Révélation sur les connexions dangereuses du DG
Après ses sorties contre le personnel de la compagnie qu'il juge pléthorique, le DG d’Air Sénégal est accusé à son tour de conflit d'intérêts et de “manquements graves” par rapport à la gestion de l'entreprise. La société privée Iris, dont il est principal promoteur et dans laquelle il aurait encore toujours des intérêts, représenterait des compagnies concurrentes d’Air Sénégal.
Sa nomination a été assez bien accueillie dans certains milieux au niveau de la plateforme aéroportuaire. Mais depuis quelque temps, les langues commencent à se délier à propos du nouveau directeur général d'Air Sénégal, El Hadj Tidiane Ndiaye, qui a multiplié les sorties où il charge les travailleurs. L'un des griefs les plus sérieux, contre lui, c'est le conflit d'intérêts qu'il y aurait dans ses rapports avec l'entreprise privée Iris.
Selon ces sources proches de la plateforme, l'entreprise privée Iris, dont il est le principal promoteur, représente au Sénégal plusieurs compagnies ayant des intérêts concurrents avec Air Sénégal. Il en serait ainsi d’Air Ivoire qui est la principale concurrente de la compagnie nationale sur la plupart des lignes africaines. “C'est un conflit d'intérêts manifeste, puisque Air Ivoire et Air Sénégal font presque les mêmes lignes avec les mêmes clients. Cela pose véritablement problème”, souffle notre interlocuteur.
En sus d’Air Ivoire, Iris représente aussi Flynas qui assure souvent le convoyage des clients d’Air Sénégal pour le pèlerinage à La Mecque. D'ailleurs, confie-t-on, pour la prochaine édition, le gouvernement avait prévu de réserver le marché exclusivement pour la compagnie nationale. Une décision saluée par bon nombre d'acteurs. Mais alors que la compagnie dispose de deux A330 -actuellement en maintenance - dont l'un aurait pu parfaitement être mobilisé pour cette tâche, la compagnie serait en train de négocier pour louer des avions chez Flynas.
“On parle de consultation en cours pour louer un avion, mais on sait tous que c'est Flynas qui va être choisi”, lancent nos sources, convaincues que les jeux sont déjà faits et que le DG va choisir le partenaire de son entreprise Iris.
Air Ivoire, principale concurrente d’Air Sénégal, représentée par l'entreprise du DG
Pour rappel, l'année dernière, Air Sénégal avait pris une partie du pèlerinage et Flynas l'autre partie. Cette année, le gouvernement a décidé que tous les pèlerins seront convoyés par Air Sénégal. Un marché qui représente 12 à 14 milliards de chiffres d'affaires souvent empochés sans partage par la compagnie saoudienne. “Depuis que l'autorité a décidé de réserver le marché à Air Sénégal, il s'organise non seulement pour prendre des avions chez Flynas, mais aussi il n'a eu de cesse de dénigrer les travailleurs, en particulier l'équipe qui était partie l'année dernière. L'autorité s'y est opposée, parce qu'elle avait constaté le travail qui a été abattu l'année dernière par ce personnel. En dehors des problèmes d'avions qu'on a eus au départ, il n'y a eu aucun couac”.
Dans une lettre, Tidiane Ndiaye avait accusé l'équipe qui était partie au pèlerinage de fraude, notamment sur le transport de bagages ayant occasionné des pertes financières importantes.
Relativement à la gestion du personnel, certains travailleurs contactés rejettent en bloc les accusations et attendent de pied ferme le nouveau boss. Alors que le DG parlait de plus de 600 employés trouvés sur place pour une compagnie qui avait juste quatre avions, un de nos interlocuteurs estime qu'il fait des amalgames qui témoignent soit de sa mauvaise foi soit de son manque de connaissance du management des compagnies. “Il a tout faux par rapport au personnel. Dans ce milieu, il y a des gens qui travaillent dans la ligne, d'autres dans les opérations, dans la maintenance. Aussi, il compare des choses qui sont différentes. Les compagnies qui sont là ont un vol par jour maximum et elles ont trois à quatre permanents par jour. Air Sénégal, c'est un hub, on a au moins sept montées par jour. Pour chaque montée, on est maximum cinq. Il y a le chef d'escale, deux superviseurs et deux agents d'escale. À titre de comparaison, Air Ivoire, que son entreprise représente, a entre trois et quatre permanents, alors qu'elle n'a qu'un seul vol par jour”.
Suspicions sur le marché de la location des avions pour le pèlerinage à La Mecque
Selon les informations reçues par ‘’EnQuête’’, le DG envisagerait de reverser ce qu'il considère comme un surplus de personnels à la société de handling 2AS, filiale de AIBD SA, où elle dispose de quelques actions. Mais les travailleurs de cette entreprise ont dit niet à cette hypothèse, d'autant plus que le DG lui-même a eu à dénoncer le manque de compétence de certains membres de ce personnel. Les concernés, non plus, ne sont pas favorables à ce schéma. “2AS a déjà des employés ; il a déjà pourvu ses postes de responsabilités. Les responsables que tu vas emmener là-bas, quels postes vont-ils occuper ? Et puis, ils ont de meilleures conditions que les gens de 2AS avec les primes. Est-ce que les travailleurs (de 2AS) vont accepter que ces gens qui viennent d'arriver aient de meilleures conditions ? Ils vont juste créer des conflits. Je pense que s'ils ne veulent pas de certains, ils n'ont qu'à faire des propositions viables et défendables”.
Last but not least, il est reproché au nouveau DG d'avoir mis en place un nouvel organigramme qui ne respecterait pas les règles en vigueur dans le secteur des transports aériens. “Dans l'aviation, il y a des postes obligatoires. Une compagnie ne peut pas ne pas avoir un directeur chargé des vols, un directeur des opérations. Et l'Anacim doit donner les autorisations. L'Anacim ne devrait même pas accepter cette situation actuelle”.
Nous avons essayé de contacter le directeur général d’Air Sénégal pour prendre sa version, mais en vain. Il faut noter que dans une émission sur Radio Sénégal, il revenait sur le personnel jugé pléthorique de l'entreprise et la mauvaise gestion qui avait sérieusement plombé l'entreprise avant son arrivée au poste.
Relativement au personnel, il disait : “Quand j'arrivais, il y avait 603 employés. Là, on est à 583. On n’a licencié personne, mais pour ceux dont les contrats arrivaient à terme, on ne les renouvelle pas. Il faut savoir que pour qu'une compagnie soit rentable, il y a des ratios à respecter. On était à 152 personnes pour quatre avions. Là on est à 97 personnes pour quatre avions. On est en train de restructurer petit à petit.”
Par rapport aux lignes, il informait que la compagnie avait des ambitions démesurées par rapport à la taille de sa flotte. Avec quatre avions, elle voulait aller partout, environ six destinations en Europe, plus les États-Unis. L'une de ses premières grandes mesures a été de suspendre tous les vols vers l'Europe, exception faite de la France. “On était obligé de louer des avions pour satisfaire ces ambitions, ce qui nous coutait excessivement cher et rendait ces destinations non rentables. C'est pourquoi nous avons décidé de recentrer notre activité vers l'Afrique”, expliquait M. Ndiaye, qui informait que cette stratégie a permis de réduire considérablement les retards, pour retrouver la confiance des clients. “Quand on prenait la compagnie, sur 100 vols, 45 % partaient à l'heure. Là, on est à 82 %. On l'a réussi en quatre mois”, informait-il.