des efforts supplémentaires sont nécessaires pour faire avancer le programme de réformes structurelles, notamment la révision de la formule de tarification des produits pétroliers, l'avancement du diagnostic des couts de production de l’électricité et l’amélioration de la viabilité financière de la société nationale d'électricité, Senelec, dans le cadre de la conception d’une nouvelle structure tarifaire de l’électricité intégrant un tarif social destiné à protéger les ménages vulnérables”, prévenait l'institution de Bretton Woods.
Reste à voir si le gouvernement a réussi à atteindre cet objectif en optimisant sur les couts ou bien en augmentant les subventions.
Victor Ndiaye (Performances Group) plaide pour l'appel à candidatures, des contrats de performance pour les entreprises publiques Prenant la parole à cet atelier visant l'alignement de la politique du département au référentiel, Victor Ndiaye du cabinet Performances est revenu sur l'importance de la gouvernance pour le bon déroulement de la stratégie. Au-delà du niveau central, il insiste sur le niveau déconcentré qui exécute une bonne partie de cette politique. “Par exemple, on parle toujours des budgets des ministères, mais en réalité, 70 % de ce budget, c'est pour les entreprises publiques et parapubliques. Les ministères et autres, c’est 30 %. Il faut donc qu'elles soient extrêmement efficaces”, a préconisé M. Ndiaye. Dans cette optique, le consultant a mis l'accent sur la nécessité de favoriser l'excellence pour une mise en œuvre efficiente des stratégies. Selon Victor, il faut aller vers l'appel à candidatures pour avoir les meilleures ressources possibles. “Il faut de très bonnes équipes de direction et idéalement de plus en plus choisies par appel à candidatures. Cela suppose également des conseils d'administration qui jouent leur rôle de pilotage ; de vrais contrats de performance, avec des objectifs clairs et précis”, plaide le patron du cabinet Performances. Selon lui, il faudrait faire en sorte que ces entreprises ne soient plus des centres de couts, mais des centres de bénéfices. “Ce n’est pas normal que toutes ces entreprises publiques coutent aussi cher. Alors que certaines d’entre elles auraient pu générer beaucoup plus de résultats et être des championnes au-delà même de nos frontières. Ce qui se profile dans le secteur de l’engrais est très important. Mais cela suppose que ce soit très bien géré”. |
MOR AMAR