Une problématique brûlante

La problématique de l’accès aux combustibles modernes de cuisson se pose avec acuité et demeure un défi majeur. L’utilisation de combustibles solides pour cuire les aliments à l’air libre et dans des foyers traditionnels à de graves répercussions négatives sur la santé, l’environnement et le climat. Le Sénégal a lancé la “Stratégie nationale des combustibles de cuisson propre et des biocarburants 2025-2035’’.
L'utilisation du charbon et du bois de chauffe demeure à Dakar. Des restaurants ou disons gargotes font recours au charbon pour la cuisson. Ce produit connaît une forte demande pendant la fraîcheur, pour divers usages. À Grand-Yoff, les restauratrices interrogées sont conscientes des conséquences sur leur santé. Elles ont toutes confié qu'elles n'ont pas trouvé d'autres alternatives de cuisson, pour réduire l’utilisation du charbon. “Le prix du sac varie entre 8 000 et 9 500 CFA. Personnellement, j'utilise au moins un sac et demi par jour. La cuisson avec le charbon est difficile, surtout durant la période de chaleur où parfois je sens le vertige dès que je me rapproche du feu. Il faut que l'État nous trouve d'autres solutions plus économes et propres pour la santé", a plaidé une dame.
Non loin, une autre fille a confié que la cuisson avec le charbon serait à l'origine de la mort de sa mère. "Maman a passé la moitié de sa vie dans la restauration. Chaque fois qu'elle revenait d'une visite médicale, elle me disait que le médecin lui avait recommandé de s'éloigner du feu. Elle avait essayé avec le gaz de 12 kg, mais parfois elle s’en sortait difficilement. Depuis lors, je cuisine avec du charbon de bois. L'État doit plutôt réduire le prix du gaz, car le charbon n'est pas bon pour la santé et j'en sais quelque chose", a-t-elle dit.
Le bois de chauffe est quotidiennement utilisé par les dibiteries, les traiteurs et la cuisine à grande échelle, lors des événements religieux. Aux Parcelles-Assainies, un gérant de dibiterie a avoué l'impact de ses activités sur l'environnement. "Le bois de chauffe dégage beaucoup de fumée. Malgré les pots d'échappement que nous avons superposés, les voisins de l'étage s'en plaignent souvent, pendant la grillade. Je ne connais pas d’autres moyens pour abandonner le bois. Je l'utilise par manque d'alternative. Je suis conscient que ce n'est pas bon pour ma santé, mais que faire ?".
Les mesures pour les combustibles domestiques concourent à la préservation de la ressource forestière, avec la substitution du bois de feu et du charbon de bois par des sources durables et des équipements de cuisson efficaces. C'est le cas du biogaz, du bioéthanol et du biogaz de pétrole liquéfié qui sont considérés comme des options viables, en particulier dans les pays qui se sont fixé des objectifs en matière de bioénergie. Il faut rappeler que l’Objectif de développement durable (ODD 7.1.2) vise l'accès universel à la cuisson propre dans le cadre d'un objectif plus large d'énergie durable pour tous.
Indicateurs d’accès à l’énergie de cuisson
Selon le rapport final, l'enquête harmonisée sur les conditions de vie des ménages (EHCVM), publiée en juillet 2024, montre que l’utilisation du bois comme combustible concerne principalement les ménages ruraux avec un pourcentage de 72,9 %. Dans les zones urbaines, le gaz est le premier combustible utilisé par les ménages (77,3 % pour Dakar et 39,0 % pour les autres zones urbaines, suivi du charbon de bois (18,6 %) à Dakar urbain et 31,0 % chez les autres urbains. Les ménages les plus riches (67,3 %) font recours au gaz, tandis que les ménages les plus pauvres (74,3 %) ramassent le bois pour leur cuisson. L’étude a suggéré des stratégies nationales de cuisson non polluante pour accélérer les actions en faveur de la cuisson propre et d’autres objectifs énergétiques. Bien que ces avancées augmentent le financement disponible pour la cuisson propre, des approches évolutives sont nécessaires pour que l’amélioration de l’accès ait des retombées rapides et durables”, note le rapport.
En raison de la part importante des émissions provenant de l’utilisation de la biomasse pour la cuisson, la transformation du secteur de la cuisson est devenue une priorité dans de nombreuses contributions déterminées au niveau national (CDN) des gouvernements subsahariens. Au Sénégal, dans les actions stratégiques de la contribution déterminée (CDN) approuvée en 2020, il est prévu la diffusion de 800 000 foyers améliorés (FA) par an d’ici 2030, contre environ 350 000 en 2016. Une réalisation cumulée de 27 000 biodigesteurs en 2030. Le document prévoit la poursuite de la politique sur le gaz butane et la promotion du biocharbon, et la diffusion d’environ 1 500 000 foyers améliorés par an, d’ici 2030.
La mise en œuvre de la stratégie est estimée à 73 milliards F CFA. C'est le ministre de l'Énergie, du Pétrole et des Mines, Birame Soulèye Diop, qui a lancé la ‘’Stratégie nationale des combustibles de cuisson propre et des biocarburants 2025-2035’’, dont la mise en œuvre nécessite un investissement estimé à 73 milliards F CFA. Dans son allocution, M. Diop a souligné que les combustibles ligneux (bois de chauffe et charbon de bois) occupent 42 % d’énergie finale utilisée par les ménages sénégalais, posant un enjeu crucial pour la sécurité énergétique, la santé publique et la lutte contre les changements climatiques.
"En 2024, il ressort d’une enquête nationale sur les consommations des ménages en combustibles domestiques que 43 % des ménages sénégalais n’ont pas accès aux énergies et technologies de cuisson propre. Au demeurant, les résultats agrégés de ladite enquête font apparaître des consommations nationales annuelles de 1 601 631 t pour le bois de chauffe, 744 703 t de charbon de bois et 253 508 t de gaz butane", a-t-il déclaré. Le ministre de l'Énergie a noté que ces chiffres dessinent clairement les tendances suivantes : une substitution croissante du gaz de pétrole liquéfié (GPL) aux produits ligneux (bois et charbon de bois) tant en milieu urbain que rural. Il y a une saturation progressive du taux d’usagers du GPL à Dakar (99 %) avec une prépondérance de son choix comme combustible principal (86 %), notamment au détriment du charbon. Enfin, une domination de la consommation finale de bois de feu au niveau national, mais qui s’amenuise en passant de 61 % en 2013 à 45 % en 2024 dans la consommation finale des énergies de cuisson des ménages.
D’après Birame Soulèye Diop, la mise en œuvre de cette stratégie “parviendra à contribuer de façon sensible à l’amélioration des conditions de vie des populations, en leur assurant l’accès aux sources d’énergies propres et aux technologies appropriées, notamment le gaz butane, la cuisson électrique, le biogaz, le biocharbon, les cuiseurs performants de niveau +3 et les biocarburants”.
F. BAKARY CAMARA