Quand la crise malienne fait danser les vendeurs locaux
La pénurie de moutons est une aubaine pour les éleveurs locaux. Ces derniers se remplissent les poches et se réjouissent de l'absence des vendeurs venant de l’extérieur du pays qui, disent-ils, les empêchent de faire de bonnes affaires.
Le malheur des uns fait le bonheur des autres. Alors que les supputations vont bon train sur la quantité de moutons disponibles pour la Tabaski à venir, et que le ministre de l’Élevage a fini de jeter le trouble, en déclarant ignorer s'il y aura cette année assez de moutons, les vendeurs locaux de moutons, eux, se frottent les mains. Ce, parce qu'à 9 jours de la fête de l'Aïd El Kébir, ils sont les seuls à pouvoir alimenter le marché local.
Il est 11h au point de vente qui longe les deux voies de Liberté. Moussa Bâ surveille son troupeau de moutons. Ce sexagénaire drapé d'un boubou vert, foulard à la tête, fait le même constat. ''Il n'y a pas assez de moutons cette année''. Mais cette situation ne semble pas lui déplaire car, bien que ses moutons ne payent pas de mine, il commence déjà à se remplir les poches. Dès que les moutons venant du Mali foulent le sol de Dakar, les vendeurs locaux commencent à avoir des problèmes, déclare-t-il. ''Cette année, nous allons beaucoup gagner, assure-t-il, parce que les vendeurs du Mali et de la Mauritanie ne pourront pas venir. Il n'a pas beaucoup plu l'année dernière et la sécheresse a tué beaucoup de moutons. Nous pourrons enfin vendre sans aucun problème'', jubile le vieil éleveur. Les prix de ses bêtes varient entre 45 000 F Cfa et 85 000 F Cfa.
Non loin de lui, se trouve Babacar Marone. Vautré sur sa chaise, le vieux sérère déclare sans ambages : ''Les clients n’achètent que les moutons du Mali ou de la Mauritanie. Cela ne fait pas notre affaire et ça nous plonge dans des dettes. Franchement, je suis très content du fait que cette année, ces gens-là ne viennent pas''. Pour lui, le prix du mouton dépend de la race. ''Il faut savoir que les Ladoums n'ont pas le même prix que les Balbalis et les Toulabaires. En plus de cela, nous passons toute une année à les nourrir, sans compter la cherté du foin''. Cependant, tempère l'éleveur : ''Mes moutons sont accessibles à toutes les bourses.''
Les clients à l’assaut des lieux de vente
La déclaration du ministre de l'Èlevage n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd. Aminata Mbengue Ndiaye a annoncé dans l'Observateur ne pas être en mesure de rassurer la population sur la quantité de moutons pour la Tabaski. Et pour cause, les pères et mères de famille ont pris d'assaut les points de vente de moutons. C'est le cas de Aïda Sow. La dame de teint clair, vêtue d'un ensemble bleu, s'est empressée d'acheter son mouton avant que la situation n'empire. ''Dès que j'ai entendu la nouvelle hier (avant hier), j'ai eu peur. Parce que s'il y a pénurie, ça veut dire que certains risquent de passer la fête sans mouton. Raison pour laquelle je suis venue acheter pour ne pas tomber dans l’erreur. Mais les moutons sont chers'', explique la mère de famille.
«Aminata Mbengue Ndiaye..., c'est grave»
D'ailleurs une autre dame, Alimatou Ly, fustige la sortie du ministre. ''Si Aminata Mbengue Ndiaye, en tant que ministre, n'est pas en mesure de nous rassurer, c'est grave. Donc, cela veut dire qu'il n'y aura pas de moutons. Pour ne pas avoir de regret, j'ai décidé d'acheter mon mouton dès maintenant. C'est plus sûr'', dit-elle. Alimatou s'est insurgée contre la cherté du mouton alors que, fait-elle remarquer, le président avait annoncé la suppression des taxes pour permettre aux vendeurs d'écouler les bêtes à des prix raisonnables.
Mêmes récriminations auprès de Babacar Sanokho. ''Je ne comprends pas pourquoi les moutons sont aussi chers. Les prix varient entre 100 000 F Cfa et 150 000 F Cfa. Ce n'est pas normal''', se désole-t-il. ''L'année dernière à pareil moment, la circulation était serrée à cause de la présence des bêtes, dans tous les coins de la ville. Mais cette année, on peut compter le nombre d'abris à quelques jours de la fête. C'est un signe dangereux. Donc mieux vaut le faire maintenant. C'est plus sûr de toute façon'', laisse entendre Sanokho.
Viviane DIATTA
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