Le temps invisible des femmes : 13,9 % du PIB ignoré

Le Consortium régional pour la recherche en économie générationnelle (Creg) a organisé, en partenariat avec la Direction de l’Équité et de l’Égalité de genre, un atelier de deux jours, à Dakar, pour la restitution des résultats de l’étude sur la valorisation du travail domestique des femmes et l’économie de soins. L’objectif était d’identifier des pistes pour intégrer certains travaux non rémunérés majoritairement assurés par les femmes dans les calculs du PIB national, en mobilisant les parlementaires et la société civile sénégalaise.
Un travail domestique non rémunéré ne veut, en aucun cas, signifier un travail mal payé ou de l’exploitation des femmes. Il s’agit, ici, du manque de valorisation de ce type de travail qui n’est pas comptabilisé dans le PIB du Sénégal, malgré son importance. En effet, selon le Creg et ses partenaires, il faut des mécanismes gouvernementaux et législatifs pour une reconnaissance et une valorisation de ce travail qui contribue à faire tourner nos économies.
‘’Le travail domestique ne signifie pas celui exécuté par des domestiques sous-payées‘’, a précisé le coordonnateur du Creg, le professeur Latif Dramani. Ce travail reste absent des statistiques officielles, selon le député Cheikh Faye. Un plaidoyer va être porté, selon lui, à l’Assemblée nationale sénégalaise, en vue d’une reconnaissance à travers des lois, de ce travail domestique non rémunéré. Il a pris l’engagement de transmettre le message au groupe parlementaire majoritaire à l’Hémicycle, afin de trouver les voies et moyens d’une reconnaissance et d'une valorisation de ces tâches domestiques.
La directrice Afrique de Population Référence Bureau (PRB), Aissata Fall, a rappelé l’importance de travailler avec les parlementaires en vue de les aider à comprendre la problématique et de la porter au plus haut niveau des instances de décision.
D’autres représentants de la société civile ont fait le plaidoyer pour la valorisation du travail domestique non rémunéré.
En effet, selon la représentante d’Oxfam, Dalila Dossou, ’’le travail domestique non rémunéré n’est pas gratuit. Il coûte du temps, de l’énergie, des opportunités. Et il coûte une génération entière de femmes piégées dans des rôles invisibles’’. Madame Dosso explique également que l’étude restituée dans le cadre de cet atelier porté par le Creg, le PRB, la Direction de l’équité et de l’égalité de genre, et leurs partenaires ‘’apporte des données claires et rigoureuses : le travail non rémunéré des femmes contribue de manière décisive à la croissance économique’’.
La directrice de l’Équité et de l’Égalité de genre, Astou Diouf Guèye, représentante du ministre de la Femme, a rappelé, dès l’ouverture des travaux de restitution ce 2 juin, que l’Agence nationale de la statistique et de la démographie, dans sa première enquête nationale sur l'emploi du temps au Sénégal, a révélé que les femmes supportent l’essentiel de tâches domestiques.
Selon ladite enquête, les femmes consacrent huit fois plus de temps aux tâches domestiques (3,7 heures par jour pour les femmes contre 27 minutes pour les hommes) que la gent masculine. Le rapport d’analyse montre également que le temps de production des femmes connaît une hausse régulière jusqu'à atteindre un pic de 14,65 heures par semaine entre les âges (30-40 ans) au moment où la contribution masculine reste insignifiante, avec une valeur moyenne de 0,575 heure par semaine. Alors que la moyenne féminine s’élève à 8,671 heures par semaine.
Cela représente donc, selon la directrice de l'Équité et du Genre, ‘’un écart de près de 15 fois plus de temps consacré par les femmes aux travaux de soins’’. Une asymétrie qui reste marquée, si l’on se fie à ses dires, dans toutes les tranches d’âge.
Ainsi, si ce travail des femmes était valorisé au salaire minimum par horaire, il représenterait, d'après elle, 13,9 % du PIB national. Elle indique que l’intégration de la valeur économique du travail domestique dans les politiques publiques est une exigence de justice sociale.
Alioune Badara Diallo Kane